Assemblée constituante ou Référendum d’initiative populaire ?

2013/06/12 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Les auteurs sont respectivement président et secrétaire du SPQ Libre

Nous saluons la dernière contribution de Pierre Mouterde, dans le débat qui nous oppose à Québec solidaire sur la stratégie référendaire.

Pierre Mouterde défend la tenue d’une assemblée constituante.

Pour notre part, nous avons, à plusieurs reprises, développé notre position. Elle pourrait se résumer ainsi : 1) des États généraux sur la souveraineté; 2) l’élection du Parti Québécois majoritaire; 3) un référendum d’initiative populaire; 3) la proclamation de l’indépendance; 4) la tenue d’une assemblée constituante, une fois le Québec indépendant.


Proclamation d’indépendance et assemblée constituante

Différents scénarios d’accession à l’indépendance sont donc sur la table. Dans plusieurs d’entre eux, on propose la tenue d’une assemblée constituante. Dans son programme, le Parti Québécois prône la création d’une assemblée constituante afin d’écrire la Constitution d’un Québec indépendant, mais sans spécifier si elle se tiendra après ou avant la tenue d’un référendum.

D’autres, comme Québec solidaire, débutent le processus, après la prise du pouvoir, par une assemblée constituante, qui laisse la porte ouverte au maintien du fédéralisme, mais dont on a « bon espoir » qu’elle débouchera sur la souveraineté.

Dans le cas de Québec solidaire, le référendum portera sur le projet de Constitution émanant de la Constituante, alors que, pour le Parti Québécois, il portera sur la souveraineté.

À notre avis, plusieurs ont une conception beaucoup trop idyllique d’une assemblée constituante. Ils y voient d’abord et avant tout un instrument de mobilisation de la population et prennent trop souvent pour modèle les récentes expériences latino-américaines.

Mais, contrairement à ces pays, le Québec n’est pas un pays indépendant établi. Une assemblée constituante, avant une déclaration d’indépendance, ferait fort probablement l’objet d’un boycott des fédéralistes, pour en miner la crédibilité, comme l’a été la Commission sur l’avenir du Québec de Parizeau en 1995.

N’oublions jamais que nous voulons démanteler un pays du G-8. Des forces puissantes chercheront à faire dérailler le processus.

Pour le SPQ Libre, la reconnaissance internationale d’un Québec indépendant, à la suite d’un référendum gagnant, est la priorité. Donnons-nous les institutions requises, sous la forme d’une constitution provisoire, si cela est nécessaire, mais assurons-nous de garder le focus sur l’objectif : l’indépendance.


La stratégie prônée par le SPQ Libre

Au mois d’août 2011, le SPQ Libre proposait, lors de l’assemblée publique du Nouveau Mouvement pour le Québec, la tenue d’États généraux sur la souveraineté pour éviter l’éparpillement des forces indépendantistes et cibler sur l’essentiel (Le Devoir, 22 août 2011).

Quelques semaines plus tard, notre secrétaire, Pierre Dubuc, signait avec Gilbert Paquette de la coalition Cap sur l’indépendance, un nouvel appel pour des États généraux, qui sera publié dans Le Devoir (1er septembre 2011) sous le titre « Des États généraux pour remettre l’indépendance au cœur des ‘‘vraies affaires’’ ».

Notre appel a été entendu. Les États généraux sont devenus réalité et ont accompli un travail remarquable. Nous avons collaboré à l’élaboration du document de consultation « Quel avenir? Province? Ou Pays? » et nous avons invité nos membres à participer activement aux travaux de la Commission des États généraux.

Lors de la grande assemblée publique de clôture de la phase I des États généraux, qui a réuni ce printemps près de 650 personnes à Québec, le SPQ Libre a proposé de transformer les États généraux en structure permanente. À une énorme majorité, l’assemblée a voté en faveur de cette proposition.

La Commission des États généraux entreprend maintenant sa phase II. Ses commissaires, pour cette deuxième phase, sont Pierre Paquette, Paul Crête, Monique Pauzé, Michèle Bussières, André Binette, Danic Parenteau, Sébastien Ricard, Chantale Trottier et Sylvie Mérineau.


