Kronos : un lock-out « classique »

2013/08/26 | Par Maude Messier

Jeudi dernier, un manifestant a été happé par un véhicule à Boucherville. Une cinquantaine de lock-outés de Kronos Canada Inc. manifestaient devant l’entreprise Groupe Robert Transport. Ils dénoncent le fait que la société de transport effectue des livraisons de matières premières chez Kronos en dépit du conflit de travail qui y sévit depuis juin dernier et estiment que ces livraisons permettent à Kronos de poursuivre ses activités.

Kronos Canada Inc., un fabriquant de dioxyde de titane, et le Syndicat national des employé(e)s de Kronos (CSN), affilié à la Fédération de l'industrie manufacturière (FIM-CSN), ont entamé les négociations pour le renouvellement de la convention collective des quelque 320 travailleurs syndiqués le 19 avril dernier.

Le président de la FIM, Alain Lampron, explique que le conflit a été déclenché alors qu’il n’y avait eu que peu de pourparlers. « Il n’y a pas vraiment eu beaucoup de négociation. Rapidement, il y a eu blocage; nos positions étaient trop éloignées. Le syndicat a demandé la conciliation. »

Le 13 juin, les syndiqués rejetaient à 93% l’offre patronale, qualifiée de globale et finale. Ils estimaient alors que les demandes de l’employeur étaient inacceptables et qu’une offre finale était prématurée à ce stade des négociations compte tenu du nombre de séances tenues à ce moment, soit environ une quinzaine.

En guise de réponse, l’entreprise a décrété un lock-out le 15 juin, soit deux jours avant l’échéance de la convention collective. Pourtant, quelques jours auparavant, les travailleurs avaient adopté une série de moyens de pression qui excluait le recours à la grève.

Depuis le déclenchement du conflit, il n’y a pas eut de véritables échanges, soutient M. Lampron. « Il n’y a pas de négociation comme tel en tout cas. Il y aura bien une rencontre devant le conciliateur le 29 prochain, mais si on se fie aux dernières rencontres, rien n’indique qu’il y ait une ouverture du côté patronal. Quoique, tant mieux si on a une surprise! De notre côté, le syndicat a toujours été disposé à retourner à la table de négociation. »

Pour le syndicat, la priorité pour cette négociation concernait le maintien des emplois de qualité et la protection contre la sous-traitance. « On savait qu’ils seraient en demande. Nous ne sommes pas fermés à discuter, mais ce qu’ils réclament est inacceptable. »

L’employeur réclame la possibilité d’accroître le recours à la sous-traitance. Une demande qui affecterait potentiellement le tiers des emplois des installations de Varennes selon le syndicat. C’est que Kronos souhaite pouvoir se tourner vers des sous-traitants pour toutes les activités non essentielles à la mission de l’entreprise. « Ils veulent garder seulement le core business. Ça concerne la maintenance des bâtiments, l’entretien et la salubrité. »

L’employeur est aussi en demande quant à la modification des horaires de travail, la gestion des heures supplémentaires et des mouvements de main-d'œuvre. Le comble, pour le syndicat, ce sont les reculs exigés quant aux libertés syndicales aux fins de l’application de la convention collective et les limitations de la portée du certificat d'accréditation syndicale.

« Ils se préparaient au conflit. Plutôt que de baisser la production pendant que le marché et la demande diminuaient, ils augmentaient leurs stocks. Mais à un moment donné, il n’y en aura plus de stock. » Le président de la FIM soutient que, malgré le lock-out, les syndiqués entendent maintenir les moyens de pression pour forcer l’employeur à négocier de bonne foi.

Le président de la CSN, à la suite des événements de jeudi dernier, s’est aussi montré préoccupé par l’attitude de Kronos dans ce dossier. « Quand Kronos décidera-t-elle enfin de régler le conflit qu'elle laisse s'envenimer depuis plus de deux mois ? Quand s'assoira-t-elle avec les travailleuses et les travailleurs pour négocier de bonne foi avec eux, faire baisser la tension et en arriver à la conclusion d'une convention collective négociée ? »

Un employeur en mesure de poursuivre ses activités pendant un conflit de travail, spécialement pendant un lock-out, peut mener la vie dure (et longue) aux travailleurs, comme en témoignent les lock-out au Journal de Montréal, au Journal de Québec, chez RTA à Alma et plus récemment, chez MAPÉI.

Crédit photo : CSN