Au-delà d’un changement de président, une saine réflexion sur les pratiques syndicales à la FTQ

2013/11/07 | Par Maude Messier


« Identité et culture syndicales ». Ils étaient une quarantaine de militants syndicaux réunis ce mardi 5 novembre pour une journée de réflexion sur le renouveau syndical, organisée par le Comité d’action politique du Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRMM).

Le CRMM ne pouvait pas tomber plus à point dans l’actualité, Michel Arsenault ayant annoncé la veille qu’il ne solliciterait pas un autre mandat à la présidence de la FTQ, au prochain congrès de la centrale, qui se tiendra du 25 au 29 novembre. Des élections devraient donc avoir lieu, deux candidats ayant annoncé leurs intentions de briguer les suffrages.

Mais il serait réducteur de résumer le congrès statutaire d’une organisation de 600 000 travailleurs à une simple élection, une course à la chefferie.

Christian Nadeau, professeur au département de philosophie à l'Université de Montréal, accompagne le CRMM dans cette démarche autocritique depuis un peu plus d’un an. Mardi matin, il a rappelé le « caractère profondément antisyndical » de réduire une organisation comme la FTQ à un ou quelques individus et le danger que représente le fait de pouvoir discréditer tout un mouvement en faisant tomber la tête d’une seule personne.

Les militants réunis ce mardi ont beaucoup discuté de la pertinence des organisations syndicales comme partenaires dans les luttes sociales. Pour eux, l’action collective est indissociable de l’identité même de leur organisation, et l’action politique, le prolongement naturel et nécessaire de leur rôle.

Quelle est la portée d’une hausse de salaire négociée, si les travailleurs paient en bout de ligne de plus en plus de frais médicaux au privé, n’ont pas accès à des garderies subventionnées, voient leur facture d’électricité bondir, leur régime de retraite mis à mal? La négociation collective est-elle vraiment dissociable de l’action politique (à ne pas confondre avec l’action partisane)?

Confrontés aux « think tanks » de droite, à l’hostilité face aux organisations de travailleurs, à une fronde visant une modification des relations de travail, les organisations syndicales sentent l’urgence d’agir.

Mais il y a un malaise. Alors que les Conservateurs tentent de limiter la portée d’action des syndicats en voulant interdire l’utilisation des cotisations syndicales à des fins d’activités politiques, force est de constater, de l’aveu même de nombreux dirigeants syndicaux, que cette idée selon laquelle les syndicats ne devraient s’occuper que de négociations collectives fait son bout de chemin, notamment auprès de leur membership.

Les militants soulignent d’ailleurs qu’il est de plus en plus fréquent de rencontrer des membres, qui considèrent leur syndicat comme une police d’assurances pour laquelle ils paient et dont ils s’attendent à recevoir des services. Point barre.

S’engager dans les luttes sociales? « Tant que ça ne coûte rien, ma cotisation s’arrête ici. » Une pensée individualiste largement exploitée par les Conservateurs pour démanteler tout un réseau de solidarité sociale, sous le couvert de la transparence. Si un tel projet de loi devait se concrétiser, nul doute que l’étape suivante serait la remise en question de la formule Rand.

La question posée aux organisations syndicales en ce moment, pas uniquement au Québec mais dans tout le Canada, c’est comment incarner la force du changement.

L’action, la participation citoyenne, la délibération et l’engagement au cœur des évènements du « printemps érable » reviennent sans cesse comme exemples dans les discussions.

Là, où, il y a quelques temps à peine, des dirigeants syndicaux déploraient le manque d’intérêt de leurs membres et la difficulté d’atteindre le quorum dans les assemblées générales – proposant même d’abaisser le nombre de personnes requises – ils reconnaissent aujourd’hui que ce sont peut-être les mœurs et les pratiques syndicales qui sont en cause.

Quel intérêt à se présenter en assemblée, si on a l’impression que les décisions sont prises d’avance?

Ne voyant pas les possibilités de s’impliquer et d’avoir un impact sur les décisions, les membres se tournent vers d’autres alternatives. Le problème n’est peut-être pas tant le désengagement que le manque d’espace de délibération et d’emprise réelle sur les décisions prises au sein des syndicats.

La preuve en est, selon la présidente du CRMM, Danielle Casara, qu’une telle journée de réflexion aurait été impensable, il y a trois ans à peine, alors que la demande pour ces lieux de délibération et de discussions à bâtons rompus est maintenant grandissante au Conseil.

Le changement n’est pas simple, mais nécessaire. Car il pourrait bien s’agir du talon d’Achille du mouvement syndical.

La structure des organisations syndicales et leur entité juridique ont contribué à établir un rapport force qui font des syndicats des acteurs politiques incontournables dans la société.

Mais si cette rigidité bloque le renouvellement des pratiques et l’adaptation aux besoins des luttes à venir, dont la nécessité de s’adjoindre comme partenaires d’autres groupes de la société, le mouvement syndical passera un quart d’heure difficile.

Le mouvement syndical n’a pas d’autre choix que de descendre dans l’arène. Et il aura besoin de partenaires. Et de militants.

À l’heure actuelle, toutes les grandes organisations syndicales sont au diapason du renouveau syndical, chacune à leur façon.

Pour la FTQ, les discussions, sur le plancher du Congrès, entourant les résolutions émanant de cette démarche des syndicats affiliés au CRMM, marqueront un autre signe de cette volonté de changement.

Parce que le Congrès de la FTQ (eh oui, avec l’élection d’un nouveau président) n’est pas une fin en soi, « mais le début d’un cycle de renouveau », a fait valoir la présidente du Conseil.


À surveiller au Congrès 

À noter la perspective de rapprochements entre les syndicats et les groupes communautaires et sociaux, via certaines des résolutions proposées soit par le Conseil ou ses syndicats affiliés, notamment :

  • la mise sur pied « des États généraux du syndicalisme en collaboration avec les différents acteurs du mouvement syndical québécois ainsi qu’avec les organisations de la société civile qui partagent les mêmes préoccupations »;

  • la mise sur pied d’un fonds dédié à la mobilisation nationale;

  • une invitation aux groupes communautaires à suivre de la formation syndicale.