Formation initiale des infirmières : la FSSS plaide pour la conciliation

2013/09/16 | Par Maude Messier

« Dans le contexte de pénurie, nous pensons qu’avec un rehaussement de la formation universitaire, nous serons en meilleure position pour utiliser les effectifs. La pénurie est là pour rester encore un moment », d’expliquer la vice-présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN (FSSS), Nadine Lambert qui y voit un levier qui permettra d’utiliser plus et mieux les infirmières dans le réseau et d’améliorer l’accessibilité aux soins de première ligne.

Dans le débat suscité par la volonté de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) d’imposer la formation universitaire comme condition d’accès à la profession infirmière, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui représente 62 000 professionnelles en soins infirmiers et cardiorespiratoires, s’oppose au projet de l’Ordre, estimant notamment que l’imposition du baccalauréat aurait un effet dissuasif risquant d’accentuer la pénurie de main-d’œuvre .

La position de la FSSS diffère de celle de la FIQ, mais ne s’y oppose pas. La formation collégiale est qualifiante, soutient Nadine Lambert, mais les éléments qui figurent dans la partie universitaire du programme (soins complexes, soins critiques et santé communautaire) sont de plus en plus sollicités, tout particulièrement dans le virage ambulatoire et le développement des soins à domicile.

La réalité, selon Mme Lambert, c’est que la pénurie de main-d’œuvre fait en sorte que les processus d’intégration dans la profession et les ressources d’expérience ne sont pas là.

La formation universitaire permettrait, selon la FSSS, de mieux préparer les infirmières en leur donnant des outils et la capacité d’être plus confortables dès leur arrivée en milieu de travail. Le cursus du programme universitaire demande justement un exercice plus grand du jugement professionnel, une « gymnastique » qui s’apprend actuellement plus avec l’expérience.

« C’est ça la réalité. Sur un chiffre de nuit ou de soir, parfois, la ressource d’expérience, ça fait six mois qu’elle est là. » Une situation qui s’accentue avec la pénurie d’infirmières. Rappelons que d’ici quelques années, 15 000 infirmières d’expérience seront qualifiées pour partir à la retraite.

La FSSS ne pense pas, contrairement à la FIQ, que le rehaussement aura un effet dissuasif pour la profession. « Si c’était un programme collégial pré-universitaire suivi d’un bac, ce serait une autre histoire. À la FSSS, on favorise le maintien de la formation intégrée DEC-bac, mais obligatoire. Il ne faut pas négliger le fait qu’actuellement, de façon tout à fait volontaire, 47% des finissantes s’inscrivent au bac. »

La FSSS se positionne en faveur de la formation universitaire obligatoire, mais en maintenant la part collégiale de la formation, sous la formule actuelle du DEC-bac. Les étudiantes ne pourraient alors plus, comme c’est le cas à l’heure actuelle, passer l’examen de l’Ordre au terme de la formation collégiale pour l’obtention de leur permis de pratique. Un permis à statut temporaire leur permettrait toutefois de travailler dans le réseau pendant leurs études.

Cette avenue maintiendrait le passage à la formation collégiale technique, évitant de fragiliser le réseau et demeurant accessible dans toutes les régions du Québec. L’imposition du programme universitaire devrait inévitablement s’accompagner du développement de l’offre partout au Québec. « Il faut éviter de déplacer les étudiantes vers les grands centres, car on sait que bien souvent, elles ne retournent pas en région après. Et la pénurie, elle est partout. »

Mme Lambert relève aussi la nécessité d’instaurer une période transitoire pour éviter les exclusions et s’assurer que ces nouvelles normes ne briment pas les infirmières déjà en poste.

Pourquoi ne pas simplement bonifier le cursus du programme collégial alors? « Parce qu’il n’y a plus de place. Déjà, le programme actuel est bien différent de celui que j’ai complété en 1989. Il y a eu une refonte vers 2000, au moment de l’instauration du DEC-bac justement. »

Y-a-t-il vraiment urgence d’agir? « Oui. Nous pensons que le statu quo n’est pas acceptable, ça a des effets pervers sur les infirmières en poste. On a essayé des recettes d’organisation du travail, mais tout échoue parce qu’il n’y a pas le personnel nécessaire. »

La FSSS dit aussi comprendre l’inconfort de l’OIIQ qui agite le drapeau de la protection du public en soulignant que « la portée de l’examen d’entrée dans la profession est restreinte, car le diplôme d’études collégiales qui donne ouverture au permis ne couvre pas l’ensemble du champ d’exercice ».

Ce à quoi la FIQ répond que le cursus universitaire ne change absolument rien aux compétences des infirmières liées à la dispensation des soins et qu’en ce sens, la formation collégiale est qualifiante.

La FSSS estime que les compétences acquises dans le programme universitaire sont de plus en plus requises. « On ne peut pas dissocier la dispensation des soins du reste. On a un permis pour la profession, on ne peut pas diviser les techniciennes des bachelières. »

LA FSSS représente 8 000 travailleuses de la catégorie 1 dans le réseau de la santé, soient des infirmières, des infirmières auxiliaires et des inalothérapeutes.