Régimes de retraite des municipalités : des syndicats expriment leurs craintes

2014/04/10 | Par Maude Messier

Au lendemain de son élection, le premier ministre désigné, Philippe Couillard, a réitéré certains de ses engagements, dont celui d’introduire en priorité un projet de loi sur les régimes de retraite du secteur municipal.

« Nous ne sommes pas rassurés par la venue d’un gouvernement libéral majoritaire, c’est évident », d’indiquer Marc Ranger, directeur adjoint du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-Québec) et responsable du secteur municipal, ajoutant qu’il craint que le projet de loi qui sera déposé par les libéraux soit « plus collé » sur le rapport d’Amours.

En janvier dernier, lors du forum sur la restructuration des régimes de retraite du secteur municipal, syndicats et municipalités sont arrivés à un consensus à l’effet que le partage des déficits passés pourrait faire l’objet de négociations, mais qu’il ne devait pas être imposé. Marc Ranger rappelle que le gouvernement du Parti Québécois a toujours indiqué qu’il n’entendait pas à ce que les rentes des retraités puissent être touchées.

En février, le gouvernement péquiste déposait le projet de loi 79, lequel impose à tous les régimes à prestations déterminées du secteur le partage des coûts courants dans une proportion 50-50 entre les employés et les municipalités dans un délai de cinq ans. Il s’agit d’un « one shot deal » permettant la négociation entre les parties en vue de la restructuration des régimes dont la solvabilité est en deçà de 85%.

Au terme d’un délai de six mois de négociation, un conciliateur aurait été assigné au dossier. Sans entente, six mois plus tard, la Commission des relations du travail, avec l’aide de spécialistes du secteur municipal et de la Régie des rentes du Québec, aurait eu la tâche de trancher.

Le projet de loi 79 était loin de faire l’unanimité en milieu syndical, spécialement chez les pompiers et policiers. Au SCFP, on s’indigne aussi du fait que la politisation du dossier des régimes de retraite amène beaucoup de désinformation.

C’est pourquoi le 20 mars dernier, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-QC), la Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, la Fraternité des policiers et policières de Montréal, le Regroupement des associations de pompiers du Québec, ainsi que le Syndicat des pompiers et pompières du Québec – FTQ ont formé une coalition, dont M. Ranger est le porte-parole.

« La négociation, pas la confrontation », c’est le message envoyé par cette inhabituelle coalition, regroupant plus de 50 000 membres, qui demande aux maires de négocier de bonne foi avec leurs employés et de cesser de tenir des propos alarmistes.

« Nous avons senti le besoin de faire contrepoids au discours des maires, qui ont parfois vraiment raconté n’importe quoi, et de l’influence du nouveau tandem Coderre et Labeaume. Nous voulons mettre nos arguments sur la place publique et nous talonnerons les maires. »

Mais avec l’élection d’un gouvernement libéral majoritaire, beaucoup d’éléments se retrouvent au ballotage et l’incertitude est palpable.

« Pour nous, c’est comme repartir à zéro. Alors, ce qu’on dit, c’est qu’on ne veut pas du partage des coûts courants 50-50 mur à mur, pas de partage imposé des déficits passés. Philippe Couillard a déjà laissé entendre qu’il favorisait une période d’un an de négociation, au terme de laquelle un arbitre trancherait, avec des balises, comme la capacité de payer des contribuables. »

La Coalition maintient qu’il faut régler le dossier par la voie de la négociation puisque les régimes de retraite font partie de la rémunération globale. Des solutions sont à portée de main, soutient Marc Ranger, et il est faux de croire que les syndicats refusent de négocier.

« Le message qu’on veut envoyer, c’est qu’on s’en occupe de nos régimes de retraite. D’ailleurs, on incite nos syndicats présentement en négociation à tenter de trouver un règlement avant le dépôt d’une loi. Plus on aura de règlements, moins l’imposition d’une loi mur à mur fera de sens. Là où les municipalités donnent une vraie chance à la négociation, nous arrivons à des ententes qui sont tout à fait respectueuses des contribuables. Malheureusement, plusieurs municipalités refusent de négocier, laissent pourrir la situation en attendant la loi. »

Et si le gouvernement libéral impose finalement une loi « bulldozer » qui rendrait fondées les craintes des syndicats?

« On a un plan d’action et de mobilisation à court terme parce qu’on sait que le dépôt d’une loi pourrait se faire rapidement, avant l’ajournement pour l’été probablement. On évalue aussi les recours légaux et les contestations juridiques. On a des actions régionales de prévues et d’autres annonces qu’on fera mardi prochain. »

Le 15 avril, la Coalition réunira l’ensemble des directions syndicales des organisations membres. Environ 1 200 représentants syndicaux sont attendus au Palais des Congrès de Montréal pour une journée d’étude au cours de laquelle le plan d’action de la Coalition sera dévoilé.

Marc Ranger ajoute que la Coalition sera aussi très active en commission parlementaire suivant le dépôt du projet de loi. « On sera très visibles!»