L’Ontario aurait intérêt à ce qu’un Québec indépendant siège à la Banque du Canada

2014/03/13 | Par Pierre Dubuc


« Un Québec indépendant conserverait le dollar canadien », a déclaré Mme Marois, réitérant la position de M. Parizeau lors du référendum de 1995. Elle a même ajouté qu’un Québec indépendant pourrait souhaiter avoir un siège à la Banque du Canada.

Évidemment, la presse canadienne-anglaise s’est déchaînée. En éditorial, le Globe and Mail a comparé un futur Québec indépendant à la Grèce et a ridiculisé la demande péquiste de siéger à la Banque du Canada. « C’est absurde. Le huard ne peut pas être coupé en deux et la Banque du Canada ne sera pas découpée en morceaux. La première ministre nous sert un conte de fées. »

Même discours dans le National Post. Le chroniqueur Andrew Coyne nous prévient. Incapable d’une dévaluation, faute de posséder sa propre monnaie, le Québec devrait procéder à une dévaluation interne en réduisant les salaires. Encore une fois le spectre de la Grèce.

Mais des voix plus sensées se font entendre sur cette question d’importance. Caché dans les pages économiques du Globe and Mail, on trouve un autre point de vue sous la plume de Boyd Erman.

Dans son article, intitulé « Le huard comme monnaie pour un Québec souverain? Ce n’est pas une idée si folle », il démontre l’intérêt de l’Ontario à ce que le Québec siège à la Banque du Canada.

« Il faut examiner, écrit-il, quelle sera la place de l’Ontario dans un Canada sans le Québec. La dynamique de la politique monétaire qui existe actuellement entre le centre à croissance plus lente en Ontario et au Québec, avec sa base industrielle, et l’économie de l’ouest basée sur les ressources naturelles changerait au profit de l’ouest. »

Présentement, souligne-t-il, les économies combinées de l’Ontario et du Québec représentent plus de 60% du PIB, soit beaucoup plus que l’ouest.

Qu’on le veuille ou non, poursuit-il, l’Ontario et le Québec ont des intérêts communs en ce qui concerne la politique monétaire à cause de leurs secteurs manufacturiers, qui a besoin d’un petit coup de pouce de la politique monétaire et d’un dollar faible.

Le taux de chômage est très différent dans les deux pôles économiques du pays. Il est de 7,5% en Ontario et 7,8% au Québec, mais de 3,9% en Saskatchewan, 4,3% en Alberta et 6,4% en Colombie-Britannique. L’inflation est aussi plus importante dans l’ouest.

Sur une longue période, la monnaie d’un Canada sans le Québec pourrait être plus forte que celle d’un Canada avec le Québec, ce qui nuirait aux intérêts industriels de l’Ontario. Pour cette raison, Boyd Erman croit que l’Ontario aimerait avoir le Québec à ses côtés à la Banque du Canada pour faire contrepoids aux provinces de l’ouest.

Boyd Erman ajoute que l’absence du Québec poserait également un problème de liquidités qui minerait l’importance du dollar canadien sur la scène internationale.

Bien évidemment, conclut-il, le Québec a un intérêt à siéger sur la Banque du Canada pour influencer la politique monétaire en fonction de l’économie du Québec. C’est pour cette raison que Mme Marois a déclaré que le Québec pourrait bien formuler une telle demande.