« Pacte de solidarité » des employés d’Arcelor Mittal

2014/03/13 | Par Maude Messier

Les entreprises réclament plus de flexibilité et mettent de la pression sur les syndicats pour accroître le recours à la sous-traitance pour les emplois connexes, préférant se concentrer sur les activités de production à proprement dit, le «core business».

La sous-traitance est d’ailleurs le point commun de la plupart des négociations difficiles et conflictuelles qui ont eut cours dans les dernières années dans les secteurs industriel et manufacturier : Rio Tinto Alcan, Produits Forestiers Résolu, Rio Tinto, Fer et Titane, Kronos Canada, Bombardier Transport et Silicium pour ne nommer que ceux-là.

En novembre dernier, les délégués de la 49e Assemblée annuelle des Métallos ont voté en faveur d’une résolution visant à encourager les tables de discussion et de mobilisation regroupant des travailleurs d’un même employeur.

Dans cette perspective, les sept sections locales qui représentent quelque 1 300 travailleurs chez ArcelorMittal à Montréal et en Montérégie ont conclu un « pacte de solidarité » dans le but de renforcer leur rapport de force face au géant multinational de l’acier.

Au cours du dernier mois, les membres de quatre de ces sections locales se sont prononcés en faveur d’une cotisation spéciale pour soutenir leurs confrères advenant un conflit. Les syndiqués des trois autres sections locales se prononceront sur la question le 26 mars prochain.

Guy Gaudette, conseiller au Syndicat des Métallos, précise qu’il ne s’agit pas d’un fonds de grève, mais bien d’un outil financier supplémentaire en cas de conflit.

« C’est à la fois une stratégie symbolique et financière. C’est un nouvel outil qu’on se donne pour mener les négociations avec ArcelorMittal. L’idée, c’est de développer des liens de solidarité permanents entre les sections locales », explique-t-il dans un entretien avec l’aut’journal.

Il ajoute que c’est aussi un message de solidarité que ces 1 300 travailleurs veulent envoyer à leur employeur pour éviter qu’il ne puisse jouer les usines les unes contre les autres.

« Il doit savoir que nous aurons les coudes serrés dans l’ensemble des sept sections locales impliquées. Parce qu’on est tous concernés. Si un conflit éclate dans une usine sur un enjeu de sous-traitance, le sujet à l’ordre du jour aux tables de négociations, ou encore sur l’augmentation des cotisations d’assurance pour les employés ou les régimes de retraite, et bien tous les travailleurs des autres usines d’ArcelorMittal seront solidaires parce que demain, ces demandes se retrouveront aussi aux tables de négociation pour tous les autres syndicats. »

Le syndicaliste ajoute que des initiatives similaires visant à instaurer un mécanisme de prélèvement d’une cotisation spéciale lors de conflits de travail ont déjà été tentées par le passé dans différentes sections locales du Syndicat des Métallos, mais chaque fois refusées.

Or, l’éclatement de conflits de travail autour des enjeux sur la sous-traitance, la mise en concurrence des usines, l’imposition de patterns de négociations et la cohésion des demandes patronales forcent les syndicats à développer de nouvelles stratégies.

Une seule section locale, à Contrecœur, sur les sept est actuellement en négociation. Les prochaines auront lieu en 2016. Guy Gaudette indique par ailleurs que la conjoncture est plutôt bonne et que les usines de Montréal et de Contrecœur roulent à pleine capacité.

« C’est bon signe, ça augure bien pour les négociations », mentionne-t-il, faisant valoir que les syndicats ont choisi d’agir en amont. L’annonce de cette nouvelle initiative a pour objectif de renforcir le rapport de force syndical en vue des négociations.

La sous-traitance mine le rapport de force des syndicatsquant à l’exécution des travaux et le maintien de la production pendant un conflit de travail. Elle affecte aussi la portée des accréditations syndicales des syndicats locaux et pose un problème de déséquilibre du rapport de force.

Sans compter que la cohabitation entre la sous-traitance, les agences de placement et les travailleurs syndiqués, parfois pour les mêmes tâches dans un milieu de travail, pose de sérieux problèmes de disparités de traitement, tous ne bénéficiant pas des mêmes conditions de travail.

La sous-traitance est donc perçue comme un fléau en milieu syndical et plusieurs organisations se penchent sur les stratégies à adopter. Tout comme les syndicats d’ArcelorMittal affiliés aux Métallos, laFédération de l’industrie manufacturière de la CSN réfléchit actuellement à une stratégie de mobilisation à déclencher lorsqu’un syndicat en négociation est attaqué sur la question de la sous-traitance ainsi qu’à une clause de convention collective type pour limiter la sous-traitance.

En entrevue à l’aut’journal, le coordonnateur à la Fédération François Enault confiait que les négociations difficiles à Rio Tinto, Fer et Titane à Sorel, le lock-out chez Kronos Canada et le lock-out de Rio Tinto Alcan à Alma ont été des déclencheurs. Même son de cloche de la part de Guy Gaudette.

D’une part, la sous-traitance se trouvait au cœur des négociations. D’autre part, ces conflits ont donné naissance à des démonstrations de solidarités syndicales qui ne sont pas étrangères au dénouement des conflits.