La toute voilée ingérence de la SRC

2014/03/27 | Par Claude G. Charron


On connait la chanson. Au Canada, les institutions fédérales n’ont jamais voulu se sentir concernées par les lois issues d’un parlement du Québec établissant les règles du jeu démocratique sur son territoire. On l’a bien vu lors de la campagne référendaire de 1995, quand des millions de dollars ont été versés à Option-Canada, brisant ainsi le sain équilibre des dépenses entre les camps du oui et du non.

PKP a raison. Le référendum de 1995 nous a été volé. Il reste que, devant l’éventualité d’un gouvernement péquiste majoritaire et d’un troisième référendum, la tentation a été forte en ce dur hiver pour qu’encore une fois, Ottawa se mêle de nos affaires.

Mais Philippe Couillard a beau maintenant semer la folle peur des référendums, tous et chacun savons qu’en cette fin de mars, la fièvre référendaire s’est définitivement calmée. Ce qui ne veut pas dire qu’Ottawa n’a plus du tout le nez fourré dans ce qui se passe au Québec.

Il le fait avec grande subtilité, tentant de le faire sans en avoir l’air. En ce sens, il semble quelques fois avoir des alliés à la SRC. Est-ce pour cela que, par les temps qui courent, l’émission Médium large se permet quelques fois de faire de subtiles ingérences dans la campagne électorale en cour.


Casser les reins du PQ sans en avoir l’air, prise 1

Cette façon quelque peu voilée de garder les Québécois dans le giron canadien, l’émission de Catherine Perrin nous en a donné un avant-goût le matin du 3 mars quand l’animatrice en remplacement, Johanne Prince, a invité Paul Cargnello et Barbara Shrier à réagir aux résultats d’un sondage CBC-EKOS démontrant que la moitié des non-francophones ont déjà songé à quitter le Québec.

Dans un texte paru sur Vigile.net le 13 mars et sur le site de l’aut’journal le 21, j’ai démontré comment Médium large s’est servi des résultats de ce sondage pour tenter d’influencer ses auditrices et auditeurs résidant dans des régions où, le 4 septembre 2012, le Parti québécois n’avait perdu que par une faible marge. Grande crainte quelque part à la CBC, ou à la SRC, c’est selon, de voir apparaître un gouvernement Marois majoritaire par le simple fait d’un délestage de la CAQ au profit du PQ dans de très sensibles circonscriptions.

Ce matin du 3 mars, c’est comme si on avait voulu, en leur parlant du sondage CBC-EKOS, fortement influencé les gens à l’écoute de l’émission dans la grande couronne de Montréal, l’opération consistant à les rendre les uns coupables les autres craintifs, c’est encore selon, face à un exode massif d’Anglos.

En définitive, il fallait pousser cet électorat à retourner sa veste en refusant dorénavant de voter pour un PQ  devenu xénophobe et raciste. Très beau travail réalisé par Cargnello et Shrier ainsi que par le « sénior » également invité à l’opération-décapitation : Peter White, président du Conseil de l’unité canadienne lors de la campagne référendaire de 1995.


Forcer d’avantage la note en prise 2

Le même procédé de déstabilisation du PQ a été repris le 18 mars, cette fois, avec une différence notable, le Québec était alors plongé en pleine campagne électorale.

Même procédé : présentation d’un second sondage, celui-ci commandé par Gesca à la firme CROP dont La Presse Plus devait en publier les résultats le 16, soit deux jours avant que l’on s’en farcisse à Médium large.

Quand 57 % de répondants, nous annonce l’animatrice, croient que la religion musulmane, principalement, est devenue un problème, en tant que société, il faut se poser des questions. D'où vient ce malaise? À quel moment est-il apparu? Que peut-on faire pour atténuer ou même faire disparaître cette vague d'intolérance? Belle entrée en la matière!

Et Perrin d’énumérer l’impressionnant pédigrée de chacune des quatre personnalités ayant été invitées à décortiquer « cette aversion des Québécois de souche envers les immigrants ».

Il s’agissait de Marie McAndrew, titulaire de la chaire du Canada sur l’éducation et les rapports ethnique à l’Université de Montréal, de Yara El-Ghadban, anthropologue d’origine maghrébine, d’Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec, et d’Hassan Serraji, journaliste au journal Métro.

