Des responsables de service de garde manifestent à Aylmer

2014/02/06 | Par Maude Messier


Les responsables de service de garde du bureau coordonnateur (BC) La Ribambelle d’Aylmer ont manifesté, mercredi soir, devant les bureaux administratifs du BC, pour dénoncer ce qu’elles estiment être du harcèlement et des abus.

Le rôle des bureaux coordonnateurs constitue un nœud dans l’application de la convention collective des responsables de service de garde en milieu familial (RSG), à la limite de l’ingérence dans certains cas, comme l’expliquait la présidente de la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ), Sylvie Tonnelier, en entrevue à l’aut’journal au printemps dernier.

À ce moment, elle affirmait que, sans être généralisée, la situation était problématique dans certains bureaux coordonnateurs.

Jointe par l’aut’journal, la présidente de l’Alliance des intervenantes en milieu familial de l’Outaouais (ADIM-Outaouais), Kathleen Courville, explique que le climat malsain de relations de travail au BC La Ribambelle d’Aylmer remonte à la vague de syndicalisation des RSG en 2008, au moment où elles ont obtenu la reconnaissance du droit d’association.

« À ce moment, il y a eu un changement de ton et les relations ont dégénéré, soutient la dirigeante syndicale. Le BC interprète les lois à sa façon, adopte une attitude dégradante qui est dénoncée quotidiennement par nos membres. »

Après de multiples interventions du syndicat auprès de la direction générale et du conseil d’administration du BC et après avoir alerté le ministère de la Famille, les RSG ont décidé de manifester leur mécontentement. Le rassemblement s’est tenu après les heures d’ouverture des services de garde pour ne pas affecter enfants et parents.

« C’est un geste symbolique, pour dire c’est assez. On a choisi cette journée parce qu’elle concordait avec une soirée porte ouverte des bureaux du BC qui a lieu un mercredi sur deux pour permettre aux RSG de venir prendre des documents, faire des photocopies et échanger du matériel pédagogique. Ironiquement, la direction a annulé la soirée en raison de l’annonce de la manifestation. »

Le BC La Ribambelle d’Aylmer compte quelque 120 RSG. Le syndicat représente aussi les RSG de cinq autres bureaux coordonnateurs sur les neuf du territoire de l’Outaouais. Mme Courville confirme que la situation à La Ribambelle est unique et particulière.

« Partout, depuis la syndicalisation, il y a eut une période d’adaptation à ce système de relations de travail. Ce n’est pas parfait, mais dans ce cas-ci, c’est vraiment particulier. »

Rappelons que les RSG sont reconnues au sens de la loi comme des travailleuses autonomes. Elles doivent obligatoirement être reconnues par un bureau coordonnateur pour recevoir les subventions du gouvernement et offrir des places à 7 $ par jour.

Les BC ont un rôle de surveillance, de contrôle et ont les pleins pouvoirs quant à l’attribution de la reconnaissance des RSG, qu’ils peuvent aussi retirer, les privant ainsi de leur gagne-pain. Il existe donc bel et bien un lien de subordination entre le bureau coordonnateur et les RSG, en dépit de leur statut de travailleuses autonomes.

Si le suivi, la surveillance et les visites de contrôle ne sont pas un problème en soi, selon Kathleen Courville, l’attitude frisant le harcèlement, le manque de constance et le mépris en constitue un bien réel. Elle insiste : le climat de peur doit cesser.

« Il n’y a aucune collaboration du BC avec le syndicat. Le travail de représentation est compliqué. On a un problème dont la source est la directrice générale et la directrice générale adjointe et leurs méthodes se répandent au CA. J’ai rencontré les membres du CA et transmis des documents et de l’information sur comment ça devrait se dérouler, la représentation syndicale, etc. Il n’y a eu aucun intérêt, aucun changement. Normalement, la direction doit rendre des comptes au CA. »

Sans vouloir entrer dans les détails de cas spécifiques, Mme Courville cite, par exemple, le fait que du jour au lendemain, le BC La Ribambelle ait décidé d’interdire l’utilisation des sous-sols pour les installations accueillant les enfants.

« Plusieurs ont dû déménager leur salle de jeux ou carrément leur garderie au rez-de-chaussée. Pourtant, ça ne pose aucun problème dans les autres BC de la région, en autant que les normes de sécurité soient respectées. »

Mme Courville fait état du cas d’une RSG qui a choisi d’affronter le BC et de contester cette décision. Le syndicat l’a appuyée dans sa démarche. Elle a obtenu gain de cause.

« Peu après, il y a eu une visite et on lui a demandé de faire sortir les neuf enfants pour chronométrer l’évacuation d’urgence par la fenêtre du sous-sol. Les enfants n’étaient pas habillés et en pantoufles, en février, pendant qu’il neigeait! Les parents étaient furieux. C’est quoi l’idée? Nous, on pense que c’est de l’acharnement. Des histoires comme ça, j’en ai plein. Les problèmes sont quotidiens. »

Mme Courville explique aussi que dès qu’une RSG demande à être représentée par son syndicat, le BC l’accuse de manque de collaboration. « Elles sont épiées, menacées. Il y a toujours une menace qui accompagne les documents transmis, comme quoi le BC a le pouvoir de lui retirer sa reconnaissance. »

Le syndicat réclame le respect des travailleuses dans les relations de travail, la collaboration de la direction quant à la représentation syndicale des RSG et la fin du climat de peur. La présidente du syndicat estime que le BC doit maintenant rendre des comptes au ministère pour ses agissements, rappelant que ce dernier a des obligations en regard des droits de ces travailleuses.

Les 16 000 responsables de service de garde en milieu familial reconnues au Québec ont entamé les négociations avec le gouvernement pour le renouvellement de leur convention collective en octobre dernier. Cette toute première convention collective, obtenue en 2011, arrivait à échéance en novembre dernier.

Le cas d’Aylmer démontre que les contradictions entre le statut de travailleuses autonomes des RSG et le lien de subordination qui existe entre elles et les BC peuvent être sources de conflits de travail. Reste à voir si le modèle sera adapté au fil des négociations.