Le syndicalisme et le social : L’union nécessaire

2014/10/03 | Par Paul de Bellefeuille

Le gouvernement Couillard remet en question plus de 50 ans de progrès social au Québec. Il le fait en santé, en éducation, en culture, en droit du travail et en avantages sociaux. Remarquez qu’il reprend là où le gouvernement Charest s’était arrêté. Rappelons-nous que le gouvernement Charest s’était vu opposer une résistance sociale et syndicale à son projet de réingénierie de l’État. Le slogan « je n’ai jamais voté pour ça » illustrait parfaitement cette opposition et bien entendu la forte mobilisation du mouvement étudiant en 2012.

Toutefois, le contexte social et politique n’est plus le même. La dernière élection a donné un signal clair. Les programmes politiques du PLQ et de la CAQ réunis ne laissent aucun doute dans l’esprit du gouvernement Couillard.

De plus le PQ laisse apparaître une image politique plus à droite avec l’arrivée, si la tendance se maintient, de l’enfant prodige du Capital québécois, Pierre-Karl Péladeau, à la tête du parti de René Lévesque.

La politique est affaire de rapport de force. L’État sera ce que les forces politiques et sociales en présence seront capables d’imposer en terme de missions confiées à l’État, mais aussi ce que ces forces politiques et sociales seront en mesure de maintenir comme missions et rôles confiés à l’État.

L’État et les services publics sont actuellement un enjeu très important. Il est clair que nous traversons une période sombre pour l’avenir des services publics.

Un certain discours économique sert d’appui et d’argumentaire pour justifier les coupures dans les services publics. Ce discours circule depuis plusieurs années au sein des médias de masse. Les esprits ont été préparés depuis longtemps à absorber et accepter certains faits économiques comme des vérités scientifiques.

L’économie est tout sauf une science exacte. L’économie est une pratique sous influence politique. Le gouvernement du PLQ ne s’y trompe pas. Il ne consulte qu’une partie des économistes et seulement ceux qui vont dans la direction politique souhaitée. Il n’y a pas de véritable débat de société entourant l’avenir des services publics. Ce gouvernement tranche et ampute à qui mieux mieux dans tous les secteurs d’activités sous la responsabilité de l’État.

Laisserons-nous ce gouvernement nous dicter nos vies et nous imposer les services publics qui seraient à ses yeux ce que le Québec est en mesure de se donner? Les services publics seraient, dit-il, beaucoup trop généreux en rapport avec la capacité du Québec de se les payer. Il faut s’attaquer résolument au déficit budgétaire de l’État et couper dans les services publics.

La seule solution trouvée par ce gouvernement est de s’attaquer à la colonne des dépenses. La seule vision de ce gouvernement est l’austérité pour la masse de la population. La colonne des revenus de l’État est complètement ignorée sauf pour réduire les impôts des entreprises et des contribuables et pour mieux, par la suite, tarifer les services publics.

Ce gouvernement n’a pas le mandat d’agir comme il le fait en déstructurant, sinon en détruisant les services publics comme il s’y est engagé sans véritable débat de société.

Que faire? Résister et se mobiliser.

Mais comment stopper ce gouvernement dans son entreprise de déstructuration des services publics? Quelle est actuellement la force sociale suffisamment organisée pour mettre un frein à cette entreprise de déstructuration des services publics?


Force syndicale et sociale : état des lieux

Le mouvement syndical est certainement la puissance toute indiquée pour confronter et stopper le gouvernement Couillard à la condition qu’il constitue un front large et uni de résistance avec d’autres mouvements sociaux. Ce qui est loin d’être le cas pour l’instant.

Le Front commun de 2014 est relativement lézardé si on le compare avec le Front commun de la précédente négociation de 2010. Celui de 2010 était composé des 500,000 employés de l’État. Il n’est actuellement que de 400,00 puisque la FIQ n’en fait pas partie cette fois-ci et que la CSQ a été amputée d’un groupe significatif d’enseignants qui ont formé la FAE (fédération autonome de l’enseignement).

Il y a donc deux Fronts communs, soit celui composé de la CSN, de la FTQ et du SISP (secrétariat intersyndical des services publics) composé du SFPQ, de l’APTS et de la CSQ. Deux organisations syndicales ont quitté le SISP depuis la dernière négociation, soit le SPGQ et la FIQ. Ce front commun est très important en termes de nombre de travailleurs et travailleuses représentés. Il est certainement le vaisseau amiral de la présente négociation pour le renouvellement des conventions collectives du secteur public.

