Les États-Unis ont installé un gouvernement néonazi en Ukraine

2014/03/26 | Par Michel Chossudovsky

Selon le New York Times, « Les États-Unis et l’Union européenne considèrent la révolution ukrainienne comme un autre essor de la démocratie, une avancée contre l’autoritarisme et la cleptocratie dans l’ancien espace soviétique ». (After Initial Triumph, Ukraine’s Leaders Face Battle for Credibility, NYTimes.com, 1er mars 2014. C’est l’auteur qui souligne.)

« Essor de la démocratie »? « Révolution »? La dure réalité est tout autre. Il s’agit d’un coup d’État appuyé par les États-Unis, l’Union européenne et l’OTAN en violation flagrante du droit international.

La vérité est que l’Occident, grâce à une opération clandestine soigneusement mise en scène, a conçu un régime par procuration intégré par des néonazis.

Les principales organisations en Ukraine, y compris le parti néonazi Svoboda, ont été généreusement soutenues par Washington, ce qu’a confirmé la secrétaire d’État adjoint, Mme Victoria Nuland : « Nous avons investi plus de 5 milliards de dollars pour aider l’Ukraine à atteindre, entre autres, ces objectifs [...] Nous allons continuer à faire avancer l’Ukraine vers l’avenir qu’elle mérite. »

Les médias occidentaux ont tout simplement évité d’analyser la composition et les fondements idéologiques de la coalition gouvernementale. Le terme « néonazi » est tabou. Il a été exclu du vocabulaire des chroniqueurs des médias de masse. Il n’apparaîtra pas dans les pages du New York Times, du Washington Post ou de l’Independent. Les journalistes ont reçu comme consigne de ne pas utiliser le terme « néonazi » pour désigner les partis Svoboda (Liberté) et Pravy Sektor (Secteur de droite).

Il n’est pas question d’un gouvernement de transition au sein duquel des éléments néonazis ont intégrer la frange de la coalition, officiellement dirigée par le parti Batkivschina (la Patrie).

Le Cabinet comprend non seulement des membres des deux principales entités néonazies, Svoboda et Pravy Sektor (sans compter les anciens membres de la défunte organisation fasciste UNA-UNSO), mais ces derniers se sont vus attribuer des postes clés qui leur donnent de facto le contrôle sur les forces armées, la police, la justice et la sécurité nationale.

Bien que le parti Batkivschina de Yatsenuyk contrôle la majorité des portefeuilles et que le chef néonazi de Svoboda Oleh Tyahnybok n’ait pas obtenu de poste ministériel important (apparemment à la demande de la secrétaire d’État adjoint Victoria Nuland), les membres de Svoboda et de Pravy Sektor occupent des postes clés dans les domaines de la défense, de l’application de la loi, de l’éducation et des affaires économiques.

Andriy Parubiy, co-fondateur du Parti national-socialiste de l’Ukraine (parti néonazi rebaptisé Svoboda), a été nommé secrétaire de la Commission de la sécurité et de la défense nationale (RNBOU), un poste clé chargé de superviser le ministère de la Défense, les Forces armées, l’application de la loi, la Sécurité nationale et le renseignement.

Le RNBOU est l’organe de décision central. Bien qu’il soit formellement dirigé par le président, il est géré par le secrétariat avec un personnel de 180 membres, incluant la Défense, le Renseignement et des experts de la Sécurité nationale.

Parubiy a été l’un des principaux dirigeants de la révolution orange en 2004. Son organisation a été financée par l’Occident. Les médias occidentaux le surnomment le « kommandant » du mouvement EuroMaidan. Andriy Parubiy, tout conmme le chef du parti Oleh Tyahnybok, est un adepte du nazi ukrainien Stepan Bandera, qui a collaboré au massacre des juifs et des Polonais durant la Seconde Guerre mondiale.

Pour sa part, Dmytro Yarosh, chef de la délégation de Pravy Sektor au parlement, a été nommé secrétaire adjoint de Parubiy à la RNBOU.

Yarosh était le chef du groupe paramilitaire des chemises brunes néonazies durant les « manifestations » du mouvement EuroMaidan. Il a appelé à dissocier le parti des régions du parti communiste.

