À propos des modifications au Club des Ex à RDI

2014/05/30 | Par Martin Lachapelle

Un an après un ridicule et inutile changement coûteux de nom raté, la direction d’ICI-Radio-on-manque-d’argent-mais-jamais-de-mauvaises-idées, qui a récemment lancé une prétendue consultation publique… à choix de réponses prédéterminées, alors que la société d’État s’apprêterait en plus à mettre la hache dans son service des relations avec l’auditoire (francophone seulement, évidemment), vient encore d’annoncer d’autres changements douteux.

On parle cette fois d’une modification au panel pour Le Club des Ex, qui ne changera absolument rien au problème principal de cette émission et des autres du « même » genre : le déficit démocratique des émissions d’affaires publiques sur la politique.

En annonçant des changements à la composition de son trio actuel de panélistes pour Le Club des Ex à RDI, sans modifier la formule, la direction a raté une bonne occasion de recycler cette émission qui ne devait durer que le temps d’une seule campagne électorale.

Sept ans plus tard, l’émission est toujours à l’antenne, avec le même animateur à sa barre, Simon Durivage, mais comptera toutefois deux nouveaux visages pour la rentrée automnale : l’ex ministre libérale Yolande James, de même que l’ex chef bloquiste Gilles Duceppe. Le PQ n’est donc plus officiellement représenté.

L’arrivée de James et Duceppe signifie par conséquent les « départs » du remplaçant de Liza Frulla, l’ex ministre libéral et ex « diplomate » Christos Sirros, sans oublier celui du collaborateur de la première heure, l’ex ministre péquiste et ex président de l’Assemblée nationale, Jean-Pierre Charbonneau. Seule survivante du trio actuel (et initial) : l’ex adéquiste Marie Grégoire.

Selon un article de Stéphane Baillargeon intitulé « L’ex Marie Grégoire », publié dans le Devoir du 26 mai dernier, Jean-Pierre Charbonneau aurait été flushé parce qu’on le jugeait « trop intense », bien que ce dernier n’est actuellement pas plus ni moins intense qu’il était à son arrivée, en 2007. Un argument encore plus bidon quand on réalise que l’anti-intense Radio-Canada a pourtant réengagé, pour d’autres émissions, Liza « la tempête » Frulla. Hello?!

Autre perle de stupidité, l’ex ministre libéral, Christo Sirros, quant à lui, se serait fait indiquer la sortie pour la raison contraire, soit son manque d’intensité ! Parlons-nous du même Sirros ayant colporté des énormités délirantes et diffamatoires relevant du PQ bashing, lors du débat sur la charte ? Hérouxtivilisation, Lepénisation et même la Russie homophobe de Poutine, selon la vision du très tolérant Charles Taylor. Juste ça. Comme si ce n’était pas déjà trop fort de café. Une chance que Sirros a déjà été diplomate avec un grand D. On ne le voudrait pas plus intense.

Toujours est-il que si personne ne s’ennuiera de la mauvaise foi chronique de Christos Sirros qui, comme Liza Frulla, n’a jamais été capable de faire preuve d’une minimum de sens critique objectif contre son ancienne formation, le minimum serait de saluer la contribution de Jean-Pierre Charbonneau qui, lui, avait au moins le mérite d’être aussi journaliste et de ne pas se complaire dans la « partis-ânerie ». La propension des péquistes à l’autocritique aurait-elle du bon ?!

Charbonneau ne l’a pas eu facile durant ses 7 années, en ayant dû toujours se débattre en désavantage numérique contre les droitistes et les fédéralistes surreprésentés au Club des Ex. Sans parler de la présence d’un animateur partisan faisant souvent office de 3ème débatteur pour la droite et Team Canada, qui était aussi beaucoup moins tolérant à l’égard de l’ex péquiste que face à n’importe quel(le) autre panéliste. En plus de lui répondre sèchement et de remettre souvent en question ses prises de position.


Marie Grégoire : le triomphe de la tiédeur ?

Charbonneau et Sirros flushés parce que trop et pas suffisamment intenses, devons-nous présumer que Marie Grégoire le serait juste assez ? Autrement dit, si Charbonneau est trop chaud et Sirros trop froid, l’ex adéquiste Marie Grégoire serait-elle parfaitement tiède ?

