Charte de la laïcité : les congressistes de la FTQ rejettent une résolution d’appui

2013/11/29 | Par Maude Messier


L’élément marquant de cette quatrième journée du Congrès de la FTQ est assurément le long et chaud débat entourant une résolution d’appui au projet de loi 60 sur la Charte.

La question divise les délégués. Les interventions sur le plancher ont duré une heure trente. Un vote secret a été demandé, mais rejeté à très forte majorité par l’assemblée présidée par Michel Arsenault.

Puis, suite à un vote serré à mains levées, le président a d’abord déclaré que la résolution était adoptée. Chahut dans la salle, un vote debout est demandé : la résolution a finalement été rejetée.

La résolution d’urgence déposée ce mardi proposait que la FTQ accorde un appui « prudent » au projet de loi 60, encourage l’Assemblée nationale à inscrire la neutralité religieuse de l’État, le caractère laïque des institutions publiques, le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que des balises quant aux demandes d’accommodement religieux dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Elle proposait par ailleurs que la FTQ s’oppose à l’interdiction mur à mur du port des signes religieux visibles par les employés de l’État, exception faite des figures d’autorité publique détenant un pouvoir coercitif.

Après la tenue du vote, dans les couloirs du Centre des Congrès de Québec, nombreux étaient ceux qui s’interrogeaient encore sur le rejet de la proposition qui place la FTQ dans une drôle de position puisque son instance décisionnelle la plus large vient de rejeter dans les faits tout appui au projet de loi et que la centrale doit faire des représentations en commission parlementaire prochainement.

Si les principes fondamentaux de la première partie de la résolution font consensus, c’est la question de la Charte elle-même et de l’interdiction du port des signes religieux pour les employés de l’État qui posent vraiment problème.

La deuxième partie de la résolution devait pourtant refléter cette inquiétude exprimée dans les rangs syndicaux. Soit ce n’était pas suffisant, soit la résolution a été en partie mal comprise sur le plancher. C’est à tout le moins une des explications qui circulaient jeudi.

Plusieurs intervenants ont exprimé leur profond malaise à appuyer un projet de loi qui aurait pour conséquence de mener au congédiement de travailleuses et de travailleurs, alors qu’ils auront à les défendre ensuite, craignant aussi de souscrire à une pratique discriminatoire alors que leur mission est de représenter l’ensemble des travailleurs.

« C’est un débat important qui doit se faire dans le respect. Tous les membres ne sont pas athées ou catholiques. Il faut être capable de s’entendre entre-nous, mais que l’immigrant ou l’immigrante se sente bienvenu dans nos syndicats », de souligner Michel Arsenault en marge des débats, réitérant pourtant son appui à la résolution.

Chose certaine, à la lumière des interventions, il est clair que la montée du religieux et de l’intégrisme dans la société québécoise dérange. Mais la tendance est plutôt à une laïcité inclusive en fonction des valeurs syndicales et à l’intégration des personnes immigrantes. Les congédiements prévus par le projet de loi 60 représentent aux yeux de nombreux délégués une mesure inéquitable. Plusieurs ont d’ailleurs souligné que l’exclusion par le congédiement va à l’encontre de l’intégration, compte tenu du fait que l’accès au marché du travail est un moteur d’intégration.

« Ce débat nous divise, syndicalistes, militants, gens qui défendons la justice sociale, voulons un pays, défendons notre langue, côte-à-côte. Tout à coup, nous sommes divisés, éclatés. Plusieurs se sont fait traiter de racistes ou encore de trudeauistes. On a été utilisé par ça. La position fait preuve de nuances et c’est ce qui a manqué dans ce débat. La proposition est intelligente », d’exprimer une déléguée du Syndicat des Métallos.

Il semble qu’un peu plus de la moitié des congressistes ne l’entendaient pas ainsi.