Le jeu des alliances

2014/08/28 | Par Ginette Leroux

En compétition mondiale au Festival des Films du Monde (FFM)
FRANCE, 82 minutes

Arthur Vanier est un président français en manque de popularité. S’il veut gagner aux prochaines élections, une alliance s’impose. Chercher des appuis dans le camp de l’extrême droite ou courtiser son vieil ennemi de gauche?, se demande celui qui ira solliciter un nouveau mandat dans deux semaines. Le mal-aimé choisit de se jeter dans les bras de Robert Bergman (excellent Pierre Santini). L’homme de 70 ans, un grognon sympathique, figure emblématique de la gauche, coule maintenant des jours heureux dans ses terres du Gers.

Pour le séduire, le président Vanier (convaincant Patric Braoudé) confie à Safia Khalifa (Samia Dahmane), véritable chasseresse à l’esprit vif et à la taille fine, la mission de prendre dans ses rets le vieux lion dégriffé. La jeune femme déploie un arsenal de diplomatie pour arriver à ses fins. S’il accepte, il a le dos au mur. Mais voilà, bien qu’il s’amuse des échanges avec la jeune femme, le fauve n’a pas encore perdu ses dents.

Elle persiste en faisant entrer le maire de la commune dans son jeu. Rien n’y fait jusqu’au jour où Vanier accepte de quitter Paris pour se rendre chez celui qu’il essaiera de convaincre. Là se joue le dernier acte.

« Est pris qui croyait prendre », dit le proverbe. Le lion était en fait… une truite. Glissant. « J’ai faim. Pas vous? » est la dernière réplique du film. En politique, on débat toutes griffes sorties, puis on dîne ensemble. On est en France après tout.


Le film de Pierre Courrège, tourné entre 2011 et 2013, profite d’un rythme soutenu, d’un casting exceptionnel, mettant en présence dans les rôles principaux Pierre Santini, homme de théâtre et acteur chevronné, et Patric Braoudé qui, en plus de ses talents d’acteur, compte ceux de réalisateur, scénariste et producteur. Les deux artistes, dotés d’une longue feuille de route, offrent une prestation solide, nuancée et convaincante. Sous la plume aiguisée de François Bégaudeau, écrivain, critique et scénariste, à qui l’on doit l’excellent roman « Entre les murs » (2006), adapté au cinéma en 2008 par Laurent Cantet, résonnent des répliques savoureuses, vives et efficaces.

Bien sûr, il y a quelques petits bémols. Par exemple, le rôle du journaliste et amant de Safia, joué par Bruno Solo, reste inachevé. On ne saisit pas toujours ses intentions. Encore moins sa relation avec Safia qui s’emploie à jouer avec lui, comme le chat d’une souris.

N’en restons pas là. Applaudi chaudement, le film a recueilli l’assentiment du public qui, sans doute, a su rapidement établir un lien entre la situation précaire du président Vanier du film et les difficultés que connaît l’actuel président François Hollande aux prises avec les sondages désastreux qui ont largement affaibli son gouvernement.

« Un homme d’État » est une première mondiale pour le film du réalisateur français présenté au FFM. On ne peut qu’espérer qu’un distributeur québécois l’ait remarqué et qu’il se retrouve dans nos salles bientôt.