Un Québec indépendant pour un développement économique intelligent

2014/10/02 | Par Martine Ouellet

De retour d'une mission en Norvège pour échanger et apprendre sur l'électrification des transports avec les gouvernements de la ville d'Oslo et de Norvège, des organismes de recherches et des associations d’utilisateurs, je tiens à partager avec vous mon expérience et, par le fait même, vous exposer ma vision du développement économique intelligent pour le Québec.

La Norvège, leader mondial en électrification des transports, vit présentement une croissance exceptionnelle des ventes de véhicules électriques. De moins de 5 000 en 2010, leur nombre a atteint 35 000 au mois d'août. Ce développement a été rendu possible grâce à un climat propice à l'achat mis en place par le gouvernement norvégien. De l'avis de tous ceux que j'ai rencontrés en Norvège, sans une volonté ferme du gouvernement, l'engouement actuel pour les véhicules électriques n'aurait pas été possible. Sans faire un copier-coller de l'approche norvégienne, le Québec peut s'en inspirer

Le développement économique intelligent, c'est opter pour l'électrification des transports au lieu de continuer avec le modèle actuel basé sur le pétrole. Le Québec a toutes les ressources pour devenir un leader mondial dans ce domaine et exporter son savoir-faire. Nous devrions nous donner comme objectif d’atteindre 200 000 voitures branchables pour 2022 et 1 million pour 2030. En plus, nous devrions électrifier tous les autobus scolaires et municipaux d’ici 2030.

Nous avons tous les éléments pour faire partie des meilleurs au niveau planétaire. Nous avons des centres de recherches de niveau mondial, une industrie manufacturière émergente de composantes électriques, une industrie de matériel de transport bien établie (Bombardier, Paccar, BRP, Nova Bus, Autobus Lyon), nous fabriquons des bornes de recharge (AddÉnergie, Gentec), nous avons de l'énergie renouvelable en abondance et à prix compétitif et le sol québécois contient du lithium et des terres rares, éléments que l'on retrouve dans les batteries. Nous fabriquons au Québec un des meilleurs sinon le meilleur moteur électrique au monde chez TM4.

Un Québec indépendant aurait tous les outils législatifs et commerciaux pour agir sur la scène internationale et promouvoir des objectifs importants de réduction des GES ainsi que des solutions technologiques d’électrification des transports, d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique.

Le développement économique intelligent, c'est miser sur l'industrie touristique de l'Est du Québec plutôt que sur un pipeline de pétrole. Le projet de faire transiter du pétrole en provenance des sables bitumineux d'Alberta, via un pipeline traversant le Québec et nécessitant la construction d'un port pétrolier dans la pouponnière des bélugas est une aberration. Le projet d’Énergie est ne procure pas de réel bénéfice économique pour le Québec mais génère de grands risques environnementaux! Ce n’est pas au Canada d’imposer son pétrole au Québec mais à nous, les Québécois, de choisir notre propre politique économique en fonction de nos intérêts et de ceux de la planète.

Le développement économique intelligent, c'est rapatrier le développement de l'industrie éolienne chez Hydro-Québec. Pourquoi laisser ce développement au secteur privé en lui octroyant une part des profits pour des projets presque sans risque alors qu'Hydro-Québec a tous les outils et l’expertise pour gérer efficacement la filière éolienne en la combinant avec la filière hydraulique?

À l'avenir, lorsque le marché québécois aura besoin de nouvelles sources d'énergie, ce sera à Hydro-Québec de mener à terme les projets d'éolien en collaboration avec les communautés locales. Pour ce faire, la division Hydro-Québec Éolien (HQÉ) devra être créée et son bureau-chef sera situé dans l'Est du Québec, lieu principal de l'expertise éolienne, permettant le maintien et la création d'emplois de qualité dans cette région.

 

Hydro-Québec pour l’international et pour les régions

Le développement économique intelligent, c’est utiliser notre vaisseau amiral économique, Hydro-Québec, pour se projeter à l’international. Il faut remettre sur pied Hydro-Québec International (HQI). Nous avons ici, au Québec, une expertise reconnue mondialement pour les réseaux électriques, la production d’énergie renouvelable hydraulique et aussi éolienne. Nous avons un centre de recherche de renommée internationale en électricité, l’IREQ à Varennes, sans oublier nos ingénieurs et des fournisseurs d’équipements et de services de haut niveau. À l'heure actuelle, plusieurs pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine font face à des défis énormes d’un point de vue énergétique. Nous pouvons les aider à trouver des solutions avec notre expertise en développement énergétique.

Il faudra également redonner à Hydro-Québec le mandat de travailler avec les régions et de maximiser les retombées locales et régionales de ses activités via ses fournisseurs et sous-contractants. Hydro-Québec doit travailler avec les communautés locales, tant municipales que citoyennes, afin de prendre en considération leurs préoccupations.

Le développement économique intelligent, c’est utiliser nos ressources minérales et forestière comme levier afin d'augmenter significativement la transformation sur notre territoire. Avec la nouvelle loi sur les mines, nous avons les outils pour faire plus de transformation au Québec, ce qui permettra de supporter nos entreprises manufacturières comme, par exemple, le secteur émergent des batteries électriques. Du côté de la forêt, il faut pousser la charte du bois encore plus loin en ajoutant au secteur résidentiel et commercial, le secteur industriel et celui des transports. Nous avons un exemple très récent de succès d’implantation de 16 ponts en bois pour la route des monts Otish. Augmenter les activités de transformation au Québec, c’est renforcer notre tissu industriel, c’est créer un pont avec le secteur manufacturier, l’un des piliers d’une économie forte

 

Un pays pour posséder tous nos outils

Le développement économique intelligent, c'est posséder tous les outils nécessaires pour nous développer en fonction de nos intérêts. Nous devons nous développer en nous basant sur nos forces, qui sont l'innovation québécoise, notre dynamisme culturel, le système coopératif, notre économie diversifiée de petites et moyennes entreprises réparties sur l'ensemble de notre territoire, nos ressources naturelles renouvelables, le réseau panquébécois des cégeps et des universités, la solidarité sociale et le maintien d'un État fort au service des Québécois. Pour avoir le plein contrôle de notre économie via nos lois, nos impôts et nos traités, nous devons faire du Québec un pays, c'est aussi ça le développement économique intelligent.