Notons que ces quatre invités ont tous publiquement manifesté leur forte aversion envers la charte du PQ. Grave manquement à l’éthique ici de la part d’une Société Radio-Canada, qui fait la leçon aux autres se targuant de toujours respecter un certain équilibre entre les diverses manifestations partisanes durant les campagnes électorales.

Marie McAndrew ouvre les hostilités, pontifiant que la charte a fait reculer le Québec de quarante ans dans son acceptation des immigrants. Hassan Serraji renchéri : la charte a fait que les fans de Marine Le Pen pullulent au Québec. Rien que cela!

Et Marie McAndrew d’insister : « Nous avons besoin des immigrants pour renforcer notre économie ». Par contre, sans dire si 50 000 par année, c’est trop ou insuffisant. Coup manqué de la part de Catherine Perrin : elle n’a pas attrapé la balle au bond pour demander à son experte ce qu’elle pense du livre : Le remède imaginaire – Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec. (Boréal, 2011)


Aucun questionnement sur le taux migratoire acceptable

Il me semble que les auditeurs auraient apprécié savoir que les auteurs Daniel Dubreuil et Guillaume Marois ont convaincu beaucoup de gens à réviser leur façon de percevoir l’immigration, comprenant maintenant que « les difficultés d’intégration économique des immigrants avaient en soi le grand désavantage de sérieusement compromettre la possibilité que l’immigration ait une incidence favorable sur les finances publiques» (Le Remède imaginaire)

Au Québec, ces difficultés d’adaptation sont d’autant plus grandes du fait même que les immigrants viennent en grand nombre du Maghreb. Choisis parce que la plupart se débrouillant très bien en français, ils sont ensuite confrontés à l’exigence de parler anglais pour pouvoir gagner honorablement sa vie à Montréal. Une situation qui pousse plusieurs à se réfugier dans un communautarisme malsain.

Malsain et dangereux comme Josée Boileau l’a si bien formulé le 13 novembre dernier - un peu à mots couverts cependant,- quand dans un édito du Devoir, elle écrit : « [l]a langue n’est vraiment pas tout en matière d’intégration. Il faut aussi posséder les codes du pays, sa culture, ses repères ».

Malgré sa notoriété de spécialiste en intégration, McAndrew ne s’en est tenue qu’à des clichés dans ses interventions à ce Médium large du 18 mars. Niveau d’argumentation ne levant pas plus haut de la part des trois autres invités. L’anthropologue El-Ghadban va jusqu’à dire que la charte s’acharne sur la religion des autres tellement les Québécois craignent pour leur survie en tant que nation. Aucune invitation faite à l’immigrant pour qu’il tente lui-même de posséder les codes, la culture, les repères de la société d’accueil.

La dite « société d’accueil », c’est elle qui mange tous les coups par les temps qui courent. En tout cas, à Médium large en ce 18 mars, on semble la rendre coupable de tous les maux. Le multiculturalisme à la sauce Trudeau venait d’être très bien servi.

S’il écoutait l’émission, Couillard a dû en frissonner de plaisir. Vous savez maintenant à quoi servent toutes ces chaires du Canada pullulant dans nos universités. Mais revenons à nos moutons. Plutôt aux leurs : celui de démontrer comment, via la charte, tout le Québec aurait basculé dans l’anti-islamisme.


Le coup de boutoir de la présidente de la FFQ

C’est en tant que présidente de la Fédération des femmes du Québec qu’Alexa Conradi nous a dit « que le sondage confirme les inquiétudes. Nous à la FFQ, on a tenté de contrer les préjugés. Malheureusement, le gouvernement péquiste tente avec sa charte de les conforter. » Conradi omet sciemment de dire qu’à a la FFQ, le débat sur la charte a dégénéré. Et provoqué un schisme.

Québécoise d’origine algérienne, Leila Lesbet a été une des premières à claquer la porte pour aller fonder le PDF (Pour le Droit des Femmes) avec de nombreuses autres militantes féministes. Musulmanes et non-musulmanes.

Quand elle vivait en Algérie, elle a un jour vu son nom affiché dans les mosquées. On y invitait les fidèles à l’assassiner. Je ne sais pas si Catherine Perrin l’a déjà interviewée, suite à sa nomination au Conseil du statut de la femme. C’est peut-être d’ailleurs à cause de cette nouvelle fonction qu’elle n’a pas osé l’inviter à commenter les résultats du sondage sur le niveau d’anti-islamisme des Québécois


Le refus d’inviter des pro-charte à discourir

Bien d’autres personnalités de foi musulmane, tout en étant en faveur de la charte, auraient alors pu être invitées pour confronter leur façon de voir avec les McAndrew, El-Ghadban, Conradi et Serraji. Pourquoi ne pas avoir tenté de les dénicher ?

