Brèves syndicales

2014/06/06 | Par Maude Messier

Organisations syndicales

Le budget 2014-2015 du gouvernement libéral de Philippe Couillard est un budget gris, qui exigera beaucoup d’efforts des travailleurs des secteurs public et parapublic, de même que dans les organismes gouvernementaux comme Hydro-Québec, laissant donc présager des luttes à venir, soutient la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ).

Gel des effectifs, gains de productivité équivalant à 2 % de la masse salariale et diminution des dépenses de fonctionnement, « les intentions annoncées sont tellement démesurées que c'est à se demander si l'État québécois ne fondera pas comme neige au soleil d'ici 2015-2016 ».

Le président de la FTQ, Daniel Boyer, déplore aussi le plafonnement des cotisations de 650 millions $ pour les actions des fonds de travailleurs pour une période d’un an: « On sait que l'une des missions du Fonds (Fonds de solidarité FTQ) est de contribuer à la croissance économique du Québec en créant et en sauvegardant des emplois, en plus d'être un véhicule d'épargne pour plusieurs personnes en vue de leur retraite. Pourquoi mettre un tel bâton dans les roues ? »

« Le gouvernement continue de parler de gains de productivité de 2 % de la masse salariale. Mais de quoi parle-t-il au juste ? Les écoles et les hôpitaux ne sont pas des chaînes de montage et les statistiques de santé et de sécurité démontrent l'essoufflement des personnels », de déclarer Jacques Létourneau, président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

« Dans son histoire, la population a fait des choix qui ont fait du Québec une société plus juste et plus solidaire. Le gouvernement doit en tenir compte et préserver l'essence d'un État social fort. »

Les deux centrales considèrent que la Commission d'examen sur la fiscalité ne devrait pas être limitée à des experts qui « viendraient valider les choix politiques des libéraux », mais doit permettre aux syndicats qui représentent les travailleurs de l’État et aux citoyens d’exprimer leurs positions sur la fiscalité et le financement des services publics et les programmes sociaux. 

La « compétitivité » du régime fiscal, tel qu'interprétée par Luc Godbout, signifie un virage vers les taxes et les tarifs et aucun nouveau revenu, déplore la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui estime que les conclusions de la Commission sont à toutes fins pratiques déjà écrites.

Pour la CSQ, ce budget jette les « premières pierres pour la remise en question du modèle québécois » et soulève des appréhensions quant aux mesures qui pourraient être imposées en 2015-2016.

« Le gouvernement le reconnaît lui-même, 95 % des efforts se font du côté dépenses et aucune mesure significative ne vient augmenter les revenus de l'État », observe Louise Chabot, présidente de la CSQ, qui fait valoir que des propositions sont pourtant mises de l’avant par les mouvements syndical et populaire pourraient apporter des milliards de dollars supplémentaires sans augmenter la contribution fiscale de la classe moyenne.

« C'est un message de découragement que le gouvernement envoie aux professionnelles en soins qui sont en nombre nettement insuffisant pour accomplir leur travail», de dénoncer Régine Laurent, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui se questionne sur les intentions du gouvernement quant à la gestion de la rémunération en vue des prochaines négociations dans le secteur public.

« Je trouve particulièrement inquiétant que le gouvernement décide d'inclure les impacts financiers de la Loi sur l'équité salariale dans les négociations du renouvellement des conventions collectives des employées de l'État. »

Dans un contexte de départs massifs à la retraite au cours des prochaines années, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) s’inquiète du gel global des effectifs, alors que le réseau public souffre déjà de pénuries de personnel dans certains secteurs, comme la réadaptation et le soutien psychosocial par exemples.

Pour l'APTS, le gouvernement « pousse littéralement les patients dans les bras du privé ».

Le syndicat propose plutôt de réduire la paperasse pour les professionnels du réseau, de couper dans la sous-traitance et de réduire les tests inutiles. « Parfois, un patient peut passer jusqu'à 3 fois la même radiographie, s'étonne la présidente. Ce n'est pas normal. Nous proposons d'examiner sérieusement le paiement à l'acte, qui engendre des effets pervers. Nous souhaitons diminuer les redditions de comptes qui engendrent de la paperasse et multiplient les cadres.»

Le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) voit d’un bon œil que le gouvernement reconnaisse que l'utilisation de la sous-traitance lui a couté cher, tant en argent qu'en perte d'expertise, et qu’il cible la réduction du recours aux ressources externes.

« Le gouvernement libéral doit passer de la parole aux actes : mettre fin à la sous-traitance et ainsi économiser des centaines de millions de dollars », d’indiquer la présidente du SFPQ, Lucie Martineau, qui demeure toutefois sceptique quant au message du gouvernement qui dit vouloir protéger les services directs à la population et, du même souffle, geler les effectifs et réviser les programmes et structures.

Des syndicats représentant le personnel de la Commission scolaire de Montréal (Alliance des professeures et professeurs de Montréal, CSQ et CSN) ont dénoncé conjointement la perpétuation du sous-financement des commissions scolaires et le maintien du financement public aux écoles privées.

« Peu importe le contexte, le financement public des écoles privées est injustifiable selon nous. En période d'austérité, il est d'autant plus inadmissible. »

Ils font valoir que la CSDM est la commission scolaire qui compte le plus d'élèves défavorisés, le plus d'élèves handicapés ou en difficulté et le plus d'élèves allophones, lesquels nécessitent des services particuliers. « Déjà en nombre insuffisant, le personnel professionnel disponible dans les écoles publiques est complètement débordé par le nombre d'enfants qu'il doit aider. Pendant ce temps, le gouvernement donne des fonds publics aux collèges Brébeuf, Jean-Eudes ou Regina Assumpta qui n'ont pas à composer avec des élèves en trouble d'apprentissage ou de comportement. »

Ils insistent sur le fait que la CSDM est aussi la commission scolaire où la moyenne d'âge du parc immobilier est la plus âgée, 65 ans par rapport à 50 ans pour l'ensemble du Québec. Elle compte une vingtaine d'édifices avec des problèmes de qualité de l'air dont huit sont fermés à cause de la moisissure.

