On s’est fait monter un bateau

2014/09/08 | Par Vivian Aubé

Durant la diffusion des travaux de la Commission Charbonneau, on a souvent entendu les entrepreneurs dire que s’ils donnaient de l’argent aux partis politiques, ce n’était pas pour s’attirer des contrats, mais pour éviter d’être laissés pour compte, ou selon Tony Accurso, éviter que les gouvernements leur nuisent.

Est-ce qu’ils veulent éviter que les gouvernements nationalisent leur industrie ? Est-ce qu’ils veulent s’assurer que les gouvernements continuent de soutenir l’entreprise privée ? Est-ce pour éviter qu’on leur nuise qu’ils poussent les gouvernements à s’engager dans les PPP pour éloigner le plus possible la nuisance ultime ?

En effet, dans les discussions actuelles sur la collusion , la corruption et les mesures à prendre pour éviter le gaspillage des fonds publics, on devrait se demander si ça ne coûterait pas moins cher à l’État d’acheter la machinerie, d’engager les ingénieurs et les travailleurs et d’effectuer sur un mode public plutôt que privé les travaux de routes, de ponts et d’égouts !

On s’indigne de la corruption qui nuit à la concurrence, fait gonfler les prix et fait perdre de l’argent aux gouvernements. Mais on entend rarement les commentateurs des médias à grande écoute s’indigner de la corruption qui assure le maintien de l’entreprise privée. Donner de l’argent aux partis politiques serait inadmissible non pas parce que c’est une façon de s’assurer de les influencer dans tous les domaines, mais parce c’est une façon pour ceux qui donnent le plus de s’attirer le plus de contrats. Qu’Accurso amène sur son bateau des élus du gouvernement, comme l’en a accusé Jacques Duchesneau, cela aurait été scandaleux : cela aurait péché contre libre concurrence. Mais qu’il amène des élus du mouvement syndical, cela semble tout à fait acceptable.

L’alliance Accurso, syndicats (Laberge) et gouvernement (Bourassa) a été scellée il y a plusieurs décennies déjà, comme Accurso lui-même l’a déclaré à la Commission, photo à l’appui. Le Touch, ce bateau de grand luxe, que son propriétaire a présenté comme un parfait joyau, a été construit par des travailleurs québécois chaudement et hypocritement félicités, sur les ondes, par Accurso vers la fin de son témoignage public à la Commission.

En réalité, l’entrepreneur s’est surtout servi de son jouet pour monter un bateau aux travailleurs. Quelques chefs syndicaux de la FTQ construction ont été corrompus quand ils y sont montés allégrement, le mouvement ouvrier a été divisé et gardé dans l’ignorance et le peuple a continué d’être trompé et volé.