L’assurance autonomie : une autre réforme bancale ?

2014/02/25 | Par Jacques Fournier

L’auteur est organisateur communautaire retraité

Quand le gouvernement met de l’avant un projet visant à améliorer les services aux aînés en perte d’autonomie, au départ, on donne la chance au coureur. C’est ce qui a été fait au moment du dépôt du Livre blanc sur l’assurance autonomie présenté par le ministre Réjean Hébert.

Mais force est de constater que le ministre a étiré et gâché sa chance : il a par la suite présenté un projet de loi, le numéro 67, qui ne modifie pas significativement les paramètres du Livre blanc. Tout se passe comme si les nombreuses objections – et suggestions précises – faites au ministre lors de la commission parlementaire n’avaient pas été entendues. Des dizaines de mémoires étoffés n’ont vraisemblablement pas été pris en compte.

Malheureusement, l’assurance autonomie proposée est d’une complexité d’opérationnalisation remarquable et équivaut à une sous-traitance généralisée des services, dont les mécanismes de contrôle de la qualité ne pourront réalistement être mis en oeuvre. L’assurance autonomie reposerait en bonne partie sur le maillon faible du système, les entreprises d’économie sociale, dont le personnel est sous-rémunéré, plutôt que sur son maillon fort, les services publics. La théorie de la Nouvelle gestion publique (NGP) colore ce projet, alors que cette façon de faire n’est pas appropriée aux services à la personne : elle découle d’une vision productiviste et déshumanisante de la société.

Le projet de loi 67 emploie souvent l’expression « Le gouvernement peut, par règlement, déterminer... ». Tout le dispositif vise à habiliter le gouvernement à sous-traiter les services qu’il voudra, quand il le voudra, s’il juge qu’il y met suffisamment de ressources humaines et financières. Nous sommes loin de l’univers du droit aux services de qualité. Il restera à l’usager le droit... de se plaindre de n’avoir pas reçu les services.

Au lieu du lourd mécanisme prévu (toutes les sommes devront vraisemblablement transiter par la RAMQ), il faudrait garder du projet de ministre essentiellement et uniquement l’évaluation rigoureuse des profils de besoins pour chacun des usagers. Il faudrait par ailleurs assurer, par un fond spécifique, au sein de chaque CSSS, l’étanchéité des sommes destinées au soutien à domicile, pour éviter que les hôpitaux confisquent ces budgets, comme cela se passe trop souvent. Puis doter le secteur public des ressources efficaces et de qualité pour donner les services requis sur le terrain. Voilà une option gagnante.

Sous la plume de Guillaume Hébert, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a publié en février 2014 une substantielle note de recherche intitulée La gouvernance en santé au Québec qui conclut : «  Les structures du système sociosanitaire québécois ont connu des réformes majeures à intervalles relativement courts (1970, 1991, 2003). Des changements de cette envergure s’accompagnent d’effets déstabilisants pour une organisation aussi vaste. Les politiciens ayant piloté ces réformes auraient peut être eu intérêt à considérer l’avertissement du gourou du management Henry Mintzberg, qui invite à ne pas sous-estimer les contrecoups des réformes, surtout si elles deviennent des « réorganisations perpétuelles ».