Préface au livre Le français, langue commune. Un projet inachevé

2014/01/30 | Par Guy Rocher


Il faut l'écouter, Charles Castonguay, quand il nous parle du français au Québec! Paradoxalement, c'est d'Ottawa que nous vient sa voix. Cette forte voix. Qui nous avertit des dérapages, qui pointe du doigt les dérives, qui dénonce les mensonges, les demi-vérités, les faux calculs. Qui surtout nous rappelle les fondements et les exigences d'une efficace politique linguistique pour le Québec. Celle qui a inspiré la Charte de la langue française.

Il faut l'écouter, Charles Castonguay, parce que, allant à contre-courant, il nous dit des vérités claires et dures. Personne d'autre autant que lui ne nous met devant nos contradictions, nos glissements. C'est lui qui braque les réflecteurs les plus éclairants sur les écarts grandissants entre, d'une part, l'esprit et les intentions de la Charte de la langue française et, de l'autre, les décisions successives des dirigeants politiques et de leurs conseillers.

Et cela surtout au sein du Parti Québécois, dénonce Castonguay avec raison. Si ce Parti fléchit, s'il multiplie les « accommodements linguistiques », comme il le fait trop, s'il continue à diluer les messages de cette Charte, s'il hésite et recule comme il le fait devant la nécessaire législation, quel avenir pour le Québec français ? Voilà ce qui inquiète à juste titre Charles Castonguay. Et qui doit nous inquiéter tous.

La force de l'argumentation de Castonguay, surtout dans la première partie de cet ouvrage, vient de ce qu'il puise aux sources mêmes de notre politique linguistique québécoise, c'est-à-dire au Rapport Gendron de 1973 et au Livre blanc qui accompagna le dépôt de la loi 101 en 1977, deux documents aujourd'hui méconnus.

Rappelons-le ici. La première recommandation du Rapport Gendron se lisait comme suit : « Nous recommandons que le gouvernement du Québec se donne comme objectif de faire du français la langue commune de tous les Québécois, c'est-à-dire une langue qui, étant connue de tous, puisse servir d'instrument de communication dans les situations de contact entre francophones et non francophones ».

C'est cette notion du français « langue commune de tous les Québécois » qui a inspiré le ministre Camille Laurin, cinq ans après le Rapport Gendron, dans l'élaboration de la Charte de la langue française.

Depuis lors, la Cour suprême du Canada nous a fait un cadeau de Grec dans sa décision de 1988 sur la langue de l'affichage, en inventant pour le Québec la notion de « nette prédominance » du français. Cette conception, fondamentalement celle d'un Québec bilingue ou multilingue, s'est substituée à celle du français « langue commune », y compris et surtout au sein du Parti Québécois.

Les conséquences de cette dérive, Charles Castonguay nous les met sous le nez avec une impitoyable logique. Il nous avait avertis en 2010 que « le français dégringole ». Dans ce nouveau recueil de textes, Castonguay poursuit son analyse en nous disant encore plus clairement pourquoi il en va ainsi, et comment réagir.

Il est heureux que ces textes, tous publiés dans L'aut'journal au cours des trois dernières années, donc encore tout fraîchement sortis de la plume de Castonguay, soient à leur tour réunis en un volume. Ils sont d'une actualité criante, parce qu'ils nous parlent du présent et de l'avenir du français au Québec.

À lire, de toute urgence !