Toutefois, le second front commun (FIQ, FAE) n’est pas négligeable puisqu’il représente autour de 100,000 travailleurs et travailleuses de la santé et de l’éducation. Ces deux fronts syndicaux ont certainement en commun de défendre les services publics.

Toutefois, les revendications portées par ces deux groupes ont un caractère relativement classique en termes de négociation de convention collective. Peu de leurs revendications ont une portée sociale plus large qui viserait l’ensemble de la population.

Toutefois, il n’est pas certain que l’un ou l’autre des fronts communs soit le véhicule approprié pour porter une telle revendication sociale et politique.

Tous les syndicats ont en commun de vouloir combattre la vision économique du gouvernement Couillard qui se traduit par le mot austérité. Et, effectivement, le mouvement syndical dans son ensemble vise juste.

Mais comment un ou des fronts communs syndicaux créés pour, principalement, négocier le renouvellement des conventions collectives de l’ensemble des employés de l’État pourront-ils porter une ou des revendications sociales qui viseraient l’ensemble de la population du Québec?

La division actuelle du mouvement syndical en deux fronts communs n’est certainement pas le véhicule idéal pour porter une ou des revendications sociales larges. Toutefois, il y a de l’espoir mais à certaines conditions.



Alliance sociale et coalition opposée à la tarification et la privatisation de services publics

L’Alliance sociale représentant plus d’un million de personnes est composée de sept syndicats (CSN, FTQ, CSQ, CSD, SFPQ, APTS, SPGQ) et de deux organisations étudiantes (FECQ, FEUQ). Ce n’est pas rien. Toutefois, l’Alliance n’a pas à proprement parler une structure permanente.

Elle se réunit occasionnellement lorsque les enjeux politiques et sociaux le commandent. Elle lance alors une action de mobilisation autour d’un enjeu de société, comme par exemple la manifestation du 12 mars 2011 contre le budget du gouvernement, pour faire connaître le mécontentement populaire à l’endroit de cette politique.

Et lorsque cela est possible, la coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics joint les rangs. Ce qui fut le cas le 12 mars 2011.

L’action et la mobilisation unissent alors le mouvement syndical, le mouvement étudiant et le mouvement social. Ces trois forces réunies sont très représentatives d’une force politique et sociale unique au Québec.

En effet, la coalition opposée à la tarification, dite de la main rouge, est un regroupement de syndicats, qui pour certains font partie des deux groupes ou encore sont membres des centrales syndicales FTQ, CSN, mais qui ne représentent pas comme tel ces centrales syndicales.

Il peut s’agir de fédérations, de conseil centraux ou de syndicats membres de ces centrales. Certains syndicats indépendants comme la FIQ et la FAE en font partie. Certains syndicats indépendants sont à la fois membres de l’Alliance sociale et de la Coalition main rouge comme le SFPQ.

Cette Coalition regroupe aussi certains groupes sociaux se portant à la défense d’un enjeu particulier de la vie en société comme la défense du dossier des femmes, du logement social ou de la défense des consommateurs pour ne nommer que ceux-là. Le mouvement étudiant y est représenté par l’ASSÉ. Il y a au total, selon le site de la Coalition, plus 85 groupes qui en font partie.

La Coalition organise, sur ses propres bases, plusieurs manifestations et est fortement mobilisée et militante. Elle organise une prochaine manifestation le 31 octobre 2014 (L’austérité, une histoire d’horreur) pour contester la politique d’austérité du gouvernement Couillard.

Il me semble que cette action militante du 31 octobre prochain devrait associer ces deux groupes. Les moyens puissants d’action et de mobilisation, tant de l’Alliance sociale que de la Coalition main rouge, seraient certainement un facteur de succès de cette manifestation.

Et pour le rêve et pour l’espoir, pourrions-nous collectivement créer une Alliance syndicale et sociale qui aurait un caractère permanent et qui deviendrait un acteur social puissant et influent au sein de la société québécoise? Il y a bien un Conseil du patronat. Pourquoi ne pourrait-il y avoir un équivalent social et syndical?