Sortir du pétrole d’ici 2030

2014/03/19 | Par Alexandre Leduc

NDLR. – Nous poursuivons le débat Leduc-Dubuc engagé la semaine dernière. Nous publions aujourd’hui le texte d’Alexandre Leduc, candidat QS dans Hochelaga-Maisonneuve et conseiller syndical à l’AFPC (FTQ). Demain, nous publierons la réplique de Pierre Dubuc. Elle sera suivie de la contre-réplique d’Alexandre Leduc, vendredi matin.


Québec solidaire dévoilait cette semaine son plan de sortie du pétrole d’ici 2030. Personnellement, c’est ma deuxième élection en tant que candidat solidaire. Autant en 2012 qu’en 2014, il m’arrive souvent de constater une grande lassitude des électeurs et électrices que je rencontre, comme si tout ce qui était proposé, élection après élection, n’était que du pareil au même.

Ceci dit, le plan de Québec solidaire a un réel potentiel de donner un autre souffle et une autre direction à notre économie, en enclenchant un virage écologique de la société québécoise et la création de centaines de milliers d’emplois.


Fédéralisme pétrolier du PQ: « Après moi, le déluge »

Alors que les Breton, Ouellet et McKay sont bâillonnés au sein du Parti Québécois, Québec solidaire occupe le terrain de l’écologie avec audace. En décembre dernier, lors des audiences sur l’inversion du Pipeline 9b d’Enbridge, QS était le seul parti présent à l’Assemblée nationale à s’opposer au passage du pétrole sale de l’Alberta vers le Québec.

Même logique pour l’exploration du pétrole à Anticosti. Alors que les trois partis pétrophiles (PQ, CAQ et PLQ) approuvent l’initiative du gouvernement, seul Québec solidaire s’est opposé à ce non-sens économique et écologique. Tant qu’il y a une piasse à faire, et encore là, dans ce cas-ci, ce n’est pas prouvé, les vieux partis sont dans la logique du « après moi, le déluge ».


Respecter le protocole de Kyoto

Avec le fédéralisme pétrolier du PQ, il semble très improbable, voire impossible, que le Québec respecte ses engagements en matière de réduction de CO2. Pourtant, la calotte glacière continue de fondre à vue d’œil, l’acidification des océans s’accélère et le ROC ne s’enligne pas pour contraindre l’industrie pétrolière de l’Alberta à limiter ses énormes dégâts et respecter les terres ancestrales des Premières Nations.

C’est là, dans l’Ouest canadien, que le centre du pouvoir s’est déplacé au pays. Plutôt que de s’engouffrer dans la même logique, prenons-en acte et profitons de cet état de fait pour démontrer la pertinence de faire l’indépendance du Québec et avoir ainsi le contrôle de l’ensemble de nos leviers économiques.

De plus, se lancer dans la dangereuse aventure pétrolière est en contradiction avec l’identité québécoise contemporaine. En effet, depuis ma tendre enfance, on m’apprend que le Québec est fier d’être le plus grand producteur d’hydro-électricité en Amérique du Nord. Ici, on consomme de l’électricité propre. Plutôt que de reculer avec le pétrole, pourquoi ne pas faire un pas en avant et s’organiser pour remplacer nos consommations de pétrole par l’électricité? Ces technologies existent, et nous possédons suffisamment de ressources énergétiques.


Utiliser nos surplus d’électricité

Deux phénomènes font en sorte qu’Hydro-Québec sera en surplus de production d’électricité dans les prochaines années. D’abord, il a de nouveau succombé au syndrome du castor qui consiste à tout axer son développement dans la construction. Ainsi, nous avons mis en chantier le barrage de la Romaine au coût de 8,5 milliards de dollars.

De plus, le marché américain de l’énergie est maintenant envahi par le gaz de schiste. La demande pour l’hydro-électricité québécoise est donc en baisse, à telle enseigne que nous sommes obligés de la vendre à perte sur le marché américain. Jumelé à la récente hausse de tarif, comment ne pas penser qu’on demande à la classe moyenne québécoise de subventionner les mauvais choix et le manque de vision du gouvernement? Drôle de logique.

Plutôt que subventionner la vente à perte de nos surplus d’électricité, pourquoi ne pas s’en servir pour sortir du pétrole et ainsi rétablir en partie notre balance commerciale? Remplacer notre consommation de pétrole par l’électricité aurait un effet bénéfique sur notre économie.


Un plan en 3 étapes

Le première étape du plan s’implantera progressivement de 2015 à 2020 et impliquera un développement massif du transport en commun dans les réseaux déjà existants.

La deuxième étape, de 2020 à 2025, se concentrera plus sur la construction d’infrastructures de transport écologique entre les villes, comme le monorail suspendu. De plus, la deuxième phase inclura un vaste chantier d’efficacité éco-énergétique via de la rénovation domiciliaire.

Finalement, la dernière phase s’étalant de 2025 à 2030, mettra à contribution les régions du Québec en leur offrant des voitures électriques en alternative aux voitures conventionnelles. En effet, si une solution sérieuse à la réduction des gaz à effet de serre doit prioriser des investissements dan le transport collectif, il ne faut pas oublier les citoyens des régions rurales qui n’ont pas le choix d’utiliser une voiture.


160 000 emplois

Voici également une originalité de la gauche québécoise. Nous croyons être ne mesure de s’attaquer à la crise écologique et économique en même temps. En effet, en développant l’industrie des énergies renouvelables, en lançant un vaste chantier de rénovation éco-énergétique, en électrifiant les transports et en investissant massivement dans le transport collectif, nous serons en mesure de créer 160 000 emplois sur cinq ans.

« On est capable de mâcher de la gomme et de marcher en même temps », comme disait Falardeau.

Ce vaste plan de transition écologique ne sera pas sans susciter l’intérêt du mouvement syndical qui cherche depuis plusieurs années une manière de conjuguer développement économique et protection de l’environnement, comme si ces deux concepts étaient nécessairement en opposition. Au contraire, on peut très bien créer des emplois durables partout en région avec des salaires intéressants qui participeront à assainir notre air et notre eau.


Courage politique

On me répondra : mais si c’était si facile que ça, pourquoi cela n’a pas déjà été fait? Très simple, à cause du manque de courage politique.

Lorsqu’un parti a basé si longtemps son financement sur les firmes d’ingénierie et sur le financement sectoriel, pas surprenant qu’il ne veuille pas déplaire aux amis du parti. Pour renouveler la classe politique québécoise et être en mesure de prendre des décisions innovantes pour le Québec, il faut envoyer plus de solidaires à l’Assemblée nationale.


 La réplique de Pierre Dubuc :

Un projet irréaliste et ruineux selon la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec >>
Par Pierre Dubuc