Où prendrons-nous le pétrole?

2014/03/07 | Par Daniel Breton


L’auteur est député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et ex-ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs

La semaine dernière, Manon Massé, candidate de Québec solidaire dans la circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques, m’interpellait dans les pages du Devoir sur le dossier de l’énergie. J’aimerais corriger les nombreuses erreurs et omissions de son texte.

Première erreur : contrairement à ce que Mme Massé prétend, notre gouvernement n’a pas fait volte-face, mais a plutôt rempli un engagement. Il a repris le contrôle des droits d’exploration et il y aura bel et bien un BAPE avant toute exploitation.

Deuxième erreur : peut-être a-t-elle mal compris, mais je ne fais pas de revirement. J’ai toujours dit qu’il fallait diminuer notre dépendance au pétrole. Mais, comme nous en avons encore besoin, c’est nous tous, Québécois, qui devons répondre à la question suivante : où prendrons-nous le pétrole au cours des 30 prochaines années ?

Troisième erreur : elle prétend que « le minimum serait que le gouvernement péquiste investisse les fonds publics dans la conversion denos transports et de notre économie pour les sortir du pétrole ». Eh bien, c’est exactement ce que nous faisons !

Calculons : 665 millions de dollars en efficacité énergétique, plus 968 millions en transport collectif, plus 516 millions en électrification des transports, cela donne un total de 2,1 milliards de dollars pour les énergies et le transport verts, comparativement à 115 millions pour Anticosti, soit près de 20 fois plus d’argent.


Les omissions

Première omission : tous les gouvernements de la planète sont confrontés au même problème, soit un approvisionnement en pétrole qui a de plus en plus d’impact sur l’environnement.

Deuxième omission : Mme Massé prétend que nous sommes complices de la production de sables bitumineux. Ignore-t-elle que dans le cas du pipeline d’Enbridge, nous sommes pris dans un cas de compétence fédérale ?

Troisième omission : elle évoque le rapport « Maîtriser notre avenir énergétique », et elle cite que « des mesures draconiennes seront nécessaires pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et il y a urgence à lutter contre les changements climatiques ». Si c’est vrai que c’est écrit, ce rapport se dit aussi d’accord avec l’exploitation de notre énergie fossile pour la période de transition, pendant laquelle nous travaillons à diminuer notre dépendance aux énergies fossiles.

En bref, exactement ce que nous faisons.


Pétrole : les faits

Voici quelques faits auxquels nous devons faire face :

Les Québécois consomment 300 000 barils de pétrole chaque jour ;

Si le nombre de voitures sur les routes du Québec a augmenté de 20 % depuis 1990, le nombre de camions légers a augmenté quant à lui de 156 %, passant de 600 000 à 1 600 000 ;

Nos émissions de gaz à effet de serre en transport ont augmenté de 28 % depuis 1990 ;

Les nouveaux gisements de pétrole de la planète, qu’il s’agisse d’Anticosti, de l’Ouest canadien ou d’ailleurs, sont de plus en plus problématiques à exploiter des points de vue écologique et économique. Ils sont, de plus, énergétiquement beaucoup moins efficaces ;

Les gisements de pétrole traditionnel s’épuisent rapidement ;

Les pays les plus avancés en matière d’indépendance au pétrole, tels que la Suède (objectif d’abord fixé à 2020, repoussé à 2030… et récemment encore repoussé) ou le Danemark (2050), doivent nous faire réaliser que nous aurons besoin de pétrole pendant encore 30 ans ;

En matière d’indépendance au pétrole, certains modes de transport sont encore très dépendants des hydrocarbures, et les solutions techniques ne sont pas encore là. Par exemple, mentionnons le transport aérien, maritime et de marchandises par camions lourds sur de longues distances. Ces domaines représentent approximativement le tiers de notre consommation totale de pétrole pour les transports ;

Le pays le plus avancé de la planète en matière d’électrification des transports individuels est la Norvège, pays qui exploite du pétrole depuis quatre décennies et qui n’aura remplacé, en 2020, que 3 % ou 4 % de son parc de véhicules routiers par des véhicules à motorisation électrique rechargeable sur son réseau électrique ;

L’impact du pétrole sur la géopolitique et de la géopolitique sur le pétrole ne doit d’aucune manière être évacué du débat. Plus nous sommes énergétiquement vulnérables, plus nous sommes économiquement et politiquement vulnérables. Au fil du temps, les crises et les guerres (Koweït, Irak, Soudan, etc.) ont eu un effet direct sur le cours du Brent et sur les approvisionnements en énergie du monde entier. Donc, plus nous serons maîtres de notre énergie, plus nous serons économiquement et politiquement solides.

En conclusion, ce débat est complexe et les solutions, difficiles. Nous devons faire face à ces dures vérités qui ne font l’affaire ni des pro-pétrole ni des anti-pétrole. C’est cependant la réalité. C’est pourquoi nous devons tous ensemble trouver des solutions pour l’avenir écologique et économique du Québec et de la planète.

Ce débat est sérieux. Nous devons donc élever le niveau de discussion à la hauteur du défi, et c’est ce que je demande humblement à la candidate de QS et à son parti.