Référendum d’initiative populaire sur la souveraineté

En identifiant les blocages au développement du Québec dans le cadre de la fédération canadienne, les États généraux préparent la mobilisation populaire. Pour la canaliser, une fois le Parti Québécois majoritaire au pouvoir, nous avons proposé le référendum d’initiative populaire sur la souveraineté (RIPS).

Depuis 2007, le SPQ Libre prône la tenue d’un RIPS. Lors d’un Conseil national du Parti Québécois, en 2008, nous étions à peu près les seuls à voter en faveur de son adoption. Mais, en janvier 2012, revirement spectaculaire, le Parti Québécois adopte le RIPS et il figurait dans sa plate-forme électorale lors du dernier scrutin.

À plusieurs reprises, nous avons souligné ses avantages.

Premièrement, il permet de contrer en période électorale les arguments des adversaires voulant que la tenue d’un référendum soit la marotte d’une direction politique déconnectée de la réalité. La décision de la tenue ou non d’un référendum reposera désormais entre les mains du peuple.

Deuxièmement, il permet à la direction du Parti Québécois de conserver l’initiative du jeu. Le projet de loi ouvrant le registre, pour recueillir les signatures de 15% de l’électorat, sera déposé au moment jugé opportun, c’est-à-dire lorsque le PQ et les indépendantistes jugeront que le fruit est mûr, après avoir soigneusement préparé le terrain, au moyen d’une précampagne en faveur de la souveraineté à travers le Québec. Ce qui nous donnera une longueur d’avance sur les fédéralistes.


États généraux et RIPS : Après la discussion, l’action !


Les États généraux ont pour mission de développer un argumentaire en faveur de la souveraineté. Au cours de la phase I, on a identifié les blocages au développement du Québec. La phase II va permettre d’aller encore plus loin.

Mais les États généraux, qui déploient leurs antennes aux quatre coins du Québec et rallient les souverainistes de toutes allégeances politiques, devraient également fournir l’embryon du cadre organisationnel de la campagne de signatures pour un référendum d’initiative populaire sur la souveraineté.

Une fois le Parti Québécois au pouvoir majoritaire, il faudra procéder rapidement à la mise en place de cette structure populaire chargée d’organiser la campagne de signatures dans tous les milieux de travail, de loisirs, de vie du Québec, sur la base de l’argumentaire développé, entre autres, par les États généraux.

Peut-on imaginer plus belle expérience de démocratie participative que celle dont l’objet est l’émancipation d’un peuple!

Dans ce contexte, ce sera réellement un référendum du peuple, par le peuple et pour le peuple!


Un pré-requis

Mais, il y a un pré-requis essentiel à toute cette démarche : la présence au pouvoir d’un Parti Québécois majoritaire ! Sans cela, rien n’est possible !
C’est ce que semble « oublier » Pierre Mouterde. Il écrit que « le point aveugle du SPQ Libre est de confondre le moyen (le PQ) avec la fin (l’indépendance) », en imaginant que la force relative du PQ (ses 90 000 membres) et sa capacité à gouverner sont en elles-mêmes garantes d’une marche rapide et assurée à l’indépendance ».

Par expérience – nous sommes bien placés pour le savoir – rien n’est assuré avec le Parti Québécois! Nous sommes bien conscients que le « grand basculement » dont parle Mouterde a eu ses effets sur le parti.

C’est pour cela que nous proposons une démarche qui fait appel aux forces vives du Québec, à la société civile, avec les États généraux sur la souveraineté et le référendum d’initiative populaire.

C’est la démarche qui, selon nous, fait appel à la mobilisation populaire, si chère à Mouterde, avec le moindre risque de dérapages.
Et nous ne confondons pas le « moyen » et la « fin ». Cependant, nous sommes réalistes. Sans le « moyen », c’est-à-dire le Parti Québécois au pouvoir, la « fin » demeurera un discours oiseux, réservé aux cercles intellectuels.

P.S.
Sur les risques de dérapage que comporte la tenue d’une Assemblée constituante avant la proclamation de l’indépendance, nous vous suggérons la lecture de l’analyse de l’expérience des États-Unis d’Amérique. À lire.