QS et l’électrification du transport: Comment tuer une bonne idée

2014/03/20 | Par Pierre Dubuc

Ce texte est une réplique au texte d’Alexandre Leduc Sortir du pétrole d’ici 2030, un ambitieux projet de société. Vendredi, nous publierons la contre-réplique d’Alexandre Leduc.

Électrifier le transport au Québec, mettre fin à notre dépendance au pétrole, c’était un des thèmes majeurs de ma campagne lorsque je me suis porté candidat à la chefferie du Parti Québécois en 2005. À cette occasion, lors du débat sur le développement économique et le développement durable, je déclarais :

« Nous produisons de l’électricité, nous produisons de l’aluminium et nous construisons des wagons de métro et de chemins de fer à la fine pointe de la technologie moderne… que nous exportons ! Nous sommes les cordonniers mal chaussés du transport ! Alors, pourquoi ne pas profiter de notre accession à la souveraineté pour nous donner un mégaprojet national qui dynamisera notre économie, créera de l’emploi et préservera notre environnement ? Imaginez des trains rapides qui relieraient toutes les grandes villes du Québec. Pourquoi ne pas multiplier les trains de banlieue? Pourquoi ne pas réintroduire les tramways à Montréal ? Mais, surtout, pourquoi ne pas mettre sur des rails les mastodontes qui défoncent nos routes et polluent notre environnement. Nous pourrions coupler ce projet à une véritable politique d’occupation du territoire, à une politique d’émigration de la grande ville vers les régions périphériques. L’automobile a créé la banlieue. Le train moderne peut recréer les régions. »

À l’époque, j’étais le seul candidat à proposer une telle vision de l’avenir. Par la suite, le SPQ Libre a continué, au sein des instances du Parti Québécois, à promouvoir, avec d’autres, bien entendu, l’idée de l’électrification du transport et de la réduction de notre dépendance au pétrole, si bien que tout un chapitre de la présente plate-forme électorale du Parti Québécois y est consacré, sous le titre Créer des emplois en devenant un leader mondial dans l’électrification du transport.

Le gouvernement du Parti Québécois s’est d’ailleurs engagé à pour un total de 2,1 milliards $ pour les énergies et les transports verts, soit 665 millions $ en efficacité énergétique, plus 968 millions en transport collectif, plus 516 millions en électrification des transports.

L’idée progresse également au sein de la population. Mais il y a une manière infaillible de couler une bonne idée, c’est de la caricaturer. C’est exactement ce que font Alexandre Leduc et Québec solidaire avec leur « Plan de sortie du pétrole 2015-2030 ».


Trois plans quinquennaux

QS veut mettre fin à notre dépendance au pétrole en 15 ans, alors que les pays les plus avancés en cette matière ont repoussé l’échéance. La Suède avait d’abord fixé 2020 comme objectif, l’a repoussé à 2030… et récemment encore repoussé. Le Danemark l’a fixé à2050.

QS présente trois plans quinquennaux pour sortir le Québec du pétrole. Son premier plan quinquennal (2015-2020) a pour objectif une réduction des émissions de GES de 40%.

Pour y arriver, on planifie la construction de « nouvelles stations de métro, de nouveaux (sic!) tramways, des lignes d’autobus, des trains de banlieue et des voies réservées pour les véhicules transportant trois personnes et plus » avec la promesse que « dans tous les centres urbains du Québec, en ville comme en banlieue, la voiture ne sera plus une obligation pour qui que ce soit ».

Tout cela en 5 ans!

Au cours du deuxième quinquennat (2020-2025), l’accent sera mis sur la construction d’un « réseau de transport pour se déplacer des petites municipalités aux plus grandes et de relier nos villes entre elles », au point où « le nouveau système limitera l’utilité de la voiture aux lieux retirés ».

Après 10 ans, l’utilisation de la voiture sera marginale.

Comment en arriver là? Par une rupture « avec le modèle des banlieues dortoirs ».

Au cours du troisième quinquennat (2025-2030), nous aurons alors « transformé nos habitudes et nos vies, nous serons en mesure de franchir les derniers pas qui nous séparent d’un Québec sans pétrole ». Après seulement 15 ans, « posséder une voiture ne sera plus considéré comme un besoin essentiel ».

Nous pouvons souscrire dans l’absolu, dans un monde idéal, à ce projet visant à refaçonner complètement notre mode de vie et l’occupation du territoire. Mais les banlieues actuelles avec leurs maisons unifamiliales ne disparaîtront pas en 10 ou 15 ans. Le Québec n’a pas la densité de population de l’Europe. Le Québec n’est pas le Plateau Mont-Royal.


Un projet irréaliste et ruineux

Dans le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, qui vient d’être déposé, on peut lire : « En 2050, le pétrole demeurera une source d’énergie incontournable au niveau mondial. Le Québec ne fera pas exception ».

Les commissaires Roger Lanoue et Normand Brousseau nous ramènent les deux pieds sur terre : « S’il est techniquement et économiquement possible de remplacer complètement le pétrole utilisé pour la chauffe, il en va tout autrement dans le secteur des transports des personnes et des marchandises par avion, par bateau, par rail et par route, où ces activités dépendent à 99,2 % de ce combustible ».

« Dans ce secteur d’activité, poursuivent-ils, il est IRRÉALISTE d’espérer en diminuer la consommation de manière importante à court terme, car les technologies de transport basées sur d’autres sources d’énergie ne sont souvent pas encore à l’étape de la commercialisation à grande échelle. »

Lanoue et Brousseau nous mettent en garde, de façon préventive, face à un projet comme celui de QS : « Il serait donc RUINEUX aujourd’hui d’investir massivement dans cette voie dans le seul but de sevrer rapidement le Québec du pétrole ».

Ils ajoutent : « La réduction de l’utilisation du pétrole passe forcément par une transformation profonde des modes de transport et d’aménagement du territoire qui ne peut se faire que sur PLUSIEURS DÉCENNIES ».

Selon ces experts, le projet de QS est donc IRRÉALISTE, RUINEUX et ne pourrait se réaliser que sur PLUSIEURS DÉCENNIES. Pas en 15 ans!


L’indépendance, reporté aux calendes grecques

Anticipant des propositions comme celle de QS d’interdire « l’utilisation du pétrole issu des sables bitumineux » mais aussi son transit sur le territoire du Québec, que ce soit par train, oléoduc, gazoduc, bateau oui transport routier », ils rappellent que « le transport du pétrole par train et par pipeline est de juridiction fédérale ».

Alexandre va sans doute nous dire que QS va, dans un premier mandat, tenir un référendum gagnant et que le Québec deviendra rapidement indépendant.

Mais la direction de QS semble beaucoup moins optimiste. Dans le chapitre sur le deuxième plan quinquennal (2020-2025), il est écrit que les revenus d’Hydro-Québec seront en hausse, mais « bien sûr, il faut ajuster ce montant aux réductions conséquentes de péréquation, tant que le Québec n’est pas pleinement indépendant. »

Donc, au milieu d’un deuxième mandat de QS, le Québec ne serait pas encore indépendant!

Avec son « Plan de sortie de pétrole », Québec solidaire discrédite une bonne idée. Pour la tuer, il ne reste qu’à voter QS et faire élire les libéraux, le parti des Desmarais, de Total et des sables bitumineux.


La réplique d'Alexandre Leduc :

L’érosion de ce qui reste de notre tissu industriel  >>
par Alexandre Leduc