Les syndicats rappellent que dans l’objectif d'atteinte du déficit zéro, le budget des écoles publiques du Québec a été amputé de 640 millions de dollars au cours des dernières années et que la hausse de 2,2 % du budget du ministère de l'Éducation annoncée ne couvre pas l'augmentation des coûts de système qui s'ajoute au fardeau des ponctions précédentes.

Confrontée à un déficit de près de 47 millions de dollars il y a deux ans, la CSDM est déjà en mode compression des dépenses pour atteindre le déficit zéro.

À la Fédération autonome de l’enseignement, on déplore également que le gouvernement Couillard, comme tous ses prédécesseurs, refuse de remettre en question le financement public des écoles privées. « Pourtant, ce sont plus 80 millions de dollars qui pourraient être réinvestis annuellement dans les services directs aux élèves. Dans le contexte actuel, seul le manque de courage politique peut justifier le statu quo. Les écoles privées subventionnées à plus de 60 % par les contribuables pourront continuer à mener une concurrence déloyale aux écoles publiques. »

La Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université (FQPPU) s’inquiète de la bonification de 500 000 dollars par année l'enveloppe des centres d'entrepreneuriat universitaire, considérés comme des « accélérateurs de création d'entreprises technologiques ».

La FQPPU voit dans cette mesure un penchant du nouveau gouvernement envers ce type de recherche axée sur l'innovation et la commercialisation de ses résultats, au détriment de la science et de la mission fondamentale de l'université.

De concert avec laFédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), la FQPPU dénonce aussi l'arrêt de mort de la Politique nationale de recherche et d'innovation (PNRI).

Le milieu de la recherche sera notamment privé de 1 500 bourses de recherche et de 1 200 stages de recherche en milieu professionnel, soutient le président de la FEUQ, Jonathan Bouchard. « On voit un saccage d'un travail collectif autour de la recherche universitaire qui a un impact crucial sur l'innovation au Québec. »


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Groupes communautaires

Le porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté, Serge Petitclerc, déplore que les gouvernements qui se succèdent parlent « d'innovation et de rigueur, mais se contentent de répéter les mêmes vieilles recettes qui ont pourtant prouvé leurs limites. »

Il précise que ces compressions nuisent à l'accessibilité et à la qualité des services publics. Le Collectif aurait souhaité que le gouvernement porte un regard différent sur les finances publiques et favorise la mise en place de nouvelles sources de revenus.

Les compressions dans les mesures d'insertion à l'emploi et dans les services administratifs au ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) inquiètent aussi. « Ces compressions auront des impacts importants sur les services offerts aux personnes assistées sociales. Plus pernicieux encore, le seul département du MESS qui semble en développement, c'est celui du recouvrement. Cette décision politique nourrit les préjugés, en laissant croire que les personnes assistées sociales sont des fraudeuses potentielles. »

La Fédération québécoise des organismes communautaires Famille s’insurge contre la décision de ne pas accorder aux quelque 280 organismes communautaires Famille (OCF), qui soutiennent annuellement plus de 100 000 familles, le financement promis par le gouvernement québécois en octobre 2013.

Et ce, en dépit des demandes répétées au Parti libéral de reconnaître l'urgence d'un rehaussement de 5 millions de dollars et l'indexation annuelle du financement à la mission des OCF et du fait que Philippe Couillard avait soulevé cette iniquité en campagne électorale.

La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ) est aussi déçue du fait que le budget ne contient aucune mesure pour que les pensions alimentaires pour enfants cessent d'être considérées comme un revenu dans les programmes sociaux.

Si Philippe Couillard indiquait en campagne électorale intervenir spécifiquement dans les communautés défavorisées « où grandissent tant de petits Mozart », le mot pauvreté n'apparaît nulle part dans le Plan budgétaire 2014-2015 du gouvernement du Québec, qui compte plus de 500 pages ni aucunes mesures d'amélioration des revenus pour les familles en situation de pauvreté, s'indigne Sylvie Lévesque, directrice générale de la FAFMRQ.


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Quand la lutte paie : salaire minimum haussé à 15 $ à Seattle

Seattle — Dans un effort inédit pour réduire les inégalités de revenus, le conseil de ville de Seattle est le tout premier à avoir voté une hausse du salaire minimum à 15 $ de l’heure ce lundi, soit plus du double que le salaire minimum prescrit par la législation fédérale américaine.

24% des résidents de Seattle gagnent 15$ de l’heure ou moins. Selon les données de la ville, environ 13,6% vivent sous le seuil de pauvreté fixé par le fédéral.

Le plan voté en début de semaine fera passer le salaire minimum à 15 $ de l’heure en 2017 pour les entreprises de plus de 500 travailleurs qui n’offrent pas de plan d’assurance-santé et en 2018 pour ceux qui le font. Graduellement, le taux minimum s’appliquera à l’ensemble des plus petits employeurs d’ici 2021.

Cette année aux États-Unis, huit États plus le District de Columbia ont augmenté le salaire minimum sur leur territoire. Et la question du salaire minimum pourrait bien être soumise au vote à la population en novembre prochain dans quelque huit autres États et municipalités.

Pour plus de détails : ici.