Il aurait été surtout intéressant de voir Guy Rocher débattre avec Marie McAndrew. Cet éminent sociologue a pourtant toute une réputation derrière la cravate. En 1977, n’était-il pas au côté du docteur Laurin dans l’élaboration de la loi 101 ? Tout le monde aujourd’hui, sauf d’irréductibles Anglos, reconnait les bienfaits bénéfiques qu’a eu cette autre charte quant à l’intégration harmonieuse des Néo-Québécois à la société d’accueil.

Au journaliste Hassan Serraji qui prétend que le fondamentalisme musulman n’existe pas au Québec, l’émission aurait gagné en punch à voir les idées de ce journaliste se confronter avec celles de Louise Mailloux. Il faut savoir comment cette prof de philo a volé la vedette à la commission parlementaire sur l’étude du projet de loi 60.

Elle a littéralement éberlué les commissaires en présentant une vidéo, laquelle nous fait voir une sorte de rituel se déroulant dans une mosquée montréalaise. On y aperçoit plus d’une douzaine de fillettes âgées d’à peine huit ans, la tête déjà recouverte d’un hidjab. Chacune, à son tour, jure qu’elle portera le voile sa vie durant. « Parce que c’est Allah qui me le demande. »

En ce 18 mars, Christiane Perrin a peut-être été placée dans une impossibilité d’inviter Louise Mailloux, tenant compte que Pauline Marois venait de la désigner comme candidate contre Françoise David dans Gouin. Dommage. Mais voilà que libéraux et solidaires lui tombent dessus. La raison ? Elle a quelque part déjà écrit qu’elle considère comme viols de la liberté de conscience l’administration du baptême et de la circoncision à des enfants en bas âge.

Louise Mailloux au pilori pour avoir critiquer certaines pratiques religieuses considérées comme moyenâgeuses par bien des gens. PKP au pilori parce qu’il risque de trop influencer l’opinion publique même si ses actions à Quebecor sont placées en fiducie. La bataille est féroce.

Mais, bon sens, personne ne dit mot sur le fait qu’en pleine campagne électorale, une émission de radio de la SRC, ayant une cote d’écoute honorable, se permette de commenter de façon biaisée les résultats de deux sondages respectivement commandités par la CBC et La Presse, des sondages qui, pourtant, semblent davantage orientés afin de nuire au PQ plutôt que d’informer les clientèles respectives de la CBC et de La Presse.


Qui a manigancé ces deux fragrants cas d’ingérence ?

Jour après jour, j’apprécie trop le merveilleux travail de Catherine Perrin en tant qu’animatrice pour oser, ne serait-ce qu’un instant, penser que ce soit elle qui ait tout fomenté : sondages-bidons et entrevues anti-péquistes.

Mon regard se tourne plutôt vers les commanditaires des deux opérations-décapitations : la CBC et La Presse. Mais pourquoi ne pas cibler encore plus haut?

Je ne connais que trop la chanson. En début d’année, on avait la trouille dans certaines importantes officines d’Ottawa. Plus encore dans les salons feutrés du Conseil privé de la reine. On craignait comme la peste que, grâce à sa charte, le PQ puisse enfin former un gouvernement majoritaire.

Il fallait donc faire quelque chose. Et vite, mais sans trop ameuter le bon peuple. Il fallait donc marcher à pas feutrés. Quoi de mieux que de faire deux sondages l’un posant une question sur l’exode des non-francophones, l’autre sur une hausse de l’intolérance antimusulmane depuis l’arrivée de la charte?

Mais faut-il encore que l’on en parle quelque peu dans les chaumières, se sont dit ensuite nos grands décideurs, mais pas trop, si on ne veut point réveiller le chat qui dort. Quoi de mieux que ce soit une discrète émission de radio matinale plutôt que la grande télé qui en discoure. Le regard de nos décideurs s’est donc alors tourné vers Catherine Perrin et son Médium large.

Si les choses se sont réellement ainsi passées, il est clair que, depuis le début de l’année, tant notre animatrice chérie que toute son équipe ont littéralement marché sur des œufs. Cela prouve également que n’est pas fini le temps du «Finies les folies».