Coupures de postes à Montréal : un retour au privé?

2014/04/18 | Par Maude Messier

Le 3 avril dernier, le Comité exécutif de la ville de Montréal et le maire Denis Coderre annonçaient l’adoption d’un plan quinquennal de la main-d’œuvre pour la période 2014-2018.

Déplorant que la masse salariale ait augmenté de 9,35 % depuis la fusion en 2002 et que le nombre d’employés ait bondi de 12 %, la Ville compte procéder à l’abolition de 2 200 postes nets pour revenir à des effectifs comparables à 2002. Une économie chiffrée à 240 millions $ par année.

L’administration Coderre indique vouloir « reprendre le contrôle de la masse salariale » pour « investir massivement dans les infrastructures ». Le Programme quinquennal de la main-d’œuvre s’accompagne du Programme montréalais d’immobilisations 2015-2024 qui fera passer les investissements de 1,3 G $ à 2,1 G $ annuellement.

Les coupures s’effectueront dans le respect des conventions collectives, a précisé Denis Coderre, principalement par des départs à la retraite et par attrition.

Des données ont été dévoilées en conférence de presse concernant les départs à la retraite et les départs volontaires pour autres motifs anticipés par la Ville pour les cols blancs, les cols bleus et les cadres.

Mais ultimement, ce sont les arrondissements qui auront la responsabilité du couperet pour une bonne part des coupures. Ils doivent d’ailleurs déposer un plan quinquennal au plus tard le 1er juin 2014 en conformité avec les orientations de la Ville.

Au Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP-429), on soutient avoir été avisé que les coupures annoncées pourraient représenter environ 850 cols blancs sur cinq ans.

Du côté du Syndicat des cols bleus regroupés de la Ville de Montréal (SCFP-301), Michel Parent indique que les conventions collectives ont une clause de plancher d’emplois pour les postes permanents.

Le chef de l’Opposition officielle, Richard Bergeron, a fortement réagi à cette annonce « biaisée et improvisée » qui constitue, à son avis, un empiètement sur l’autonomie des arrondissements.

Du côté des cols bleus et des cols blancs, les dirigeants syndicaux ont une réaction modérée, estimant qu’une part de cette annonce relève d’une opération de relations publiques.

« C’est assez typique d’une nouvelle administration. Il faut être prudent, mais on attend au 1er juin pour voir comment les arrondissements vont articuler ça. Je ne suis pas convaincu que de telles coupures soient réellement faisables, ils n’ont pas toute l’équation. C’est, dans tous les cas, une belle annonce politique », d’indiquer Alain Fugère, président du SFMM.

Même son de cloche du côté des cols bleus, Michel Parent y voyant surtout une démonstration pour « serrer la vis aux finances des arrondissements ».

Chose certaine, pour Alain Fugère, « il y a une limite à faire plus avec moins ». Il indique qu’en ce qui concerne les cols blancs, des coupures dans les postes liés aux services directs, comme Accès Montréal par exemple, se traduiront nécessairement par une diminution des services aux citoyens.

« Ensuite, les gens pensent qu’on ne fait rien, qu’on n’est pas efficaces. La réalité, c’est plutôt qu’à force de couper le personnel, on ne peut pas maintenir la qualité des services. »

Il ajoute qu’il y aurait certainement lieu de couper ailleurs, parce que si le nombre d’employés et la masse salariale a augmenté depuis la fusion, c’est surtout en raison de l’augmentation du nombre de cadres. 1 cadre pour 13 employés en moyenne, selon lui, au sein des différents appareils administratifs de la Ville et des arrondissements.

Alain Fugère et Michel Parent font tous deux valoir que ces coupures, jumelées à une hausse des investissements dans les infrastructures et l’augmentation du nombre de chantiers, comportent des risques inquiétants d’un recours accru au secteur privé. Une opinion que partage d’ailleurs Richard Bergeron, qui déclarait que c’est précisément ce qui a conduit « à la crise extraordinaire dont nous sortons à peine ».

« La sous-traitance, c’est une plaie. Ça conduit à une perte d’expertise publique, ça augmente la dépendance au secteur privé et ça coûte plus cher », déplore Alain Fugère.

Michel Parent souligne que certains cols bleus auxiliaires pourraient être touchés par les coupures dans les arrondissements, là où des projets pilotes intéressants sont pourtant en cours.

Il prend pour exemple Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, où la réfection des trottoirs a été confiée aux cols bleus.

« Il y a eut de nouvelles embauches et de la formation. La mairesse Anie Samson a elle-même déclaré aux médias que c’était une réussite et que ça coûtait moins cher aux citoyens. Vont-ils couper ces cols bleus auxiliaires pour ensuite confier la réfection au privé, comme avant, alors que ça coûtait plus cher? Je pense que des frictions sont à prévoir avec les arrondissements. »

Des projets visant à ramener des travaux publics à l’interne et à limiter le recours au secteur privé pour les services aux citoyens sont aussi en cours dans Rosemont-Petite-Patrie et le Plateau-Mont-Royal notamment.

Michel Parent rappelle qu’il y a un peu plus de trente ans, on comptait 12 000 cols bleus sur l’ancien territoire de Montréal, soit dans les 9 arrondissements d’origine. Aujourd’hui, il n’y en a plus que 4 500 pour l’ensemble des 19 arrondissements.

« On ne peut pas couper des postes par attrition d’un côté et se retourner de bord et hausser l’âge de départ à la retraite des employés. »