PQ : le danger de la précipitation

2014/04/24 | Par Pierre Dubuc

Dans sa chronique parue dans le Journal de Montréal du 23 avril, intitulée « Le mythe des souverainistes de droite », le chroniqueur Richard Martineau reconnait que « le projet souverainiste est essentiellement un projet de gauche ».

« Chaque fois que le PQ a pris un virage un peu plus ‘‘à droite’’ (avec André Boisclair, qui était perçu comme ‘‘pro-business’’, et Pauline Marois, qui a effectué un virage à droite après avoir flirté avec les étudiants et les écolos), les gens l’ont déserté », soulignait-il.

Une fois n’est pas coutume, mais Richard Martineau corrobore l’analyse mise de l’avant par le SPQ Libre depuis sa création. Quand le Parti Québécois cherche à conquérir l’électorat progressiste avec un programme de gauche, le taux de participation est plus élevé et le Parti Québécois remporte l’élection. À l’inverse, l’électorat progressiste boude le Parti Québécois lorsqu’il propose un programme plus à droite.

Ce constat se vérifie depuis la création du Parti Québécois et la dernière élection l’a confirmé une nouvelle fois. Le taux de participation a été de 71,43% contre 74,60% en 2012.

Les électeurs libéraux se sont mobilisés, engrangeant 400 000 votes de plus qu’en 2102, alors qu’ils avaient boudé les urnes pour marquer leur insatisfaction à l’égard du gouvernement de Jean Charest.

Par contre, le Parti Québécois a perdu 325 000 votes. Quelques électeurs péquistes ont enregistré un vote de protestation en donnant leurs voix à Québec Solidaire, mais l’immense majorité des mécontents ont évité, le 7 avril dernier, la fréquentation des bureaux de votation.

Mais la direction actuelle du Parti Québécois ne partage pas cette analyse. Au lendemain de l’élection de 2012, elle n’attribuait pas sa victoire à l’appui du parti à la cause étudiante. Au contraire, elle a plutôt tiré la conclusion que le Parti Québécois aurait formé un gouvernement majoritaire s’il s’était tenu loin des carrés rouges.

Une analyse semblable est aujourd’hui mise de l’avant par des « stratèges » péquistes et le chef intérimaire Stéphane Bédard. Dans La Presse du 23 avril, il déclare que l’objectif pour le Parti Québécois est de se débarrasser de la promesse de la tenue d’un référendum, et de proposer à la population « un bon gouvernement » et de « de faire avancer le Québec ».


Un scénario possible

Le Parti Québécois pourrait relever le défi du renouvellement de l’argumentaire de la souveraineté avec la production d’études et d’analyses et se rapprocher à nouveau de l’électorat progressiste.

Mais une autre voie est aussi possible. Imaginons l’élection de PKP à la direction du Parti Québécois, ce qui aurait pour effet de larguer la gauche du parti. Pour rallier les indépendantistes, PKP va multiplier les professions de foi souverainistes pendant la course à la chefferie, confirmant une nouvelle fois le dicton selon lequel « les vocations tardives sont les plus ardentes ».

Mais une fois bien installé à la tête du parti, devant des sondages décevants – ne jamais oublier qu’une des 36 cordes sensibles des Québécois identifiées par Jacques Bouchard est l’antimercantilisme (la 19e), comme le rappelle Carole Beaulieu dans L’Actualité – la foi souverainiste de PKP pourrait subitement devenir moins « ardente ».

Il pourrait trouver des vertus au discours de François Legault : « Nous sommes trop pauvres pour devenir indépendants. Faisons le ménage dans les finances publiques. Créons de la richesse. Et, dans dix ou vingt ans, nous pourrons aspirer à l’indépendance ».

Nous nous rappellerons alors que la CAQ est, à l’origine, une création de l’empire Québecor. C’est, en effet, à coups de pages frontispices du Journal de Montréal et du Journal de Québec, glorifiant Legault, et des sondages Léger Marketing, qui le propulsaient premier ministre du Québec avant même qu’il crée son parti, que Legault a fait son entrée en piste.

Nous nous souviendrons aussi que ce sont les médias du même empire Québecor qui, année après année, nous assomment avec leurs « reportages » sur le « Québec dans le rouge ».

Avec l’abandon du référendum et un programme « pour faire avancer le Québec », il n’y aurait alors plus aucun obstacle à une fusion de la CAQ et du PQ dans un grand parti nationaliste, un remake de l’Union nationale.

Un tel scénario réjouirait Stephen Harper, sans trop le surprendre, puisqu’il a bénéficié, lors de la dernière campagne électorale fédérale, de l’appui enthousiasme des médias de Sun News, le « Fox News » du Nord, la branche canadienne-anglaise de l’empire Québecor.

Quant aux véritables indépendantistes, il ne leur resterait plus qu’à recréer le RIN.

Ce scénario est-il plausible? Oui. Est-il inévitable? Non. Comment l’éviter? D’abord, en refusant toute précipitation dans le déclenchement d’une course à la chefferie.


Se donner du temps

Le Parti Québécois et l’ensemble du mouvement souverainiste doivent procéder à une véritable analyse des résultats de la dernière élection, mais également de toute la période historique depuis le référendum de 1995.

L’analyse doit aller au-delà des stratégies et des tactiques, à savoir s’il faut abandonner le référendum, le repousser à un deuxième mandat, se contenter de vouloir « faire avancer le Québec » ou encore ne conserver la souveraineté que comme « un idéal à maintenir ».

Ce serait également une erreur que de voir la solution dans l’élaboration d’une constitution interne au Québec ou encore de se fixer comme objectif « la sauvegarde et l’épanouissement de l’identité québécoise » comme nous y invite un ancien ministre qui était sur la liste de paye des services secrets canadiens.

Il serait également erroné de concentrer ses énergies sur « l’unité » des forces souverainistes. Avant de savoir « avec qui aller », il faut déterminer « où aller »!

Ces questions d’unité et de stratégie seront un jour importantes. Mais, aujourd’hui, un travail beaucoup plus essentiel nous incombe. Procéder à une analyse détaillée, aux plans économique, politique, linguistique, culturel, environnemental, constitutionnel, de la place du Québec dans le Canada et dans le monde, dans le contexte de la mondialisation.

Un préalable avant d’élaborer une stratégie.

Il faut donc se donner du temps.