Anglais et voiles islamiques à l’université 

2014/02/12 | Par Pierre Dubuc


Dans une Libre opinion parue dans Le Devoir du 29 janvier sous le titre « L’anglais à l’UdeM: complaisance excessive », Vincent Blais-Fortin, étudiant en droit à l’Université de Montréal, déplorait la facilité avec laquelle on accordait aux étudiants la possibilité de faire leurs travaux et passer leurs examens en anglais, au mépris du règlement en vigueur.

Il attribuait cette situation « à un laisser-aller, un laxisme et une complaisance sans bornes dans l’application du règlement ». Nous n’en doutons pas. Mais il y a peut-être d’autres causes.


L’explosion du nombre d’étudiants internationaux

Les universités canadiennes sont en concurrence pour attirer des étudiants étrangers, qui se comptent par millions dans le monde.

Au Québec, le nombre d’étudiants internationaux est passé de 9 135 en 2003, à 27 896 en 2008 et à 38 114 en 2012. Aujourd’hui, dans nos universités, plus d’un étudiant sur dix est originaire de l’étranger.

La répartition des étudiants internationaux est inégale entre les universités québécoises. Les trois universités anglophones s’accaparaient en 2008 de la part du lion avec 41,2% du total, même si les anglophones ne représentent que 8,3% de la population du Québec.

Du côté francophone, l’Université de Montréal arrive en tête avec 13,2% de l’ensemble des étudiants internationaux, soit la moitié moins que McGill.

La disproportion du recrutement entre les universités anglophones et francophones explique l’engouement des universités francophones à offrir des cours en anglais, comme on l’a vu aux HEC.

En 2009, l'Université du Québec à Montréal (UQAM) avait décidé d’offrir six cours en anglais dans le but avoué de recruter des étudiants étrangers.

Cela est sans doute également un facteur explicatif du « laisser-aller, du laxisme et de la complaisance » dont parle Vincent Blais-Fortin.


L’anglais, langue de la mondialisation… même des Français!

Mondialisation oblige, le bassin d’étudiants internationaux désirant suivre des cours en anglais est beaucoup plus important que celui d’étudiants désireux de s’inscrire à des cours en français.

À titre d’indication, mentionnons qu’environ 160 000 Indiens poursuivent leurs études à l'étranger chaque année et le Brésil prévoit envoyer 120 000 étudiants se former à l’étranger.

On aurait tendance à présumer que les universités francophones se tournent tout naturellement vers le bassin d’étudiants étrangers de langue française. On constate effectivement que les étudiants en provenance de la France formaient en 2010 le tiers (33,6 %) des étudiants étrangers au Québec.

Cependant, ils ne fréquentent pas tous des établissements scolaires francophones. Loin de là! Il y a quelques années, un reportage de Radio-Canada nous apprenait qu’environ 15% d’entre eux sont inscrits dans une des trois universités anglophones!


Le Canada veut doubler leur nombre… au détriment des étudiants locaux

Au Canada, il y avait en 2008, plus de 177 000 étudiants internationaux et plus de 265 000 en 2012. Le gouvernement Harper a annoncé qu’il voulait doubler ce nombre pour atteindre 450 000 étudiants internationaux en 2022.

Les étudiants étrangers paient en moyenne des frais de scolarité de 19 500 $ au Canada. Avec les dépenses liées à leur séjour, le gouvernement évalue que cela pourrait rapporter jusqu’à 10 milliards $ par année à l’économie canadienne.

Les locaux des universités canadiennes étant limités, l’arrivée massive d’étudiants étrangers va rendre l’accès à l’université plus difficile pour les étudiants canadiens.

C’était un des enjeux cachés de la hausse des droits de scolarité qui a déclenché le « printemps érable ».

Le gouvernement Charest était bel et bien conscient que la hausse allait restreindre l’accès des étudiants québécois à l’université, mais il comptait les remplacer par des étudiants internationaux « plus payants ».


Les étudiants internationaux et la laïcité

Un autre aspect est l’importance des étudiants et des étudiantes en provenance du Moyen-Orient. Selon The Economist du 1er février, plus de 160 000 étudiants d’Arabie saoudite fréquentent des universités étrangères.

Les pays se battent pour les accueillir, car ils sont riches. De plus, les filles sont accompagnées de membres de leur famille pour les chaperonner.

Leur présence explique des événements survenus à l’Université York et à l’Université de Régina qui ont défrayé la manchette récemment.

Sous le titre « Les femmes d’un bord, les hommes de l’autre », le quotidien Le Devoir rapportait que « la demande d’exemption d’un étudiant de l’Université York qui ne voulait pas côtoyer des collègues féminines n’est finalement pas unique. À l’Université de Regina, des professeurs ont accepté de séparer hommes et femmes dans leurs classes à la demande d’étudiants qui ne voulaient pas se trouver à proximité de ces dernières ». (Le Devoir, 3 février 2014).

« Il faut dire, ajoutait Le Devoir, que l’Université de Regina est l’une des institutions scolaires homologuées par l’Arabie saoudite pour fournir des cours d’anglais langue seconde reconnus. L’institution saskatchewanaise accueille donc une importante communauté d’étudiants étrangers provenant de ce pays ».

L’Université de Montréal offre également des cours sanctionnés par l’Arabie saoudite. Aussi, il n’est pas étonnant que son recteur Guy Breton se soit déchaîné contre la Charte de la laïcité en commission parlementaire en l’associant au régime de Franco!

La défense de « droits » aussi «  fondamentaux » que la « liberté de religion » peut cacher la défense d’intérêts financiers bien réels.

Et n’oublions pas que Philippe Couillard, diplômé de l’Université de Montréal, a participé, de 1992 à 1996, à la fondation d'un service de neurochirurgie à Dhahran, en Arabie saoudite.