Trop d'impôts? Ça dépend pour qui.

2014/02/24 | Par Écosociété

Le Canada a contribué à créer les paradis fiscaux dans les Caraïbes depuis les années 1950 avant d'en devenir un lui-même.  Voilà ce que démontre avec brio le dernier essai-choc d'Alain Deneault, Paradis fiscaux: la filière canadienne. Barbade, Caïmans, Bahamas, Nouvelle-Écosse, Ontario… en librairie le 26 février prochain.

 Alain Deneault poursuit son travail rigoureux pour déconstruire l’image bienfaisante du Canada, cette fois-ci dans le domaine bancaire et fiscal, révélant au public canadien ce qui constitue le plus grand vol du siècle.

 Dans un livre aux révélations déroutantes, l’auteur montre comment, sous l’impulsion de banquiers, juristes et hommes politiques canadiens, des législations des Caraïbes se sont graduellement converties en « États de complaisance » dont certaines comptent aujourd’hui parmi les plus redoutables du monde.

Un ancien ministre canadien des Finances, Donald Fleming, a développé le modèle offshore des Bahamas. Jim MacDonald, avocat de Calgary et ancien bonze du Parti conservateur, a structuré aux Îles Caïmans des lois rendant opaque le secret bancaire.

Le gouvernement du Canada, sous l’égide de Paul Martin, a fait de la Barbade le havre fiscal de prédilection des entreprises canadiennes, puis a signé un accord de libre-échange avec le Panama sous le gouvernement Harper, repaire mondial des narcotrafiquants.

Aujourd’hui, le Canada va même jusqu’à partager son siège dans les instances de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international avec un collectif de paradis fiscaux de la Caraïbe britannique et parler en leur nom… 

Alors que le Canada peine à combattre avec sérieux l’évasion fiscale, il semble pourtant n’avoir aucune difficulté à intensifier sa « compétitivité fiscale ».

Le gouvernement fédéral y va donc de grandes déclarations de principe contre les paradis fiscaux, tout en favorisant leur essor et tout en déplorant ne pas disposer de revenus suffisants pour financer les services publics.

À ce titre, on peut aisément citer une liste non exhaustive de politiques fiscales accommodantes pour les grandes entreprises et les investisseurs :

  • Diminution du taux d’imposition des entreprises au fédéral de 37,8 % en 1981 à 15 % en 2012 ;
  • Élimination de la taxe sur le capital en 2006 ;
  • Diminution du pourcentage imposable des gains en capitaux de 75 % en 1998 à 50% en 2000 ;
  • Exonération des taxes de vente et des tarifs douaniers pour certaines entreprises d’exportation (Programme portes et Corridors du Canada) ;
  • Possibilité pour certaines entreprises de reporter indéfiniment le paiement de leurs impôts, de sorte qu'entre 1992 et 2005, les 20 plus grands reports d'impôt au Canada ont augmenté de 29,4 milliards de dollars, ou 199 %, passant de 14,8 milliards de dollars en 1992 à 44,2 milliards en 2005 bonification du programme d’actions accréditives pour certaines compagnies du secteur minier, pétrolier et gazier ;
  • Possibilité pour certaines compagnies minières, pétrolières et gazières de se constituer en fiducies de revenus non imposables ;
  • Imposition à la baisse des biens imposables canadiens possédés par des non-résidants. 

Toutes ces politiques font en sorte qu’à l’heure actuelle, le Canada prend drôlement l’allure d’un paradis fiscal en règle. Car, si le réseau offshore est souvent associé aux palmiers ou aux montagnes suisses, il est donc temps d’y ajouter les étendues enneigées et la feuille d’érable.