Se faire passer un sapin… en forme de pipeline explosif

2013/08/22 | Par Martin Lachapelle

47 victimes innocentes, une petite ville dévastée, la pire catastrophe environnementale de notre histoire et une facture totale de probablement plus d’un milliard de dollars qu’aucune compagnie ferroviaire ou pétrolière ne veut assumer n’auront donc pas suffit pour servir de wake-up call à nos élites économiques et politiques afin qu’elles cessent de privilégier les intérêts des Crésus de ce monde au détriment de leurs concitoyens, de la nature et du Québec de demain. Car force est de constater que l’opération Passons un sapin en forme de pipeline explosif est malheureusement plus que jamais enclenchée.

Nous assistons présentement à la plus grande opération de brainwashing médiatique depuis la grève étudiante. Une opération nettement moins criarde et hystérique que lors du printemps érable, il va sans dire, mais toute aussi hypocrite et empreinte d’obscurantisme et de désinformation. Et les journalistes n’y sont encore pour rien. La commande vient des patrons.


Explosion de pipeline aux USA : silence radio dans les grands médias

Après avoir contribué à créer une simili psychose du réseau ferroviaire en entier pour favoriser l’acceptation des projets de pipelines au Québec, en parlant abondamment de la dangerosité du transport de pétrole par trains et des déraillements de trains de passagers en Europe, la presse francophone privée a délibérément omis d’informer la population sur des événements inquiétants survenus tout près de nous. Tels que la méga explosion d’un gazoduc aux Etats-Unis et le déversement de pétrole découvert sur une plage des Îles de la Madeleine.

Dans le cas de l’explosion du gazoduc survenue lundi le 14 août dernier, aux États-Unis, sous un champ de maïs, à Erie, dans l’Illinois, rappelons qu’elle a laissé un cratère de 15 pieds de profondeur et que les flammes, qui ont atteint 300 pieds de haut, étaient visibles à environ 50 kilomètres à la ronde ! (C’est à se demander si les Martiens n’ont pas reçu du pop-corn.)

Mais circulez, il n’y aurait rien à voir, selon nos médias pourtant friands de sensationnalisme.

Non, le bilan de cette explosion d’un gazoduc (pipeline de gaz) d’Enterprise Products Partners transportant du propane et de l’éthane ne s’élève pas à 47 victimes innocentes, malgré l’évacuation de plusieurs résidents. Aurait-il fallu des dizaines de morts pour que la presse du secteur privé juge cet événement digne d’intérêt public ?

Même pas une ligne ou un seul foutu mot sur le fil de presse. Silence radio Total…

Faites une recherche sur Google. Aucun lien en français sur cette dangereuse et spectaculaire explosion, sauf celui de la chaîne publique RTS, la Radio Télévision Suisse. Vous avez bien lu : une méga explosion de pipeline survient dans notre cour arrière, chez notre voisin américain, et on l’apprend sur le Web par des médias suisses résidant sur un autre continent 

Un seul groupe médiatique francophone d’ici en a brièvement parlé, soit Radio-Canada et sa chaîne RDI. Alors si vous n’étiez pas à l’antenne ce jour-là, comme la très grande majorité des Québécois (!), il est fort probable que vous n’en avez pas entendu parler.

D’autant plus que la vidéo n’est pas archivée sur le site du diffuseur public et qu’on ne retrouve aucune version écrite de cette nouvelle. Un oubli ? Je ne pense pas. Comme si cette nouvelle trop hot n’était jamais arrivée, bonsoir, elle est partie, comme dirait Rodger Brulotte ! C’est ce qu’on appelle noyer le poisson. Sous la pression.

Comble de la bizarrerie, en tapant « explosion pipeline Illinois », vous retrouverez cependant plusieurs liens provenant de médias anglophones, dont la maison mère de RDI : CBC…

Le public francophone ne mérite-t-il pas d’être aussi bien informé que les anglophones ? Incontestablement. Les francophones du Canada seraient-ils des citoyens de seconde classe ? Malheureusement, oui, mais là n’est pas LA question.

La question qui tue à se poser est : pourquoi cette nouvelle nous fut-elle délibérément cachée ? Et la réponse est : le lobby pétrolier et ses majorettes médiatiques privées ont peur que les projets de pipeline au Québec soient bloqués par la majorité francophone, depuis la tragique catastrophe environnementale de Lac-Mégantic. Surtout depuis que le peuple québécois a retrouvé sa capacité de s’indigner et de se mobiliser devant l’injustifiable, lors du printemps érable.

Voilà pourquoi les médias ont fermé les yeux sur cet accident de pipeline, déjà le 5ème à survenir aux USA depuis la catastrophe de Lac-Mégantic. Sans même parler de ceux du Canada et de l’Alberta qui, avec au moins 5000 fuites recensées entre 1990 et 2005, continueraient à fuir presque tous les jours…

Lien vers Wikipédia.org

Lien vers Sciencepresse.ca


Déversement de pétrole et contamination d’une plage des Îles de la Madeleine

Même silence radio des grand médias privés d’ici sur le pétrole trouvé sous quelques centimètres de sable à la plage Sandy Hook de Havre-Aubert, le 12 août dernier. Seuls Radio-Canada et le site Web américain du Huffington Post Québec en ont parlé

D’où provient ce pétrole déversé ? Selon Émilien Pelletier, professeur d’écotoxicologie marine à l’Université de Rimouski :

« Le pétrole se conserve durant des décennies sous le sable. Plusieurs hypothèses devront être évaluées. C’est peut-être la SOQUEM qui, en cherchant du sel en 1973, est tombée sur du pétrole et ne l’a pas dit, c’est peut-être un déversement au moment du forage ou même des résidus de la Irving Whale, tout est possible. »

