Mouterde à la rescousse de Khadir

2013/06/06 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Les auteurs sont respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Le grand historien Éric Hobsbawm faisait se terminer le long XIXe siècle en 1914, avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, et le court XXe siècle en 1991 avec la dislocation de l’Union soviétique.

Notre ami Pierre Mouterde, l’animateur du site « Presse-toi à gauche » emploie une autre unité de mesure que les grands événements pour définir une époque : le bon vieux calendrier!

Aussi, de manière plus prosaïque, il décrète que nous serions entrés dans une « nouvelle époque » le 1er janvier 2013! C’est du moins l’essentiel de ce qu’on peut tirer de sa réplique à notre article, intitulé « Amir Khadir et la dérive sectaire de Québec solidaire », écrit en réponse à la « Lettre ouverte aux souverainistes » du député de Mercier.

Dans son article, « Agrippés à jamais aux nostalgies et dogmes d’une époque révolue », Mouterde nous invite « à chercher de manière constructive à alimenter le débat sur les voies possibles d’une indépendance pour le Québec du 21ième siècle ».

En fait, le calendrier politique de Mouterde est encore plus court! Il tient dans une décennie! Il nous reproche de dire aujourd’hui la  même chose qu’en 2004! Et qu’avions-nous dit de si terrible à ce moment-là? Nous avions, tout simplement, reconnu que Pierre Vallières avait eu raison dans « L’Urgence de choisir », publié en 1972, à propos du potentiel révolutionnaire de l’indépendance du Québec et de la nécessité de militer au sein du Parti Québécois.

Quelle horreur ! 1972! Pour Mouterde, c’est la préhistoire! C’est l’époque antédiluvienne!

Que propose Mouterde de nouveau et de moderne? On ne le sait trop. Mais, on imagine, étant donné qu’il se porte à la défense du texte de Khadir, qu’il appuie le projet d’assemblée constituante qui tient lieu, pour Québec solidaire, de stratégie pour l’accession du Québec à l’indépendance, même s’il n’en fait pas mention directement.

Une assemblée constituante! Quelle nouveauté! Quel modernisme! La première, celle qui sert de référence à toutes les assemblées constituantes, a eu lieu en 1789, lors de la Révolution française! Et c’est ce même Mouterde qui nous accuse d’être « agrippés aux nostalgies et dogmes d’une époque révolue »! Faut le faire!

Plutôt que de concentrer l’essentiel de son propos à nous ressortir l’argument classique de tous ceux qui craignent la polémique – « Vous employez des procédés inadmissibles entre camarades » – il aurait été bon que le camarade Mouterde précise l’objet de sa montée de lait :

  • Est-il d’accord, oui ou non, que le rejet par QS de toute alliance avec le PQ signifie l’abandon, à toutes fins pratiques, de son objectif de voir s’instaurer, à court terme, le scrutin proportionnel?
  • Est-il d’accord, oui ou non, qu’on ne peut comparer la situation de l’Équateur avec celle du Québec, étant donné que l’Équateur est un pays indépendant et que le Québec ne l’est pas?
  •  Est-il d’accord, oui ou non, que l’approche de QS sur l’assemblée constituante peut ouvrir la porte à l’adhésion du Québec au Canada?
  • Est-il d’accord avec la caractérisation du Parti Québécois comme parti néolibéral, telle qu’adoptée par le Congrès de Québec solidaire?
  • Comment caractérise-t-il le NPD, qui vient d’enlever toute référence au socialisme dans ses statuts, qui s’est prononcé pour le libre-échange et l’exploitation des sables bitumineux, et qui est dirigé par un ancien ministre libéral et avocat d’Alliance-Québec?
  • Est-il d’accord, oui ou non, avec la « théorie de la flottille », telle que formulée par Françoise David, qui affirme que l’éclatement du Parti Québécois, le vaisseau amiral du mouvement souverainiste, serait une bonne chose?
  • Comment caractérise-t-il la conjoncture? À l’échelle mondiale, nord-américaine et québécoise. Le mouvement progressiste est-il dans une phase d’avancées ou de reculs?
  • Comment interprète-t-il le fait que de plus en plus de péquistes déçus rallient Option Nationale plutôt que Québec solidaire? Cela a-t-il un lien avec la position de Québec solidaire sur la question nationale?
  • Dans le contexte de la marginalisation du Québec au sein du Canada, élimine-t-il d’emblée que des secteurs de la classe dirigeante québécoise puissent se rallier au projet indépendantiste?
  • À propos de Pierre-Karl Péladeau, croit-il, comme Khadir, qu’il « représente une fraction très minoritaire du milieu patronal québécois »?
  • Toujours à propos d’un ralliement possible de PKP à la cause souverainiste, croit-il qu’il « vaut mieux l’avoir avec nous que contre nous » ou « vaut mieux s’assurer de l’avoir contre nous »?
  • Pierre Mouterde étant un spécialiste de l’Amérique latine, que pense-t-il du rapprochement que nous avons fait entre la nouvelle position de Québec solidaire et celle du MIR au Chili, après le coup d’État de Pinochet?
  • Enfin, comment Pierre Mouterde définit-il le sectarisme? Comment définit-il la position de Québec solidaire qui refuse toute alliance, non seulement avec le PQ, mais également avec Option nationale?


Nous voulons aussi préciser à Pierre Mouterde que le SPQ Libre existe toujours, comme club politique indépendant, même s’il ne figure plus dans les statuts du Parti Québécois.

Quant à une évaluation complète de notre action au sein du Parti Québécois, nous y travaillons et elle sera rendue publique en temps et lieu. Mais, déjà, on peut dire que « les sceptiques seront confondus ».

En fait, nous hésitons à utiliser cette expression (« Les sceptiques seront confondus »), de crainte que, dans un prochain article, Mouterde nous traite de disciples du Capitaine Bonhomme, étant donné la volée de bois vert qu’il nous administre pour avoir mis en exergue de notre texte une citation du « très machiavélique cardinal de Richelieu ».

À bon entendeur, salut !