L’heure est au rassemblement, non pas à l’excommunication et à l’inquisition

2014/02/20 | Par Robin Philpot


Claude, vous auriez pu laisser tomber les fleurs pour n’envoyer que le pot, car c’est ce qui vous motive.

Je ne répondrai pas point par point, car certaines lignes de votre  lettre vicient l’ensemble de votre lettre, dont celle où vous dites que Mme Benhabib a su convaincre les congressistes du Parti Québécois (dont j’étais) de « l’urgence de vacciner la société québécoise contre tout puissant virus islamiste ». Je ne pense pas avoir vu de tels propos depuis la chasse aux sorcières des années 1950.

Citer, au Québec, une Djemila Benhabib sur l’Algérie des années 1990, c’est comme citer, à Toronto, Esther Delisle sur le Québec des années 1930. Toutes deux prennent une once de vérité et en font une tonne de propagande. Un pays comme le Québec qui établirait sa politique sur l’Islam – et sur l’Algérie – à partir des seuls écrits de Mme Benhabib courrait à sa perte.

Mon expérience avec l’Islam et les Musulmans depuis 1972, que ce soit en Algérie, en Afrique de l’Ouest, ou au Québec avec les Musulmans des diasporas du Moyen-Orient et d’ailleurs, m’apprend qu’il faut traiter de ces sujets avec nuance, en ayant une perspective historique et une compréhension de l’impérialisme européen et nord-américain, passé et actuel. Or dans le débat actuel, voilà des choses qui manquent cruellement.

Accuser ceux et celles comme moi de faire du multiculturalisme à la Trudeau parce que nous nous opposons à l’interdiction du port de signes religieux, sauf pour quelques postes ou les gens disposent du pouvoir de coercition de l’État, relève du délire. Si nous voulons faire du Québec un pays indépendant, l’heure est au rassemblement, non pas à l’excommunication ni à l’inquisition – et le cas de Louise Mailloux « exposant » Amir Khadir ressemble justement à ça, l’inquisition.

(En passant, pour éviter qu’elle – ou vous – ne m’expose un de ces jours : j’ai déjà rencontré Tariq Ramadan; donc je suis également infecté par ton « tout puissant virus islamiste ». De quoi avons-nous parlé ? De l’indépendance du Québec et de la libération de la Palestine. C’était au lendemain du « printemps arabe ». Selon lui, « il n’y aura pas de printemps arabe sans la libération de la Palesine », des propos que je partage entièrement.)

En terminant, je vous suggère d’arrêter de vous battre jour et nuit contre ces ennemis imaginaires, car ils finissent par vous aveugler de sorte que d’autres ennemis à la démocratie et à la liberté, bien réels ceux-là, rodent librement autour. Et ils enfourchent le même cheval que vous, celui du combat contre le « musulman » venu d’ailleurs.

Qui sont-ils, dites-vous? Une indication qui en dit long : un nombre considérable des gens qui m’attaquent pour la position que je défends invoquent en même temps, sans broncher, Marine Le Pen et le Front national; d’autres, des extrémistes de droite à la Renaud Camus, à la Alain Soral, à la Dominique Venner; ne lisent que Boulevard Voltaire, fondé par un Robert Ménard qui, selon Jacques Lanctôt est un agent de la CIA.

En somme, votre campagne, que vous qualifiez pudiquement d’anti-islamiste, n’est rien d’autre qu’une nouvelle courroie d’une extrême droite, qui, elle, ne fait jamais dans la dentelle.