Legault et les politiques antisyndicales conservatrices

2014/03/12 | Par Maude Messier

Vote secret obligatoire, états financiers dévoilés publiquement et cantonnement de l’action des organisations syndicales aux strictes fins de la négociation collective. Mardi matin, les annonces du chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, semblaient calquées sur les politiques antisyndicales du gouvernement Harper.

La CAQ maintiendrait la formule Rand, disposition du Code du travail canadien qui prévoit le prélèvement automatique et obligatoire de la cotisation syndicale pour tous les travailleurs d’une unité de travail syndiquée, mais estime qu’il faut « moderniser les façons de faire dans le monde syndical. »

Si François Legault avait déjà annoncé, lors de la dernière élection provinciale, qu’un gouvernement caquiste instaurerait un vote secret obligatoire lors des requêtes en accréditation au nom de la démocratie syndicale, il va cette fois plus loin en exigeant que les cotisations syndicales ne soient utilisées que pour négocier les conventions collectives et « pas pour faire de la politique ».

Des propos auxquels n’ont pas tardé à réagir la FTQ et la CSN.

« C’est un peu l’énergie du désespoir, a indiqué le président de la FTQ, Daniel Boyer, en entrevue àl’aut’journal. On a une moins bonne cote ces temps-ci, le mouvement syndical, et il voit ça comme une opportunité politique. On se bat contre des mesures semblables à Ottawa, C-377, C-525, lesquelles sont déjà dans la machine. »

La CSN y voit « une tentative vaine et désespérée pour ne pas disparaître de la scène politique».

Les centrales syndicales sont catégoriques : elles continueront de promouvoir les intérêts professionnels de ses membres, mais aussi les intérêts sociaux, économiques, culturels et politiques de l’ensemble des travailleurs du Québec. En d’autres mots, l’action politique des syndicats est toujours d’actualité.

« Les statuts de la FTQ font d’elle une centrale syndicale dont le mandat déborde largement la négociation des conventions collectives et l’incitent à étendre son action sur le terrain des relations de travail, certes, mais aussi sur le terrain sociopolitique et économique », explique Daniel Boyer.

Assurance maladie, systèmes publics de santé et d’éducation, Commission de la santé et de la sécurité du travail, Société de l’assurance automobile du Québec, Régime de rentes du Québec, assurance parentale, CPE et équité salariale ont été mis en place au bénéfice de l’ensemble de la population québécoise largement grâce à l’action politique des organisations syndicales.

« Tout ne se négocie pas avec le patron immédiat, et nous avons l'obligation d'être actifs sur un autre front pour faire avancer des causes sociales », d’indiquer Jacques Létourneau, président de la CSN.

Sur la question du vote obligatoire, les deux centrales vont valoir que déjà, au Québec, les signatures de cartes d’adhésion doivent trop souvent se faire dans la clandestinité en raison des tactiques d'intimidation des patrons et par crainte de sanctions.

Les deux dirigeants syndicaux soutiennent que les cas de congédiements pour activités syndicales sont omniprésents et citent en exemples les tentatives de syndicalisation chez Walmart, McDo et Couche-Tard.

Le régime d’accréditation syndicale québécois prévaut depuis l’adoption de la Loi des relations ouvrières en 1944 par le gouvernement libéral d'Adélard Godbout. La loi reconnaissait la représentativité d’un syndicat en fonction du nombre d’adhésions (cartes) et établissait que le scrutin secret ne serait utilisé que pour régler des cas particuliers.

À maintes reprises, la partie patronale et les lobbys d’affaires ont tenté de faire modifier la loi, notamment en 1964 au moment de la rédaction du premier Code du travail et en 1985, lors des travaux de la Commission Beaudry, ainsi qu’en 2001 en vue de la réforme du Code du travail.

Chaque fois, la représentativité établie en fonction du nombre d’adhésions a été maintenue parce qu’elle constitue le meilleur moyen de prémunir les travailleurs contre l’intimidation, les représailles et les pratiques antisyndicales déloyales.

Le seul véritable objectif derrière ces charges répétées en faveur du vote obligatoire, c’est la diminution du taux de syndicalisation au Québec.

« Le vote secret, c’est de la pseudo démocratie. En signifiant à l’employeur qu’un processus de syndicalisation est en cours, on lui donne le rôle d’une partie intéressée alors que dans les faits, cela ne regarde que les travailleurs. C’est de leur droit de s’organiser dont il s’agit », argumente le président de la FTQ en réponse à François Legault.

La CSN et la FTQ font aussi valoir que partout où le vote obligatoire a été instauré, au Canada et aux États-Unis, le taux de syndicalisation a diminué, renforçant le rapport de force patronal.

Relativement aux questions sur la « transparence syndicale », Daniel Boyer rappelle que les syndicats prennent leurs décisions et adoptent leurs revendications en toute démocratie, dévoilent leurs états financiers à leurs membres.

« François Legault propose-t-il la même chose pour les associations patronales et aussi les grandes corporations qui disposent de moyens colossaux faire valoir leurs stricts intérêts d'affaires ? » interroge Jacques Létourneau.

La syndicalisation en chiffres :

- Le taux de syndicalisation au Canada est passé de 33,7 % en 1997 à 31,5 % en 2012.

- En 2012, environ un employé canadien sur trois (31,5 %) était membre d'un syndicat ou était couvert par une convention collective.

- Le taux de syndicalisation au Québec était de 39,9% en 2012. En Ontario, il était de 28,2%

- C’est en Alberta que le taux était le plus faible : 23,5%.

- En 1976, au Canada, aucun travailleur n’était régi par une loi forçant le vote obligatoire. En 2006, 7 travailleurs sur 10 vivaient dans une province où le vote est désormais obligatoire pour obtenir une accréditation syndicale.


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