PKP au PQ : Un cauchemar pour les travailleurs

2014/03/14 | Par Alexandre Leduc

L’auteur est candidat QS Hochelaga-Maisonneuve et conseiller syndical AFPC-FTQ

Ce texte s’inscrit dans le débat amorcé entre Alexandre Leduc de Québec solidaire et Pierre Dubuc du SPQ Libre.

Il est une réplique au texte « Le SPQ Libre et la candidature de Pierre-Karl Péladeau »


Il faut d’abord savoir mesurer toute l’importance de la nouvelle. L’arrivée de Pierre-Karl Péladeau en politique québécoise n’est pas banale. Le fait que presque deux cycles de nouvelles y aient été consacrés, et qu’il ait, à lui seul, eu plus d’attention médiatique que sa chef, témoigne que nous pouvons d’ores et déjà consacrer son annonce comme un tournant de la campagne.

Son geste est sans précédent. Jamais, n’aurions-nous pensé qu’un Raymond Malenfant ou un Paul Desmarais aurait eu le cran de se présenter en politique. En réalité, jamais n’aurions-nous pensé qu’un parti politique aurait eu l’audace, voire l’affront de recruter une personne aussi controversée et polarisante que PKP dans ses rangs.

Milliardaire, il détient le pouvoir de l’argent. Propriétaire d’un empire médiatique, il possède le pouvoir des médias. Il ne lui manque en réalité qu’un seul pouvoir, le politique. Ces trois pouvoirs concentrés dans les mains d’un seul homme devraient inquiéter tous les démocrates, peu importe la tendance politique.

Oui, mais il est souverainiste

Ah bon. Tant mieux en fait. Un souverainiste de plus, je m’en réjouis. S’il est si souverainiste que ça, pourquoi a-t-il donné 1000$ au PLQ et 3000$ à l’ADQ en 2007? S’il est si souverainiste que ça, pourquoi est-il l’heureux propriétaire de la chaine Sun TV news, la Fox news du Nord qui est sans contredit la télévision la plus anti-québécoise du Canada.? Je persiste à trouver sa conversion tardive et suspecte.

Un poing levé en conférence de presse n’efface pas tout ça.


PKP ministre du Tourisme?

Non, le simple poing levé n’efface pas non plus la pensée politique antisyndicale de Péladeau. Soyons clairs, je ferai campagne pour le oui avec tous les souverainistes, ce qui inclut Péladeau, Bouchard, Bédard, Bock-Côté et cie. Cela étant dit, je m’opposerai avec toute l’énergie qui m’anime au reste des projets de cet homme avec qui je ne partage rien d’autre, à part l’air qu’on respire.

Marc Laviolette et Pierre Dubuc du SPQ Libre affirment que «nous passons du terrain syndical au terrain politique». Or, il faudrait être de mauvaise foi pour faire une séparation aussi nette entre les deux. Ayant été à la tête d’une centrale syndicale, ils ne sont pas sans savoir que les syndicats ont toujours été des vecteurs de changement social, et qu’un gouvernement antisyndical peut faire énormément de dommage. On n’a qu’à prendre comme exemple le Michigan, aux États-Unis, avec leurs nouvelles législations sur le «right to work». Un autre exemple, encore plus près de nous: les attaques antisyndicales du gouvernement Harper. Tous ces affronts ont été opérés sur le terrain politique. Il serait carrément dangereux de dissocier les deux.

Les syndicalistes ne doivent pas être dupes. PKP ne rentre pas en politique que pour faire l’indépendance. Il a un autre programme politique, celui de parachever son œuvre amorcée dans l’empire Québécor, c’est-à-dire, écraser les syndicats.

Si par malheur le PQ est reporté au pouvoir, PKP sera assurément ministre. Il faut être naïf pour croire que le baron de la presse se contentera d’être ministre du Tourisme. Non, c’est sans doute un ministère avec un portefeuille beaucoup plus important qui l’attend. Ministre de l’Industrie, de l’Économie, des Finances, du Conseil du trésor? Dans tous les cas, il sera associé de près aux négociations du Front commun de l’an prochain. Les salariés secteur public devraient s’inquiéter de leurs conditions de travail. Si on se fie à la feuille de route des 14 lock-outs de Péladeau, l’avenir n’est pas rose pour les services publics au Québec.

Certains disent qu’il y aura des syndicalistes pour le contrôler, pour rétablir un équilibre au sein du caucus péquiste. Si on se fie sur les capacités de Daniel Breton et Martine Ouellet à appliquer de véritables politiques écologistes dans ce gouvernement, nous pouvons être inquiets.


Après moi, le déluge

Ce que je reproche au SPQ-Libre et autres Gérald Larose et Vivian Barbot de ce monde, c’est qu’au nom du pays qu’ils désespèrent de voir avant de mourir, ils ouvrent grandes les portes du pouvoir à un des pires employeurs du Québec, qui a jeté cruellement des centaines d’employé-es à la rue. C’est comme si toute analyse rationnelle du réel impact de l’élection de Péladeau au gouvernement n’était plus possible, parce qu’il représenterait le dernier espoir de toute une génération de souverainiste. Que fait-on des générations plus jeunes, celles qui hériteront d’un moins grand rapport de force lors de leurs négociations de conventions collectives?


Virage à droite complété

Avec l’arrivée de Pierre Karl Péladeau au PQ, le virage à droite de ce parti est maintenant complété. On ne peut pas être fédéraliste et souverainiste en même temps. On ne peut pas être de gauche et de droite en même temps. Avec PKP en tête, le PQ vient définitivement de s’ancrer à droite.

Ceci dit, le centre-gauche n’est pas en reste. Leur maison est dorénavant Québec solidaire, où des progressistes et souverainistes travaillent depuis 8 ans à construire une alternative économique crédible et chiffrée. Avec des syndicalistes comme Édith Laperle, André Frappier, Claude Généreux, Gaetan Chateuneuf, Jean Trudelle, Annick Desjardins et moi-même, la voix du mouvement syndical résonne plus fort que jamais.

Juste pour le plaisir de la chose, imaginez-vous un seul instant comment les militants du PQ et du SPQ-Libre auraient réagi si, de son vivant, Paul Desmarais s’était porté candidat pour le Parti libéral. Auraient-ils salué son engagement dans la vie publique?

En terminant, je vous laisserais avec cette citation de Chartrand qui circulait dernièrement, mais qui vaudrait la peine qu’on se rappelle :

«Les nationalistes pardonneront les pires turpitudes au PQ. Ils sont prêts à oublie qu’il existe une différence énorme entre le nationalisme et une véritable libération nationale. Raison pour laquelle j’ai toujours été contre ces «nationaleux» qui voulaient sauver la langue et laisser crever ceux qui la parlent.»

- Michel Chartrand, 1916-2010

On peut lire la réplique de Pierre Dubuc sous le titre « Coalitions syndicales et coalitions politiques »


Réplique au texte d’Alexandre Leduc « PKP au PQ : Un cauchemar pour les travailleurs » >>
par Pierre Dubuc