Pierre Fortin à RDI : Information ou désinformation ?

2013/06/03 | Par Jacques Brodeur, Jean-Yves Proulx, Jean-Caude Tellier et Jean Yergeau

Les auteurs sont des  retraités de l'enseignement

Nous aimerions exprimer non seulement notre surprise, mais notre profond désaccord avec les propos tenus dimanche soir dernier par M. Pierre Fortin, économiste, lors d'une édition spéciale de RDI économie.

Selon M. Fortin, le vieillissement de la population serait le principal problème auquel notre économie serait confrontée au cours des prochaines années : avec l'arrivée des baby-boomers à la retraite, il y aura trop peu de travailleurs pour supporter ce nombre grandissant de dépendants.

Ainsi présenté, le portrait de notre société est évidemment percutant. À y regarder d'un peu plus près, cette « percutance » s'effrite rapidement.

Cette situation n'est pas nouvelle. Dans les années soixante, la proportion travailleurs / dépendants était la même que celle qu'on nous annonce avec cette différence que les dépendants étaient à l'époque des enfants... qu'on appellera d'ailleurs plus tard baby-boomers. Les mêmes !

Personne n'a crié à la catastrophe. Ce fut même le début d'une période des plus emballantes qu'a connue le Québec.

Dans cette comparaison des années soixante avec cette période que nous nous apprêtons à traverser on doit tenir compte du fait que tous ces aînés contribuent bien davantage à l'économie que ne le faisaient les enfants des années soixante.

À titre d'exemple, en 2006, les 65 ans et plus ont versé au trésor public québécois 2 milliards de dollars d'impôt. C'est presque deux fois plus que ce que l'ensemble des entreprises privées du Québec (banques, pétrolières, minières...) ont payé en impôt selon les données du dernier budget Marceau : 4,7 milliards, moins les 3,6 milliards que l'État leur verse en moyenne chaque année en subventions de toutes sortes !

Sans compter, toutes les taxes que paie cette population qui continue à manger, à se vêtir, à se divertir... Et sans compter les taxes municipales qu'elle verse chaque année. Pour ne parler ici que de leur contribution financière, ce qui nous gêne drôlement...

Avec le vieillissement de la population, il en coûtera terriblement cher à notre système de santé, a poursuivi M. Fortin. Or, toutes les études sérieuses le prouvent, ce n'est pas le vieillissement qui coûte cher, mais les 3 ou 4 dernières années de vie.

Que ces dernières années de vie arrivent à 60 ans ou à 95 ans, cela ne change rien. Il ne faudrait pas oublier non plus de mentionner qu'en soins de santé les premières années de vie coûtent elles aussi beaucoup plus cher que les autres.

En un mot, c'est à l'entrée et à la sortie de la vie que les coûts de santé augmentent, et ce, peu importe le nombre d'années qui les sépareront.

Et quelle est la seule solution que M. Fortin envisage ? « La seule soupape que je peux voir, c'est qu'on accepte à un moment donné de financer une partie de la santé en faisant appel au secteur privé... Et à ce moment-là, ça pourra permettre à des gens qui veulent des services privés de payer pour ça et ça laissera plus d'argent au gouvernement pour financer la partie publique. »

Belle image ! Pour rester poli, parlons plutôt d'illusion d'optique.

Les mieux nantis savent aussi compter, est-il utile ici de le préciser ? Pourquoi accepteraient-ils de payer de leur poche pour des services au privé si ces mêmes services étaient disponibles gratuitement au public ?

Tout est dans la question : ils n'accepteront de le faire que si la situation au public demeure chaotique.

Comment alors prétendre faire un travail de recherche scientifique sérieux en prétendant qu'on sauvera notre système public de santé en faisant une plus large place au privé ?

«On n'étudie pas l'économie pour trouver des réponses toutes faites aux questions d'ordre économique, mais plutôt pour apprendre à ne pas se laisser tromper par les économistes », disait Joan Robinson, une économiste britannique.