Cliniques de proximité et petites maisons pour les personnes âgées : la FIQ va de l’avant

2014/05/05 | Par Maude Messier

« Comme professionnelles de la santé, on peut changer les choses. On en a même l’obligation », d’indiquer la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Régine Laurent, inspirée par l’allocution de Mme Angela Davis, célèbre militante américaine, à l’occasion du congrès de la Fédération qui s’est tenu du 7 au 11 avril dernier.

« Je suis très fière de ce congrès, du niveau des débats et des réflexions des déléguées et des propositions qui en découlent. Nous avons reçu le mandat très clair de foncer et c’est ce que nous ferons », souligne Régine Laurent, en entretien avec l’aut’journal.

Le congrès de la FIQ a aussi reçu la visite de l’auteur français Alexandre Jardin, instigateur du mouvement Bleu blanc zèbre, qui prône l’action et la prise en charge des citoyens, des zèbres « qui ne sont pas des diseux mais des faiseurs! ».

« Il nous a nommées les zébrettes en chef du Québec!, raconte Mme Laurent. C’est exactement dans cet esprit que nous entamons les trois prochaines années. » Régine Laurent a été réélue pour un troisième mandat par les quelque 900 déléguées du congrès.

La FIQ entend donc aller de l’avant avec ses projets. D’abord, la mise en place, en collaboration avec le secteur de l’économie sociale, de cliniques infirmières de proximité, pour répondre aux petites urgences et faire le suivi des maladies chroniques.

Puis, la mise sur pied de petites maisons pour personnes âgées à échelle humaine, pour des personnes requérant un peu plus que des soins à domicile, où ils recevront tous les soins requis sans avoir à subir des déménagements et à être séparés de leur conjoint.

« Nous avons reçu le mandat d’agir rapidement dans ce dossier et c’est ce que nous ferons. Nous sommes bousculées par les réactions qui ont suivi la publicisation de ces projets. Nos membres sont extrêmement enthousiastes et les communautés aussi. Nous avons beaucoup de demandes, des groupes et des organismes se sont manifestés. Nous ne pouvons plus attendre. Nous irons de l’avant », explique la dirigeante syndicale qui, de toute évidence, n’entend pas attendre l’aval de Québec pour faire avancer ce dossier.

La FIQ s’affère déjà à mettre en place une petite équipe permanente entièrement dédiée à la réalisation de ces deux projets.

« Nous allons resserrer l’échéancier des rencontres avec le Chantier de l’économie sociale et accélérer le rythme des rencontres avec les différents groupes pour faire les études de faisabilité et trouver un milieu type. Dès qu’on l’aura, on le fera, c’est clair! Ce qui est fantastique avec ces réactions et cet enthousiasme, c’est qu’une fois les projets en place, ce sont les communautés, et pas seulement nous, qui se mobiliseront pour faire bouger le dossier des ordonnances collectives pour améliorer les services et les soins dans ces cliniques de première ligne. »



Front commun, maraudage, négociations du secteur public

L’annonce de ces deux projets en janvier dernier en a fait sourciller plusieurs, avançant qu’il s’agissait de publicité en vue de la période de maraudage à venir cet été, tout juste avant l’ouverture des négociations du secteur public.

Rappelons que la FIQ ne fera pas partie du front commun intersyndical, formé de la CSN, de la FTQ et du SISP, et qu’elle ne souscrit donc pas au pacte de «non agression », co-signé par les membres de la coalition.

« Ceux qui disent ça ne sont pas de la FIQ et ne suivent pas l’évolution de nos réflexions et de nos travaux. Les balises pour ces nouveaux modèles et les bases de ces projets se retrouvent dans les documents du congrès de 2011. Cette annonce découle de l’obligation que nous avions d’arriver au congrès 2014 avec des propositions concrètes », de répliquer du tac au tac la présidente de la FIQ.

Sur la question du maraudage, des rumeurs ont aussi fait état d’une éventuelle fusion entre la FIQ et l’Alliance du personnel professionnel et technique du réseau de la santé et des services sociaux (APTS), rumeurs d’ailleurs démenties par l’APTS.

« Spécialement pour les cliniques de proximité, on ne pouvait pas réfléchir à leur mise en place seules, ça implique nécessairement des professionnels de la catégorie 4. Nous voulons travailler à créer cette force. Il n’a jamais été question de fusion, mais de rapprochement entre les deux organisations, tout en conservant nos instances, exécutifs, structures respectives, etc. Il s’agit de mettre des dossiers en commun qui ne touchent pas seulement le personnel de la catégorie 1, de mener des luttes ensemble et d’être proactifs. Ça se fait d’ailleurs, par exemple, dans le dossier de Proaction. »

Régine Laurent soutient avoir reçu des réactions positives quant aux deux projets de la part de l’APTS, mais qu’il n’y a pas lieu pour l’instant de bousculer les choses. Les discussions avec l’APTS reprendront à l’automne. L’APTS doit tenir son congrès en mai prochain.

La priorité va pour le moment aux consultations en vue des négociations du secteur public. Les différentes organisations syndicales, dont la FIQ, sont en processus consultatif auprès de leurs membres afin de préparer les revendications.

« Nous faisons des focus groupes dans toutes les régions, puis il y aura rencontres avec nos déléguées et ensuite, les assemblées partout au Québec jusqu’en juin. »

Pour Régine Laurent, la détresse et l’insécurité chez les professionnelles en soins sont trop importantes pour être ignorées.

« Chose certaine, il faudra changer radicalement l’organisation du travail et les conditions d’exercice. On verra comment cette priorité va se décliner en revendications. »

Quant à la venue du nouveau ministre de la Santé, Gaétan Barrette, une rencontre avec la FIQ doit avoir lieu d’ici deux semaines. Entretemps, Régine Laurent indique seulement qu’il y a « urgence d’agir et on s’attend à ce qu’il s’attaque aux vraies affaires. »

Vers une solidarité internationale chez les infirmières

L’autre résolution découlant du congrès est la mise en place d’une plateforme d’échange, Global Nurses United, qui réunira des organisations syndicales de 14 pays, dont les États-Unis, l’Angleterre, l’Australie, l’Irlande et le Costa Rica.

La plateforme web aura pour objectif la diffusion d’informations sur les luttes, les actions, les gains et les conflits des groupes membres relativement aux professionnelles en soins. Éventuellement, elle pourra servir d’outil de mobilisation et de solidarité syndicale à échelle internationale.

L’initiative découle des rencontres des leaders syndicaux dans le cadre de l’Internationale des services publics.

« On discutait de nos réalités, puis, on s’est dit que ce serait important de pouvoir échanger ces informations sur une base continue. Ce projet s’inscrit aussi dans cette perspective de reprendre le leadership comme professionnelles de la santé. »

Une rencontre portant sur les aspects administratifs de la mise sur pied de la plateforme doit avoir lieu en septembre prochain, dont le lancement est prévu à l’automne.