Plusieurs tomberont en bas de leur chaise devant ces deux hypothèses. Primo, ce pétrole proviendrait de trois puits mal colmatés appartenant à la Société québécoise d’exploration minière (SOQUEM). Cette ancienne société d’État créée en 1965, par René Lévesque, alors dans le gouvernement Lesage, aurait donc trouvé du pétrole sans s’en vanter, avant d’être ensuite privatisée par les libéraux de Robert Bourassa, de retour au pouvoir en 1985…

(Vous savez, ce même Parti libéral de Jean Charest et Philippe Couillard sous lequel s’est produit la nébuleuse vente à rabais et en catimini du pétrole enfoui sous l’Île d’Anticosti à leurs p’tits amis du secteur privé ? De même que la vente de permis aux apprentis sorciers des gaz de schiste, pour un dixième du prix exigé en Colombie-Britannique.)

Deuxième hypothèse, ce pétrole proviendrait de résidus du naufrage du Irving Whale, qui fut probablement la pire catastrophe environnementale maritime de notre histoire.

En 1970, une barge contenant 4270 tonnes métriques de mazout lourd et 7520 kg d’huiles de BPC sombrait à 100 km des Îles de la Madeleine.

Plus de 200 000 sacs de sable contaminé furent ensuite remplis sur les berges de ces mêmes îles, avant d’être bêtement enterrés… sur place… puis de remonter, éventrés, à la surface… quelques années plus tard !

À qui appartenait la barge nommée Irving Whale ? À la même compagnie à qui le pétrole de schiste de Lac-Mégantic était destiné pour être raffiné : Irving. Tu parles d’un hasard !

(Sans parler des dégâts de contamination des eaux maritimes et potables, des oiseaux, des poissons et donc possiblement de la population, rappelons que cette affaire a coûté au minimum 42 million$ aux contribuables canadiens juste en frais de renflouage de l’épave que son propriétaire assuré a même pu récupérer, en 1996, pour la modique somme de 5 millions !

Chose certaine, la plage Sandy Hook de Havre-Aubert est contaminée et les contribuables, comme à Lac-Mégantic, seront encore une fois poignés pour payer les dégâts du secteur privé. Le public de cette plage très fréquentée a-t-il été contaminé ? Allez savoir.


Le Québec doit s’opposer aux pipelines des sables bitumineux sur son territoire

Depuis que les gouvernements des USA et de la Colombie-Britannique ont eu l’intelligence de montrer leur réticence aux projets Keystone XL et Northern Gateway, la pression du lobby pétrolier de l’Alberta est très forte sur les épaules du gouvernement du Québec pour qu’il accepte deux autres projets, vers l’Est, pilotés par Enbridge et Transcanada.

Le PQ devrait d’ailleurs visionner un petit vidéo de moins de 2 minutes assez troublant, réalisé par des opposants au projet Keystone XL, qui illustre les sombres statistiques découlant des défectuosités des pipelines aux USA, entre 1986 et 2013. On parle environ de seulement 8000 incidents, 7 milliard$ de dommages et plus de 500 morts et 2300 blessés. Rassurant, n’est-ce pas ? Surtout en ajoutant 8 autres incidents depuis le 30 mai dernier ! 




Espérons que le PQ fera un vrai gouvernement progressiste et responsable de lui-même en s’opposant aux pipelines des très polluants sables bitumineux. Car ils serviront principalement à approvisionner les marchés étrangers, sans vraiment créer d’emplois durables. Et ne rapporteront aucune économie à la pompe vs. le pétrole importé. Seulement de grosses factures de catastrophes annoncées à assumer sans l’aide du fédéral ni du secteur pétrolier.

Je rappelle qu’on attend encore qu’Ottawa paye sa part au Québec pour le Saguenay, le verglas et les inondations du Richelieu, sans oublier qu’on a déjà deux sites à décontaminer.

C’est quand même incroyable que le PQ se demande comment convaincre les gens de voter pour l’indépendance, en évitant de critiquer le fédéral pour le désastre à Lac-Mégantic même si Ottawa, par sa complaisance envers MMA, est responsable des dégâts !

Et Ottawa continuera d’en causer au Québec en nous refilant la facture, pour enrichir les industries pétrolières, gazières, ferroviaires et « pipelinières », au détriment de l’environnement, des contribuables et de la sécurité des gens. Parce que le laxisme en matière d’insécurité ferroviaire et le laisser-aller envers les proprios de pipelines seront toujours deux champs d’incompétences fédérales. Comme l’inspection des aliments...

Or, quoi de plus noble et rassembleur que de faire un pays avec un projet de société fondé sur la protection de la population et de l’environnement, de même que sur l’électrification des transports et l’enrichissement collectif via une société d’État vendant des moteurs et des véhicules écolos performants ?

Même des anglos-Québécois seraient tentés. Car ce Québec écologique que le Canada des énergies fossiles ne pourra jamais nous offrir peut se libérer progressivement du pétrole et n’a rien d’une utopie si nous votons OUI. YES. Mais pour ça, faudra d’abord dire NON aux pipelines et au pétrole de schiste de l’Ile d’Anticosti, propriétés d’entreprises privées.

En attendant le virage vert du PQ, car les victimes de Lac-Mégantic méritent au moins ça, on apprenait ironiquement que la compagnie Irving, qu’aucun média n’a osé blâmer suite à la catastrophe du 6 juillet dernier, songe à acheter l’imprudente et insolvable MMA. Deviendra-elle aussi propriétaire de la facture pour ses dégâts ?