Réplique à l’IEDM : Cessons le dénigrement stérile des syndicats !

2014/10/09 | Par Richard Perron

L'auteur est président du Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

À titre de président d’un syndicat, je me suis senti interpellé par une brochure diffusée le 7 octobre dernier et intitulée Les syndicats nuisent-ils au Québec? rédigée sous la plume de Philippe Hurteau, politologue et chercheur à l’Institut de recherche et d'informations socio-économiques. La formulation même de cette question révèle une tendance au dénigrement des syndicats, répétée sans relâche par les instituts de recherche financés par le patronat et auxquels nous nous devons de réagir par respect pour nos membres.

Dans son introduction, la brochure cite une « étude » réalisée pour le compte de l’Institut économique de Montréal (IEDM), comme quoi le fort taux de syndicalisation du Québec (environ 40 %) serait responsable d’un plus bas taux d’investissements privés et donc d’une croissance économique plus lente. Toujours selon cette étude, le Québec se serait ainsi privé d’environ 225 000 nouveaux emplois entre 1981 et 2007. À qui la faute ? Aux contraintes institutionnelles imposées au libre marché et au « déséquilibre » qui avantagerait les syndicats dans les relations de travail.

Avant d’aborder le fond, examinons le messager, c’est-à-dire l’IEDM, un laboratoire d'idées qui se revendique indépendant, mais dont les positions épousent souvent celles du patronat québécois et de grandes entreprises. Son conseil d'administration est d’ailleurs présidé par Hélène Desmarais, épouse de Paul Desmarais fils, président du conseil et co-chef de la direction de Power Corporation. Il comprend également plusieurs personnalités du monde des affaires de Montréal. Ce n’est donc pas l’IEDM qui milite le plus en faveur du syndicalisme!

Maintenant, jetons un œil sur le fond de l’article en étudiant un cas récent. Au printemps 2014, en campagne électorale, Philippe Couillard promettait de créer 250 000 emplois en cinq ans, s'il était porté au pouvoir. Pour atteindre la cible du budget de juin dernier, le ministre des Finances Carlos Leitao prévoyait la création de 31 300 emplois au Québec durant l'année en cours. Or, depuis le début de 2014, il s’est perdu 21 000 emplois au Québec. Est-ce la faute des syndicats ? Poser la question, c’est y répondre !

En parallèle, il est intéressant de noter qu’une étude de l’Institut de la statistique du Québec (Données sociodémographiques en bref, octobre 2014, volume 19, numéro 1) affirme que l’inégalité du revenu disponible des ménages, soit après impôts et transferts, est plus faible au Québec que dans le reste du Canada. Tiens, tiens !

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prêche pour une conception plus inclusive de la croissance, qui crée des opportunités pour tous les segments de la population et qui distribue les dividendes de la prospérité accrue équitablement à travers tous les segments de la société. Même l’économiste Pierre Fortin, signataire du fameux manifeste des lucides, a reconnu dans une étude que le Québec s’était mieux sorti de la crise de 2008 parce que les syndicats y étaient plus présents et que les inégalités de revenu y étaient moins grandes que chez ses voisins canadiens et américains.

Je ne suis donc pas le seul à croire qu’un taux de syndicalisation élevé amène un marché du travail avec de meilleurs emplois, à de meilleures conditions.

Plutôt que de couper dans le maigre (chez les plus démunis) et dans l’apparence de superflu (l'aide aux devoirs, les livres dans les bibliothèques, les musées, les directions régionales du ministère de l’Éducation et autres économies de bouts de chandelle du genre), le gouvernement devrait traquer sans répit son odieux réflexe de recours abusif à la sous-traitance qui, collectivement, nous fait perdre des milliards de dollars. Et plutôt que de participer à un dénigrement stérile qui contribue à diaboliser les syndicats, l’IEDM devrait étudier sérieusement les effets de la sous-traitance.

La principale cause de la collusion et de la corruption au Québec réside dans un recours trop important à la sous-traitance. Ce phénomène s’observe surtout dans les marchés public et parapublic reliés à l’industrie de la construction et à certains autres domaines, dont celui des ressources informationnelles.

Que le magazine Maclean's, en septembre 2010, soutienne que le Québec est la province la plus corrompue du Canada n’était certainement pas de nature à attirer les investissements privés! Et ce n’est pas la faute de syndicats comme le SPGQ qui, en réclamant avec insistance une loi pour protéger les divulgateurs d’actes répréhensibles, à l’instar du directeur de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), veulent contribuer à assainir cet environnement de corruption et de collusion.