Des services bancaires pour stabiliser les revenus de Postes Canada

2013/10/10 | Par Maude Messier


Une diversification de ses activités pourrait permettre à Postes Canada de stabiliser ses revenus et, par le fait même, l’ensemble de ses services. C’est la conclusion de l’étude publiée ce mercredi par le Centre canadien de politiques alternatives, « Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux ».

Postes Canada offre déjà un certain nombre de services financiers : mandats poste, transferts de fonds nationaux et internationaux, paiements de factures et cartes Visa prépayées.

La société pourrait également offrir des comptes chèques et des comptes d’épargne à frais modiques, des cartes de crédit à faibles taux d’intérêt, des cartes de débit prépayées, voire des prêts hypothécaires, des prêts aux petites entreprises et des prêts agricoles, des produits d’assurance, des fonds communs de placement, des nouveaux produits destinés aux personnes à faible revenu et aux populations autochtones.

L’auteur de l’étude, John Anderson, soutient que le secteur canadien des banques et des coopératives d’épargne et de crédit ne répond pas aux besoins de la population et ne lui fournit pas de services concurrentiels, sans compter qu’un grand nombre de personnes n’ont pas d’accès physique à des services bancaires.

Anderson rappelle que le service postal canadien possède une longue feuille de route en matière de prestation de services financiers. À son apogée, en 1908, la Caisse d’épargne postale, qui a fermé ses portes en 1968, comptait des dépôts totalisant 47,5 millions de dollars, soit environ un milliard en dollars constants d’aujourd’hui.

Postes Canada possède un vaste réseau de points de vente au détail au Canada avec près de 6 400 comptoirs postaux, dont 3 800 (ou 60 %) se trouvent en milieu rural, où la présence de banques et de coopératives d’épargne et de crédit est faible au Canada, selon Anderson. Dans ces collectivités, les comptoirs postaux pourraient offrir des services clés aux particuliers et aux entreprises locales.

L’auteur consacre aussi un volet de l’étude au développement de services postaux bancaires ailleurs dans le monde, notamment au Royaume-Uni, en France, en Italie, en Suisse et en Nouvelle-Zélande. Par exemple, en 2012, la filiale bancaire de La Poste Suisse, PostFinance, représentait 70,5% des résultats d’exploitation de l’ensemble de l’entreprise, soit 515 millions d’euros.

Ces expériences ont démontré que les banques postales, de par les revenus qu’elles génèrent, sont une solution pour le maintien des services postaux, malgré la baisse des volumes de la poste lettres.


Une étude qui tombe à point

Cette étude du CCPA est rendue publique, alors que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP-FTQ) est en pleine campagne d’information quant à l’avenir de Postes Canada.

La société multiplie les déclarations depuis quelques mois faisant état des conséquences sur sa santé financière de la baisse du volume de lettre envoyées, qui se traduit par 104 millions de dollars de pertes pour le deuxième trimestre de l’année.

En septembre, Postes Canada annonçait qu’elle envisageait sérieusement l’abandon de la livraison du courrier au porte-à-porte dans les zones urbaines, au profit des boîtes postales communautaires. Cette mesure lui permettrait de réduire de moitié ses pertes, lesquelles pourraient atteindre le milliard de dollars d’ici 2020, selon une étude du Conference Board du Canada publiée en avril dernier.

L’étude proposait différentes options, telles que la livraison du courrier un jour sur deux, la réduction du salaire des employés, le remplacement de bureaux de postes par des comptoirs postaux en concessions et la réduction de la vitesse de livraison.

« La meilleure façon de détruire un service public, c’est en diminuant les services à la population et en le rendant obsolète. Puis, tu le privatises », soutient Sylvain Lapointe, directeur du STTP pour la région de Montréal.

Postes Canada se défend bien de vouloir privatiser, un rôle qui revient plutôt au gouvernement fédéral, selon Anik Losier, la porte-parole de la société, qui ajoute que l’entreprise doit plutôt assurer sa rentabilité pour ne pas devenir « un fardeau pour les contribuables ».

Le courrier et la facturation électroniques, les dépôts directs et la publicité en ligne contribuent à diminuer le volume de lettres envoyées par la poste, sans compter que les particuliers, comme les entreprises, envoient de moins en moins de lettres.

Pourtant, le cybercommerce et les envois de colis représentent des occasions d’affaires majeures pour Postes Canada, une option sur laquelle elle devrait miser davantage, selon le STTP, tout en diversifiant ses activités.

63% de la population serait favorable à ce que Postes Canada offre « de nouveaux services lucratifs, y compris des services financiers comme le paiement des factures, des services liés aux assurances et des services bancaires », selon un sondage commandé par le STTP et réalisé par la firme Stratcom au printemps dernier.

L’aut’journal a rencontré un groupe de dirigeants syndicaux du syndicat à Montréal. Pour eux, l’étude du Conference Board et les déclarations de Postes Canada sont des sorties publiques « systémiques et organisées » qui s’inscrivent dans la perspective du prochain Examen stratégique de la Société canadienne des postes, à venir en 2014.

Si le syndicat reconnaît que le volume de lettres est en baisse et que Postes Canada devra faire face à des problèmes financiers, ils dénoncent ce qu’il estime être « une campagne de peur ».

Le STTP mène plutôt une campagne en faveur d’une diversification des services de Postes Canada, dont la livraison des colis et la mise en place de services bancaires, afin d’assurer la stabilité financière de la société et le maintien de la livraison de la poste universellement à travers le territoire.

Il dénonce le fait qu’une réduction des services pourrait mener à une déréglementation et que le démantèlement, même partiel, du service postal public mènerait à des iniquités.

« C’est le couloir Québec Windsor qui est lucratif, plus les grands centres urbains. Les entreprises privées n’ont pas intérêt à offrir les mêmes services de livraison, aux mêmes coûts, à tous les Canadiens, y compris ceux en région et dans les territoires plus éloignés », de faire valoir Sylvain Lapointe.

« Il faut que Postes Canada soit plus agressif sur le marché des colis et qu’elle diversifie ses services pour assurer sa santé financière, comme ça se fait ailleurs dans le monde avec succès, d’ajouter Alain Duguay, président de la section locale de Montréal. Ses infrastructures sont un atout commercial. Postes Canada fait déjà partie des économies locales et régionales, nous pensons qu’il faut miser là-dessus plutôt que de couper dans les services à la population et de diminuer les conditions de travail des travailleurs. C’est l’inverse qu’on doit faire, améliorer l’offre de service à la population. »

Le syndicat déploie actuellement une campagne d’information auprès de ses membres et des actions destinées au grand public sont aussi à prévoir, indique-t-on, sans vouloir en révéler les détails pour le moment. « Les principaux actionnaires de Postes Canada, c’est la population. Ils ont droit à des services de qualité et il y des moyens pour y arriver en dehors de la rationalisation », de conclure Sylvain Lapointe.