Conseil Québécois d’Unifor : l’heure est à l’action politique

2014/02/12 | Par Maude Messier


Oui, le vote des Québécois a une incidence en vue des élections fédérales de 2015, a déclaré Jerry Dias, président du syndicat Unifor, devant les 300 délégués réunis à Québec, mardi et mercredi, pour l’assemblée de formation du Conseil Québécois du syndicat.

« Le Québec a toujours exercé une influence sur les politiques de gauche et il ne doit pas défier seul les conservateurs », selon le leader syndical qui estime que les élections provinciales québécoises donneront le ton.

Celles de l’Ontario seront aussi d’une grande importance compte tenu de la campagne que mène le conservateur Tim Hudak, partisan de l’abolition de la formule Rand et de l’adoption d’une législation de type « right to work », à l’image de nombreux États américains. Les taux de syndicalisation y ont chuté, les travailleurs ont perdu leur rapport de force pour mener des négociations collectives et obtenir des conditions de travail décentes, la classe moyenne s’est appauvrie.

Jerry Dias s’est adressé aux délégués du Conseil Québécois, avec sa verve colorée, exprimant l’urgence d’agir pour combattre ces « attaques syndicales sans précédant dans l’histoire du Canada ». Unifor n’entend pas rester muet prépare une contre-attaque qui, inévitablement, passera par l’action politique.

La direction nationale de Unifor fait en ce moment une tournée pancanadienne pour rencontrer des groupes de délégués sur la question des droits au travail.

Selon M. Dias, les « attaques antisyndicales » sont plus présentes depuis quelques années, « parce que les employeurs ont confiance, parce que le gouvernement est de leur bord. Et ils se rencontrent, se réunissent. »

D’où la nécessité, à son avis, de construire une organisation syndicale forte, active et stratégique. « Si nous sommes attaqués, il faut riposter et on doit aller sur le terrain », a-t-il fait valoir.

Le terrain, c’est d’abord les milieux de travail. « Il faut organiser nos membres. Visiter les milieux de travail, parler de notre syndicat, de notre mouvement. Beaucoup n’ont pas la moindre idée de pourquoi ils ont ce salaire, cette pension, ces avantages sociaux, ces conditions. Il faut d’abord construire notre syndicat de l’intérieur. »

Rappelons que le syndicat Unifor est né en septembre dernier de l’union du Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada (TCA) et du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP). Unifor représente 300 000 membres, dont 55 000 au Québec. C’est environ 3 000 conventions collectives, ce qui signifie des négociations en continue chaque jour de l’année.

Pour Jerry Dias, il importe de parler de politique et de son impact sur la vie, le quotidien des travailleurs. Parce que le travail et la création de « bons emplois », c’est politique.

Unifor tiendra un Sommet sur les emplois de qualité à Toronto en octobre 2014. D’ici là, le syndicat affirme qu’il mettra en oeuvre un plan stratégique dont l’un des éléments clés consiste à susciter des débats publics quant aux droits du travail, au développement économique et à la création d’emplois.

« Les jeunes ont été trahis dans bien des domaines. On leur a dit d’aller à l’école et d’avoir un diplôme, qu’un emploi les attendrait. Ils se sont endettés de 70 000 $ pour finalement avoir un emploi précaire. Ça ne devrait pas être comme ça. »

Le défi pour Unifor, comme pour l’ensemble du mouvement syndical, c’est de changer l’angle du débat.

« Ceux qui disent qu’ils ne sont pas d’accord avec le fait que les travailleurs syndiqués gagnent 25 $ de l’heure et qu’ils aient des régimes de retraite parce qu’eux n’en ont pas, c’est le contraire qu’ils doivent se dire : Moi aussi je devrais avoir ça! En tant que mouvement, on ne peut pas survivre si les gens ne se joignent pas à nous. On doit parler à nos amis, confrères, à la famille, à la communauté. On va expliquer partout au pays qu’il y a d’autres façons de faire. »

Il indique que les négociations collectives sont un outil pour amener plus de justice et parler d’économie. « Les usines ferment au Canada pour être réouvertes aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Il faut parler d’ouvrir plus d’usines, négocier la sécurité pour reconstruire les communautés. »

Unifor promet donc des débats politiques et économiques au pays dans tous les secteurs d’activités : énergie, industrie manufacturière, télécommunications, minière, etc. Déjà ce mardi, les sujets ne manquaient pas : les projets de lois antisyndicaux du gouvernement, Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne, les projets de pipelines et les politiques de main-d’œuvre qui pénalisent notamment l’Est du pays au profit de l’Alberta.

« C’est important, comme délégué syndical, pour faire connaître nos positions, de cogner directement à la porte du bureau de votre député fédéral et de lui dire mon nom est Untel et je représente 1 000 travailleurs dans votre comté. Ça, ils comprennent ça. »

Autre exemple, sur C-377, Jerry Dias indique que le meilleur moyen de faire disparaître le projet de loi de la table est de pousser sur les employeurs pour les forcer à mettre de la pression sur le gouvernement à leur tour. Comment? « Ce que le gouvernement prendra de nous, nous le reprendrons de vous! Chaque dollar que nous coûtera ce projet de loi, nous irons le chercher à la table de négociations. »

Milieux de travail, espace public, lobby, action politique, Unifor entend tout mettre en œuvre pour défaire les conservateurs et reconstruire une vision de la société favorable à la classe ouvrière en amenant des solutions. Le syndicat cherche bien entendu à s’adjoindre des partenaires, aussi bien syndicaux que des acteurs économiques et des alliés politiques.


Penser le développement autrement : le cas de l’électrification des transports

S’adressant aux délégués, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a rappelé que les ressources naturelles représentent 160 000 emplois au Québec, comptent pour 10% du PIB et 35% des exportations du Québec pour un total d’environ 25 milliards $.

« Les ressources naturelles sont un moteur de développement économique du Québec. Nous voulons maximiser l’exploitation responsable. Créer, maintenir et améliorer les conditions de travail, c’est ce que vous faites et c’est ça qu’on veut faire. »

Sur la question de l’énergie Martine Ouellet a fait valoir que Québec souhaite être un leader en matière de réduction des gaz à effet de serre et atteindre une réduction de 25% en 2020.

« On a l’expertise pour ça. Au Québec, 50% de l’énergie consommée est verte. Ailleurs dans le monde, c’est plus 13%. »

Qui dit réduction des gaz à effet de serre dit électrification des transports, une filiale que la ministre conçoit comme un vecteur de développement économique.

« On a une expertise assez incroyable, des chercheurs de renommée internationale avec des brevets sur les matériaux. On a des forces émergentes dans l’électrification des transports, comme TM4. En fait, on a tous les maillons de la chaîne, de la mine au produit. »

Gentec fabrique des bornes de recharge. Le Québec compte aussi des entreprises dans la fabrication de véhicules de transport : Paccar, Bombardier, Novabus, Autobus Lyon.

« Ce qu’on veut avec l’électrification, oui, ce sont les emplois en production, mais c’est aussi un marché d’exportation extraordinaire aux États-Unis et dans les pays asiatiques. Et le timing est bon pour se positionner sur l’échiquier mondial. »

Dans le dossier de l’électrification des transports, la ministre Ouellet a souligné que la volonté politique est là. Une volonté politique que le Conseil Québécois de Unifor voudrait bien voir se déployer avec la même logique dans le secteur de la forêt, de l’aluminium et de l’aérospatiale notamment en matière de développement économique et de création d’emplois. 


Crédit photo: Courtoisie Unifor Québec