2 000 syndicalistes du CTC réunis à Montréal

2014/05/06 | Par Maude Messier

La première journée de discussions et de débats de la 27e assemblée générale du Congrès du travail du Canada était résolument marquée par l’urgence de défaire les conservateurs aux prochaines élections fédérales en octobre 2015. 

Politiques antisociales, antisyndicales et antidémocratiques, tentatives d’implanter des législations inspirées des «right to work laws» américaines, attaques frontales aux fonds de travailleurs, réforme impopulaire de l’assurance-emploi, projet de loi C-377 sur la divulgations des états financiers, C-525 sur la syndicalisation, sans compter que des milliers de travailleurs sont confrontés à des négociations difficiles partout au Canada sous la menaces de fermetures, de licenciements et de délocalisation, le bilan du gouvernement conservateur de Stephen Harper est lourd pour le mouvement syndical canadien.

Daniel Boyer, président de la FTQ, l’a même qualifié de «digne héritier de la grande noirceur» dans son allocution en ouverture de l’Assemblée.

« Nous devons prendre l’offensive, sur les fronts économiques et politiques ». Tout mettre en œuvre pour battre les conservateurs doit être un « objectif à assumer en permanence jusqu’au 19 octobre 2015, de tous les instants, pour le mouvement syndical », a-t-il exprimé, soulignant que l’ensemble des directions des syndicats affiliés à la FTQ s’y sont d’ailleurs engagées la semaine dernière lors d’un conseil consultatif.

« Au Québec, les progressistes sont souvent souverainistes. Même si je le suis, probablement que je contournerai cette règle. Nous devons voter stratégique, probablement NPD, peut-être libéral. Peu importe le parti, il faut défaire les conservateurs à Ottawa. On ne veut pas d’un autre mandat de Stephen Harper. »

Il a affirmé que les syndicats saisiront toutes les occasions possibles, dans l’espace public, dans les milieux de travail, entre collègues, entre amis, en famille pour parler de la menace que représente l’agenda conservateurs pour tous les Canadiens, travailleurs syndiqués ou non.

Le Forum des peuples qui doit se tenir en août prochain à Ottawa constituera une vitrine importante à cet effet. Il sera aussi l’occasion de tisser des liens entre les organisations syndicales, communautaires et autres groupes sociaux ayant des intérêts communs à défaire les conservateurs.

Daniel Boyer a indiqué que la FTQ effectuera une tournée des régions du Québec à l’automne prochain, en plus de mener unecampagne auprès des membres (http://unmondeplusjuste.org).

« On doit investir les milieux de travail et parler des enjeux de l’heure. Sans syndicats militants et actifs, il n’y a pas d’avenir. »

« Si nous n’avons pas à notre disposition les milliards de dollars dont jouissent les défenseurs du néolibéralisme et de la droite, nous avons par contre la force du nombre, l’énergie, l’intelligence, l’espoir et la sueur de bras capables de faire la différence. »

Emplois et salaires décents, assurance-maladie, milieux de travail plus sécuritaires, assurance-chômage, vacances payées, congés de maternité, etc. Les luttes syndicales ont, historiquement, eu des retombées pour l’ensemble des travailleurs. Aujourd’hui, ce n’est donc pas seulement les assises des organisations syndicales qui sont menacées par le vent de droite qui souffle d’un bout à l’autre du pays, porté par les visées conservatrices, mais bien l’ensemble de la vie sociale, démocratique et économique des Canadiens, a-t-il indiqué.

Environ 2 000 délégués sont donc réunis au Palais des congrès de Montréal jusqu’à vendredi sous le thème «Ensemble, pour un monde plus juste».

Le CTC représente 3,3 millions de travailleurs canadiens. Il réunit les syndicats nationaux et internationaux du Canada, les fédérations provinciales et territoriales du travail et 111 conseils du travail régionaux.

La présidente du Conseil régional FTQ Montréal métropolitain, Danielle Casara, s’est aussi adressée aux délégués, rappelant que Montréal, est un lieu de militantisme, berceau de plusieurs luttes pour la reconnaissance des droits du travail, du droit d’association et de grève et l’obtention du droit de vote des femmes, et plus récemment, celle des étudiants contre la hausse des droits de scolarité en 2012.

« Devant nous se dresse le gouvernement Harper, tel un pic démolisseur, qui s’en prend à tous les droits démocratiques, sociaux et culturelles avec un acharnement sans précédent sur les droits du travail. Nous sommes définitivement et collectivement sous attaque et nous devons réagir », ajoutant qu’à l’automne 2015, il importe de chasser les conservateurs pour « ouvrir la voie à de nouvelles avancées. Ensemble, nous irons vers un monde plus juste. »

Même le maire de Montréal, Denis Coderre, n’a pas manqué de signifier son indignation au gouvernement Harper dans le dossier de Postes Canada. Avec sur sa tête une casquette à l’effigie « Sauvons Postes Canada », il est monté sur scène pour s’adresser aux délégués : « Is that clear enough? »

Puis, plus tard, en français : « Je trouve totalement inacceptable la façon dont se conduit Postes Canada pour ses travailleurs et les citoyens », réclamant vivement l’intervention du gouvernement Harper.

« Ce n’est pas seulement une affaire syndicale, mais aussi de qualité de vie, de respect pour les régions, la ruralité, les villes, les citoyens, les personnes âgées, handicapées, les travailleurs. 6 000 pourraient perdre leur job. » Il a ajouté que le milieu municipal était derrière le Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes.

Après avoir adressé quelques mots aux délégués en anglais, Denis Coderre a profité de l’occasion pour rappeler, en français, qu’il est en faveur de la négociation dans le dossier des régimes de retraite.

« Je veux que ce soit clair : je suis pour la négociation. On doit avoir des ententes négociées », ajoutant du même souffle, qu’à son avis, une législation dans le dossier ne va pas nécessairementcontre le processus de négociation et que pour le moment, les canaux de négociation sont ouverts.

Le président du CTC, Ken Georgetti, s’est adressé aux délégués, insistant lui aussi sur l’importance de mettre k.-o. l’agenda conservateur qui cible les syndicats, les travailleurs des secteurs publics, les chômeurs, les Premières nations, les organisations sans but lucratif qui ne s’inscrivent pas dans sa ligne idéologique, les scientifiques et même la Cour suprême.

Le dirigeant syndical insiste sur le fait que le CTC a lancé lacampagne destinée aux membres et le plan stratégique le plus important de son histoire pour répliquer à ces attaques.

Il a rappelé que les véritables progrès nécessitent du leadership et une vision à long terme.

« Keep your eyes on the price », disait Martin Luther King. Et le prix, cette fois, c’est de défaire l’agenda conservateur à travers ce pays. »

Face à l’endettement des ménages, la précarisation des emplois, aux inégalités sociales, aux écarts économiques qui se creusent, à l’insécurité de la retraite, les délégués ont été saisis d’une déclaration politique « Une économie pour un avenir plus juste », en faveur d’un partage plus juste de la prospérité.

Au cours des prochains jours, ils débattront des résolutions portant notamment sur l’éducation, les compétences et la formation, le Programme des travailleurs étrangers temporaires, la santé, les garderies, et la sécurité des retraites.

L’autre élément qui retient l’attention de cette imposante assemblée générale, ce sont les élections à la présidence du CTC, prévues au programme pour jeudi. L’actuel président, Ken Georgetti, affrontera aux suffrages le secrétaire-trésorier, Hassan Yussuff. Un troisième candidat est aussi de la course, Hassan Husseini, de l’Alliance de la fonction publique du Canada.