Référendum au PQ : la mauvaise stratégie du chèque en blanc

2014/04/01 | Par Alexandre Leduc

NDLR. – Nous poursuivons le débat Leduc-Dubuc. Nous publions aujourd’hui le texte d’Alexandre Leduc, candidat QS dans Hochelaga-Maisonneuve et conseiller syndical à l’AFPC (FTQ). Jeudi, nous publierons la réplique de Pierre Dubuc. Elle sera suivie de la contre-réplique d’Alexandre Leduc, vendredi matin.

Si le PQ et QS partagent l’objectif de faire du Québec un pays, ils ne partagent pas le même chemin pou s’y rendre. Si le PQ propose de réutiliser la même recette qui a échoué lors des deux tentatives précédentes, QS propose une méthode originale : l’assemblée constituante.

Encore aujourd'hui, il semble que le PQ n'a jamais fait de bilan sérieux des deux échecs référendaires. De son côté, Québec solidaire a fait cette réflexion. Lors de la fondation du parti en 2006, nous nous sommes posé la question suivante : quel est le problème avec le mode d'accession à l'indépendance qu'est le référendum, proposé par le Parti québécois depuis sa création?

En soi il n'y en pas vraiment. C'est ce qui précède le référendum qui pose problème. La campagne référendaire de 35 jours est de la même longueur et la même forme qu'une campagne électorale normale. Toutefois, l’enjeu est sensiblement plus important, il s'agit ni plus ni moins de décider de l'avenir d'un peuple. Il s'agit d'une décision ultime sans précédent dans l’histoire d’une nation en gestation.

Devant cette grande décision à prendre, un certain climat d’incertitude règne. Les forces fédéralistes en profitent. «On n’est pas capable, on n’a pas d’argent, on n’a pas d’économie assez forte, etc». Les principaux arguments en faveur du non reposent donc essentiellement sur la peur. Pour y faire face, nous avons besoin de temps, nous avons besoin de réflexion, nous avons besoin d'impliquer toute la population dans ce processus.

Il y aussi toutes les questions subsidiaires. Est-ce qu'on inclut une proposition de partenariat avec le Canada ? Quel genre de partenariat et sous quelles conditions? Est-ce que cela inclurait une entente économique, une entente sur la monnaie, sur l'armée par exemple? Est-ce qu'on veut au contraire une séparation claire dès le départ, « chirurgicale » comme disait Parizeau en 95?

Justement, c'est lui qui a tranché la dernière fois. Il n'y a pas eu de véritables consultations, pas de consultations décisionnelles en tout cas. Les Québécois et les Québécoises doivent être souverains en cette matière, si nous voulons véritablement devenir que le Québec soit indépendant.


Un projet de pays sans projet

Pour accepter d'être indépendant, il est normal de connaître d’avance, ne serait-ce qu’un peu, le projet de société auquel on nous demande d’acquiescer. Pour le PQ, tous ces débats de fond ont été relégués à un « après-référendum », qui n'est jamais arrivé.

La proposition d'assemblée constituante de Québec Solidaire, et c’est là toute l’originalité de la démarche, propose de définir le projet de société d'abord, pour ensuite tenir un référendum. Cette assemblée sera constituée de délégués élus au suffrage universel, composé d’un nombre égal de femmes et d’hommes, et représentative des tendances, des différents milieux socio-économiques et de la diversité culturelle de la société québécoise.

L'assemblée mènera un vaste processus de démocratie participative qui permettra aux citoyens et citoyennes du Québec d'écrire un projet constitution. C’est ce projet de constitution qui sera soumis aux voix.

En comparaison, le mode par référendum du PQ ne peut avoir l'air que d'un projet plutôt flou, élitiste et centralisé, qui nécessite bien sûr un entérinement presque symbolique de la population.

Rien d'étonnant que bien des gens ne se soient pas sentis impliqués dans ce projet, et aient décidé de voter non par prudence. Bien des militants et militantes du milieu syndical et du milieu étudiant savent qu'une démocratie participative est possible, et qu'elle ne peut apporter que du mieux à un projet aussi mobilisant que l'indépendance.


«Québec solidaire, c'est l'indépendance seulement si c'est à gauche!»

Faux. L'assemblée constituante décidera des valeurs, des droits et principes sur lesquels doit reposer la vie commune au Québec. L'important est de récolter le projet le plus consensuel possible pour un nouveau pays. Québec solidaire respectera le choix de l'assemblée.

Dubuc parlait de coalition pour la souveraineté dans un débat antérieur, en disant plus ou moins que l'accession à la souveraineté nécessitait une coalition de toutes les tendances politiques, de gauche et de droite.

Nous sommes d'accord avec cela, mais cette diversité politique s'exprimera à travers l'assemblée constituante, et non pas à l'intérieur d'un parti qui clignote à gauche pendant les élections, mais gouverne à droite une fois au pouvoir. Une constitution doit être large et consensuelle. Un gouvernement, lui, doit gouverner efficacement avec des orientations politiques claires.


Un Québec pluriel

Une autre conclusion du bilan des deux derniers référendums pour Québec Solidaire est l'incapacité de rallier dans les marges plusieurs catégories de population qui votent moins « nationalistes » normalement : les anglophones, les allophones, les autochtones, la communauté LGBT, etc. Une assemblée constituante qui se déroulera sur 18 mois permettra de mener de l'avant un projet pédagogique sur la souveraineté pour rallier le plus grand nombre de gens possible.

Pour l'instant, le PQ a mis le projet sur la glace. Mais comment peut-il considérer un instant pouvoir faire renaître la ferveur indépendantiste sans en parler, sans vendre l'idée d'aucune façon. Cela va bientôt faire 20 ans depuis le référendum de 1995, il est temps de faire renaître la flamme.


Faire la pédagogie de l’indépendance

Finalement, là où le PQ échoue le plus, c’est sur son abandon de la pédagogie de l’indépendance. Pourquoi faire un pays? À quoi ça sert? Comment on fait ça? Le parti de René Lévesque ne répond plus à ces questions.

Il était presque surréaliste de voir Françoise David mettre Pauline Marois sous pression lors du débat des chefs à ce sujet. Alors que certains militants péquistes nous cassent les oreilles à longueur d’année avec les soi-disant hésitations de QS sur la question nationale, il était fort étonnant de voir leur chef se démener comme diable dans l’eau bénite pour convaincre les millions d’auditeurs qu’il n’y aurait pas de référendum avec un PQ majoritaire. C’est Françoise qui avait raison, quand on a des convictions, on ne les cache pas, on les exhibe avec fierté.

Je suis indépendantiste.


Tous les textes du débat sur l'accession à la souvenraineté :

La stratégie de QS : l’assemblée constituante >>
par Alexandre Leduc










L’indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement l’indépendance >>
Par Pierre Dubuc










Comment des souverainistes convaincus peuvent-ils continuer à appuyer un parti avec une position aussi floue sur l'indépendance? >>
par Alexandre Leduc