Une sacrée fille

2013/11/19 | Par Ginette Leroux


Coproduction France/Suisse 2012, 96 minutes
Version originale française et anglaise
Panorama Beat Dox
Première canadienne
ExCentris, salle Cassavetes, 22 novembre, 21h00
Cinéma du Parc1, 24 novembre, 16h30


« Les filles, c’est plus intéressant », dit Martha à la caméra, un petit sourire en coin. » Pour celle qui vient d’accoucher, sous nos yeux, d’un deuxième garçon, la répartie singulière de sa mère est chose courante. Lors de sa naissance, les parents de Stéphanie ont tiré à pile ou face pour choisir son nom de famille. Elle hérite du patronyme maternel. Stéphanie Argerich propose un documentaire fascinant sur la vie de sa célèbre génitrice.

Qui est Martha Argerich? Énigmatique, mélancolique, quasi surnaturelle et inatteignable pour le commun des mortels, la fougueuse Argentine, née à Buenos Aires en 1941, est d’une indépendance farouche. Solitaire née, elle ne veut être ni la fille, ni la fiancée, ni l’épouse de personne.

Si l’angoisse lui mord les tripes avant chaque concert, elle est, dans la vie de tous les jours, d’un naturel insouciant. Pince-sans-rire, moqueuse et d’une tendresse infinie pour ses trois filles, Martha Argerich s’amuse de la vie.

La plus grande pianiste du monde entretient une relation intime avec le piano depuis l’âge de deux ans. À huit ans, elle joue Mozart et Beethoven en public. À l’adolescence, elle gagne de nombreux prix. Malgré son jeune âge, point un talent hors du commun. Ses mains rendent esclaves les touches du clavier qu’elle manie en maître.

Cette femme affiche complet au chapitre de ses amours. Trois filles de trois hommes différents, Martha Argerich a semé ses enfants dans un jardin de musiciens. De sa brève relation avec le compositeur et chef d'orchestre chinois Robert Chen naît Lyda, l’aînée de la famille. Alors qu’elle unit sa vie à Charles Dutoit, elle donne naissance à sa fille Annie, dont la ressemblance avec son réputé chef d’orchestre de père, est frappante.

Stéphanie est la petite dernière. Son père Stephen Kovacevich, le célèbre pianiste américain, vit à Londres. Selon sa fille, il a trois passions : Beethoven, les belles femmes et le taramosalata, the pink substance, une spécialité de la cuisine grecque.

À cause de la relation trouble entre les deux parents au moment de leur séparation, il néglige de reconnaître officiellement Stéphanie. La seule de ses quatre enfants, dont trois sont des garçons, qui ne porte pas le nom de son père. Sa « bloody daughter » comme il se plaît à lui dire. L’expression anglaise est grossière, mais traduite en français, « une sacrée fille » rend le terme affectueux croit la fille qui, bien qu’elle n’ait jamais vécu avec lui, a développé une belle complicité avec son père.

Ce portrait grandeur nature de celle qu’on a nommée, à juste titre, la « tornade argentine » est passionnant. La fin du film propose une accalmie. Au parc, assises autour de leur mère, Lyda, Annie et Stéphanie discutent d’un sujet aussi léger que le vernis sur les ongles d’orteils. Le trio éclectique ne s’entend que sur une seule chose : la grandeur démesurée des pieds de leur mère. Comment ont-elles pu observer ce détail insolite?

Un film à voir absolument!

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