Le parti néonazi contrôle également le processus judiciaire avec la nomination d’Oleh Makhnitsky du parti Svoboda au poste de procureur général de l’Ukraine. Quelle sorte de justice prévaudra avec un néonazi renommé en charge du Bureau du Procureur de l’Ukraine?

Des postes au Cabinet ont également été attribués à d’anciens membres de l’Assemblée nationale ukrainienne – Autodéfense  nationale ukrainienne (UNA-UNSO), une organisation néonazie marginale.

Tetyana Chernovol, que la presse occidentale dépeint comme une journaliste d’enquête militante sans faire référence à son implication passée dans l’organisation antisémite UNA-UNSO, a été nommée présidente du comité gouvernemental anticorruption.

Dmytro Bulatov, connu pour son enlèvement présumé par la police, mais aussi pour ses liens avec UNA-UNSO, a été nommé ministre de la Jeunesse et des Sports.

Yegor Sobolev, chef d’un groupe de citoyens de la place de l’Indépendance et politiquement proche d’Iatseniouk, a été nommé président de la Commission d’épuration, chargée de purger du gouvernement et de la vie publique les adeptes du président Ianoukovitch.

Le Comité d’épuration organisera la chasse aux sorcières contre tous les adversaires du nouveau régime néonazi. Les cibles de la campagne de purge sont des personnes en position d’autorité au sein de la fonction publique, des gouvernements régionaux et municipaux, de l’éducation, de la recherche, etc.

Le terme « épuration » fait référence à la « disqualification massive » des personnes associées à l’ancien gouvernement. Il a également des connotations raciales. Selon toute probabilité, l’épuration sera dirigée contre les communistes, les Russes et les membres de la communauté juive.

Il est important de réfléchir sur le fait que l’Occident, officiellement dévoué aux valeurs démocratiques, a non seulement orchestré la chute d’un président élu, mais il a également instauré un régime politique qui comprend des néonazis.

C’est un gouvernement par procuration permettant aux États-Unis, à l’OTAN et à l’UE d’interférer dans les affaires intérieures de l’Ukraine et de démanteler ses relations bilatérales avec la Fédération de Russie.

Il faut cependant comprendre que ce ne sont pas les néonazis qui mènent le bal. La composition du Cabinet coïncide largement avec les « recommandations » qu’avait faites la secrétaire d’État adjoint des États-Unis, Victoria Nuland, à l’ambassadeur américain en Ukraine lors d’un appel ayant fait l’objet d’une fuite.

Washington a choisi de mettre les néonazis dans des positions d’autorité. En vertu d’un « régime de gouvernance indirecte », ces derniers prennent toutefois leurs ordres du département d’État étasunien, du Pentagone et de l’OTAN en ce qui concerne les décisions cruciales en matière de politique étrangère et militaire, dont le déploiement de troupes contre la Fédération de Russie.

Le monde est à un carrefour dangereux. Les structures et la composition de ce gouvernement par procuration installé par l’Occident ne favorisent pas le dialogue avec le gouvernement et l’armée russes.

Un scénario d’escalade militaire menant à la confrontation entre la Russie et l’OTAN est tout à fait possible. Le RNBOU, contrôlé par les néonazis, joue un rôle central dans les affaires militaires.

Dans la confrontation avec Moscou, le RNBOU, dirigé par le néonazi Parubiy et son adjoint chemise brune Dmytro Yarosh, pourrait prendre des décisions, en consultation avec Washington et Bruxelles, pouvant avoir des conséquences dévastatrices.

Bien sûr, on nous rassurera en nous disant que l’« appui » des États-Unis à la formation d’un gouvernement néonazi n’implique aucunement le développement de « tendances fascistes » au sein de la Maison Blanche, du département d’État et du Congrès.

« L’essor de la démocratie » en Ukraine, pour reprendre les termes du New York Times, est approuvé par les Républicains et les Démocrates. Il s’agit d’un projet bipartisan. Rappelons-nous que le sénateur John McCain est un fervent partisan et ami du chef néonazi de Svoboda, Oleh Tyahnybok.

Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca