Un autre projet de loi antisyndical du Parti conservateur

2013/06/07 | Par Maude Messier

C’est fait. Source de rumeurs depuis déjà nombre de semaines, le projet de loi privé C-525, ou Loi sur le droit de vote des employés, a été officiellement déposé ce mercredi par le député conservateur albertain Blaine Calkins.

Le projet de loi, qui modifie au passage le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, institue un vote à scrutin secret pour toute requête en accréditation syndicale pour les travailleurs sous juridiction fédérale. Et ce, même si une requête est accompagnée d’un dépôt de cartes d’adhésion signées par la majorité des travailleurs visés. C’est ce que l’on appelle le vote obligatoire.

Ainsi, dans le régime actuel, l’accréditation syndicale est accordée par le Conseil canadien des Relations de travail de façon quasi automatique lorsqu’un dépôt de cartes d’adhésion regroupe 50% plus une des voix, pour autant que le Conseil estime que les signatures ont été obtenues dans les règles de l’art.

Dans les cas où seulement entre 35% et 49% des travailleurs concernés ont signé une carte d’adhésion, le Conseil organise la tenue d’un vote secret obligatoire.

C-525 impose une double contrainte. Désormais, non seulement le vote secret sera obligatoire pour toute les requêtes, mais il faudra en plus réunir les signatures d’au moins 45% des travailleurs visés pour obtenir la tenue d’un vote.

En ce qui concerne la désertification d’une unité de représentation syndicale, un travailleur qui prétend représenter la volonté d’au moins 45% des travailleurs visé par l’accréditation doit d’abord fournir la documentation adéquate prouvant ses allégations et ensuite réclamer la tenue d’un vote secret. Avant, il devait se réclamer de la volonté de la majorité.

Déjà, jeudi en fin de journée, la FTQ publiait un communiqué dénonçant ce qu’elle qualifie d’un projet de loi idéologique visant essentiellement à faire diversion sur les scandales qui affligent les conservateurs.

« En décrétant un vote obligatoire, le gouvernement ouvre la porte à l’intimidation, la menace et les congédiements arbitraires. L’opinion publique n’est pas dupe, ce gouvernement est au bout du rouleau », a déclaré le secrétaire général de la FTQ, Daniel Boyer.

Il souligne qu’en signant des cartes d’adhésion, les travailleurs et les travailleuses expriment déjà leur volonté. « Le fait d’adhérer ou non à un syndicat est un choix démocratique qui ne concerne que les travailleurs. Un vote obligatoire laisse les coudées franches aux employeurs qui voudront faire pression pour stopper le processus de syndicalisation.»

Même son de cloche à la CSN, alors que le vice-président de la centrale, Jean Lacharité, soutient qu’il y a beaucoup de démagogie dans ce débat.
« Pourquoi les gouvernements provincial et fédéral ont-ils légiféré, chacun dans leur code du travail, pour permettre le choix d'un syndicat par signature de carte d'adhésion plutôt que par vote secret ? La raison est simple : c'est pour éviter l'ingérence et l'intimidation des employeurs auprès des salariés. Et cette réalité n'a pas changé, loin de là. »

La CSN estime que de passer d'une reconnaissance par signature de cartes à un scrutin obligatoire entraînerait « une diminution de l'accès à la syndicalisation en donnant aux employeurs une panoplie de mesures pour faire obstacle au désir des travailleurs de se syndiquer », citant pour exemple différentes provinces canadiennes et le cas éloquent des États-Unis, où le taux de syndicalisation est en chute libre depuis des années, en raison de l’adoption par de nombreux États de législations dites de «droit au travail».

Pour les deux organisations syndicales, C-525 répond à la volonté patronale de pouvoir disposer de toute la liberté souhaitée en empêchant la formation d’un syndicat et en facilitant la désertification de ceux qui sont déjà établis, le tout enrobé dans un vocabulaire qui se réclame d’une plus grande «liberté syndicale» pour les travailleurs.