L’air candide, jamais un mot plus haut que l’autre, tout en clichés politiquement corrects, toujours souriante, Marie Grégoire, qui a pourtant été députée du parti le plus ouvertement à droite sur l’échiquier, en 2002, aura paradoxalement réussi l’exploit de se forger une image de modérée par sa vision d’un néolibéralisme apparemment socialement responsable qui n’existe que dans sa tête et dans celle des illuminés.

On se croirait dans un épisode de Passe-Partout. Bonjour les poussinots, bonjour les poussinettes, aujourd’hui, Passe-Marie va vous parler de création de richesse avec les gaz de schiste, en faisant un beau gros bisou à la planète !

Chose certaine, ça semble payant d’être beige, fédéraliste et de droite. Après tout, on parle quand même d’une personne qui est à RDI depuis 7 ans et qui fut engagée pour commenter la politique en raison de son « expertise » en la matière, alors que sa carrière de politicienne en poste a duré… à peine 9 mois. Et le comble dans tout ça est que l’ex députée fut élue dans une partielle pour un parti d’opposition qui n’existe même plus : l’ADQ, bien que recyclé en CAQ.

Voilà donc une néolibérale sacrément veinarde qui devrait se garder une petite gêne avant de parler de gaspillage étatique et de mesures d’austérité. Car je saurais où commencer à couper, à RDI. Après tout, à quoi bon payer deux personnes différentes pour tenir le même discours, sur le fond ? Puisque la droite et les fédéralistes, au Club des Ex, pourront toujours compter sur la présence d’un ou une libéral(e) de service, à quoi bon payer en double pour une ex adéquiste ?

Le journaliste du Devoir, Stéphane Baillargeon, a d’ailleurs a soulevé quelques questions pertinentes suite au départ des 2 autres Ex. On pourrait d’ailleurs résumer la première ainsi : « Kessé que Marie Grégoire fait encore là ?! »

D’autant plus que, comme le souligne Baillargeon, Grégoire est aussi consultante pour de grandes compagnies privées qu’elle conseille dans leurs relations avec le gouvernement ou les médias, alors que sa job au Club des Ex lui permet de s’exprimer sur les ondes d’un diffuseur public concernant des enjeux de société importants touchant parfois ses clients. On appelle ça : un conflit d’intérêts.

Mais faut croire qu’ICI-Radio-Gesca-nada ne s’étouffera jamais avec son sens de l’éthique élastique, après avoir réengagé Liza Frulla qui, l’an dernier, s’était entêté à commenter, à l’antenne du Club des Ex, le passage de son mari André Morrow à la commission Charbonneau. Tout en ayant pu commenter pendant longtemps la politique municipale à Montréal, même si le chéri de Frulla était sous-contrat avec l’administration de son bon ami libéral, Gérald Tremblay.

En terminant, au sujet du problème du déficit démocratique des émissions d’affaires publiques sur la politique, à RDI, le système de représentativité non proportionnelle de notre archaïque mode de scrutin est déjà assez injuste. Inutile qu’un diffuseur public en théorie tenu à l’impartialité vienne reproduire et légitimer ainsi ses inégalités.

Voilà pourquoi je suggère que le Club des Ex se recycle et change de nom et surtout de formule, en n’accordant plus de place réservée à un nombre restreint de partis. Invitez des Ex ou des Futurs de n’importe quelle formation, par alternance, ou même de simples électeurs politisés, mais en autant qu’on retrouve toujours un nombre égal de panélistes selon les axes gauche / droite et souverainiste / fédéraliste.

Le même constat sur la nécessité de représenter également ces deux axes s’applique à la fois pour la Période de Questions, qui invite généralement un seul intervenant, et le Match des Élus.

Mentionnons que cette dernière émission, suite à la Layton-mania de 2011 ayant mené à la vague des poteaux néodémocrates surreprésentés (avec 59 comtés au Québec sur 75, soit environ 79 % des sièges pour 43 % du vote), a fait disparaître le Bloc québécois des ondes même si ce parti (qui n’a récolté approximativement que 5 % des sièges malgré sa 2ème place et plus de 23 % du vote) fut déjà suffisamment pénalisé en étant, et de loin, le parti le plus injustement sous-représenté.