Régimes de retraite : odeur de conflit chez ArcelorMittal à Contrecoeur

2014/06/03 | Par Maude Messier

Les négociations entre le géant mondial de l’acier, ArcelorMittal, et la section locale 6951 du Syndicat des Métallos, qui représente les 300 travailleurs de l’usine de Contrecoeur-Ouest, sont rompues depuis le 26 mai dernier et aucune rencontre entre les parties n’est prévue pour le moment.

Au cœur du litige : la volonté de l’employeur d’instaurer un régime de retraite à cotisations déterminées pour les nouveaux employés.

Le syndicat s’y oppose catégoriquement, affirmant qu’il est hors de question de « sacrifier les conditions de travail des plus jeunes, des futurs travailleurs », d’indiquer le président de la section locale Yves Rolland.

Joint par l’aut’journal, il affirme qu’une assemblée générale spéciale doit avoir lieu le 11 juin prochain pour informer les syndiqués de l’état des lieux de la négociation.

Même si la convention collective n’arrivera à échéance que le 31 juillet prochain, Yves Rolland laisse entendre qu’un mandat de grève pourrait être sollicité lors de cette assemblée, signe que le syndicat prépare son rapport de force pour la suite de la négociation. Jusqu’au terme de la convention collective, les parties n’ont ni le droit de grève ni de lock-out. La conciliation n’a pas été demandée pour le moment.

Si les clauses «orphelins» sont interdites au Québec depuis 2000, il existe un flou juridique dans la Loi sur les normes du travail entourant les disparités de traitement relativement aux assurances collectives et aux régimes de retraite complémentaires. Une situation vivement dénoncée par les syndicats et les groupes de jeunes, qui réclament des corrections législatives pour que de telles disparités soient dorénavant considérées comme illégales.

Les clauses de disparités de traitement préoccupent grandement les organisations syndicales, parce qu’elles créent deux classes de salariés effectuant pourtant le même travail et alimentent l’iniquité intergénérationnelle en milieux de travail.

Au cours des dernières années, particulièrement depuis la crise financière de 2008, les régimes de retraite à prestations déterminées sont régulièrement menacés lors des négociations collectives. Il est de plus fréquent que les employeurs réclament que le régime à prestations déterminées en place soit fermé aux nouveaux employés, qui se voient plutôt offrir un régime à cotisations déterminées, moins avantageux, mais qui a l’«avantage» de faire reposer le risque entièrement sur le salarié.

La gestion du risque, c’est précisément l’élément qui est en litige à Contrecoeur-Ouest, alors que cette négociation présente sérieusement tout le potentiel pouvant mener à un conflit travail.

Chez les Métallos, on voit dans cette négociation une attaque frontale au syndicat sur la question des régimes de retraite. L’enjeu est primordial, de par la nature des attaques et le groupe visé. C’est que la section locale 6951 a la réputation d’être militante et combative.

ArcelorMittal emploie quelque 3 500 travailleurs syndiqués au Québec, dont 1 300 dans la grande région métropolitaine au sein de sept usines. Un conflit de travail sur la question des régimes de retraite pourrait donc créer un précédent important, ce que veut à tout prix éviter le syndicat des Métallos.

Selon Yves Rolland, l’employeur a clairement énoncé sa volonté de se départir progressivement de la totalité des risques associés à la gestion des régimes à prestations déterminées. « Ils nous ont dit que ArcelorMittal ne veut plus de risque et qu’ils veulent des régimes à cotisations déterminées partout. »

Pourtant, selon le syndicat, le régime en place est capitalisé dans une proportion de 94% et solvable à 90%, sans compter que des surplus sont anticipés « dans un proche avenir ».

« Notre usine va très bien, elle roule à plein régime. On bat des records de productivité et selon leur benchmark, on est toujours dans les trois premiers, sinon les premiers, en termes de productivité en Amérique du Nord. La fixation sur le régime de retraite, c’est idéologique », de souligner Yves Rolland.

Il affirme que la partie syndicale a fait des propositions, qui ne peuvent être dévoilées indique-t-il, pour répondre aux demandes de l’employeur sur la question de la mobilité de la main-d’œuvre et de la réduction des frais d’exploitation. Mais le syndicat a la ferme intention de ne pas reculer sur la question du régime de retraite.

ArcelorMittal embauche aussi quelque 2 200 travailleurs syndiqués dans les mines de fer sur la Côte-Nord, également représentés par le Syndicat des Métallos. Les négociations s’y sont conclues il y a quelques mois. Chez les Métallos, on indique que des régimes à cotisations déterminées sont offerts sur une base volontaire aux nouveaux travailleurs, mais que ces derniers optent à forte majorité pour le régime à prestations déterminées.

« On ne comprends pas l’attitude de l’employeur à ce stade-ci, son intransigeance sur la question, compte tenu de la situation financière du régime et de celle de l’usine. En plus, on a proposé des solutions concrètes pour diminuer le fardeau de risques de l’employeur. Évidemment que tout le monde à les yeux rivés sur nous. »

Yves Rolland dit espérer pouvoir en arriver à une entente, mais estime que le déclenchement d’un conflit de travail fait partie des scénarios très probables.