Dieu nous garde de Charles Taylor

2013/08/23 | Par Pierre Dubuc

L’encre de l’édition du Journal de Montréal, qui révélait les intentions gouvernementales à propos de la Charte des valeurs québécoises, n’était pas encore sèche que Charles Taylor répandait son fiel contre le Québec sur les ondes de Radio-Canada. Au cours de la journée, il a fait la tournée de toutes les émissions d’affaires publiques de la société d’État canadienne.

« Poutinesque. » C’est ainsi que Taylor a qualifié les intentions supposées du gouvernement péquiste. Le qualificatif a été repris un peu partout. Il a même coiffé le titre de l’éditorial du Globe and Mail sur le sujet. L’appellation est habile. Elle ramasse en un mot, pour les associer, les politiques homophobes du président russe et ce qui définit, aux yeux de plusieurs anglophones, la culture culinaire québécoise. Les « pepsi », on le sait, sont devenus des « poutine ».

Le très catholique Charles Taylor, récipiendaire du « Nobel » de la riche fondation américaine John Templeton, bien connue pour subventionner ceux qui sont gentils avec les religions, n’est pas à ses premières déglutitions contre le peuple québécois.

À la Commission Bouchard-Taylor, il avait joué les éminences grises, en restant dans l’ombre de Bouchard. Mais là, il ne peut plus, de toute évidence, se contenir.

Dans Le Devoir du 22 août, l’éditorialiste Antoine Robitaille rappelle qu’en 1991, « quelques jours seulement après que le gouvernement l’eut nommé au Conseil de la langue française, il avait déclaré à The Gazette que les dispositions de la loi 101 sur l’affichage étaient ‘‘ le produit d’une névrose collective’’, avant d’ajouter : ‘‘ Je suis dégoûté qu’elles n’aient pas fait l’objet de débats rationnels ».

Dans son livre Ce pays comme un enfant, Serge Cantin rappelle que, peu avant le référendum de 1995, le réseau FM de Radio-Canada avait proposé un débat sur le nationalisme réunissant Georges Leroux, Jean Larose, Jean-François Nadeau, Antoine Robitaille, Charles Taylor et Fernand Dumont.

«Les cinq interlocuteurs de Taylor, écrit Cantin, n’en revenaient pas de la virulence de sa diatribe antinationaliste. À tel point que Fernand Dumont […] après avoir signalé aux animateurs du débat sa “ difficulté ” face au discours de son collègue de McGill est venu bien près de “ quitter ” […] Ce n’était pas drôle, ajoute Cantin, non vraiment pas drôle, d’entendre ce superphilosophe, cette sommité internationale (Taylor est considéré comme l’un des plus grands philosophes politiques contemporains), cet apôtre du dialogue interculturel, celui qui s’est donné pour mission de “ rapprocher les solitudes ”, de l’entendre donc proférer les accusations les moins fondées, les plus grossières, celle-ci par exemple : “ le discours des extrémistes nationalistes pénètre le Parti québécois de fond en comble ”; ou cette autre : “ le Québec est le grand responsable de l’échec de Meech !»

Dans Québec, 18 septembre 2001, Claude Bariteau donne un autre exemple de l’état d’esprit de Charles Taylor. Dans un échange entre intellectuels dans un restaurant, en 1993, à la suite d’une conférence que Taylor venait de prononcer à l’Université Laval, Bariteau relate que, «interrogé sur la façon d’aborder le mouvement sécessionniste, le conférencier (Taylor) signale qu’il faut d’abord considérer les promoteurs de ce mouvement comme des ennemis».

Nous venons avec la « poutinesque » d’en avoir une nouvelle preuve!