On élit Coderre et on se retrouve avec un clone de Labeaume

2014/10/24 | Par Pierre Dubuc


Alain Fugère a voulu croire, le temps d’une élection, que Denis Coderre serait l’homme de la situation. « Il nous a aidés dans le dossier de l’équité salariale, mais il est rapidement devenu un clone du maire Labeaume de Québec », nous confie-t-il lors d’une rencontre dans son bureau de président du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP-FTQ).

Avec une convention collective échue depuis 34 mois et 18 mois de négociation, Alain Fugère et les membres de son syndicat en ont eu marre. Plus de 1600 d’entre eux, réunis au Centre Claude-Robillard, ont donné mandat, à 91%, à leur exécutif d’enclencher des moyens de pression pouvant aller jusqu’à la grève générale illimitée.

La situation chaotique à la Ville de Montréal avec trois maires en deux ans a longtemps servi d’excuse et les signes de bonne foi des émissaires du maire Coderre depuis son élection ont pu, un certain temps, justifier une certaine patience.

Mais l’attitude de Coderre dans le dossier des retraites des employés municipaux – où il a fait front commun avec l’antisyndicaliste Labeaume de Québec – et, surtout, le recrutement d’Alain Marcoux comme directeur général de la ville ont montré les vraies couleurs du nouveau maire de Montréal.

« Alain Marcoux était le directeur général de la ville de Québec de 2006 à 2013! Il était le bras droit de Labeaume. Auparavant, il a été directeur général de la Ville de Ste-Foy pendant dix ans. Avant cela, il a été député du Parti Québécois de 1976 à 1985 », nous précise Alain Fugère.

La rumeur voudrait que Marcoux dépose un nouveau cahier de demandes patronales! Après 18 mois de négociation!

Alain le soupçonne de vouloir chercher à attacher la négociation de la convention collective à celle du régime de retraite et étirer la négociation jusqu’au règlement des caisses de retraite, selon les modalités prévues par le projet de loi 3.

« Ce serait un nouveau délai de 18 mois! Le projet de loi 3 prévoit un an de négociation et un autre six mois d’arbitrage », rappelle-t-il.

Mais, pour lui, pas question de nécessairement lier les deux, si cela implique d'allonger les négos dans les délais de 18 mois come le prévoit le projet de loi 3.. « Nos membres ne sont pas dans la même situation que Marcoux qui touche sa pension en tant qu’ex-député, qui recevait un salaire de 218 000 $ par année à Québec, et qui, à 68 ans, a signé un contrat de 8 ans à Montréal avec un salaire annuel actuel de 315 000 $. »

Par la même occasion, Alain écarte du revers de la main l’étude de Robert Gagné des HEC publié ans La Presse – ô quel hasard ! – la même journée que l’assemblée générale des Cols blancs. Selon cette étude, la rémunération moyenne pour l’ensemble des employés municipaux de Montréal serait de 117 452 $ et celle des Cols blancs de 93 000 $.

« Je ne sais pas où il a pris ses chiffres, de nous dire Alain, mais si mon salaire était celui qu’il nous prête, je serais prêt à accepter un gel de salaire de 10 ans! Nos membres gagnent entre 23 000 et 70 000 $ et ceux qui gagnent ce dernier montant, on peut les compter sur les doigts de quatre mains. Le salaire moyen se situe entre 35 000 $ et 40 000 $. »

À ses yeux, la comparaison entre Montréal et les autres villes du Québec ne tient pas non plus la route. « Il compare des pommes avec des oranges. Il y a 27 000 employés, toutes catégories confondues à la Ville de Montréal. Mon syndicat en représente 8 000. Nomme-moi d’autres villes semblables au Québec ! »

Il est peut-être bon de souligner que ce n’est pas la première fois que Robert Gagné joue les économistes-mercenaires pour le gouvernement libéral. En 2009, il avait produit, avec Claude Montmarquette, Pierre Fortin et Luc Godbout, une série d’études regroupées sous le titre« Finances publiques : Le Québec se dirige dans un mur », pour lesquels les économistes avaient reçu 17 millions en subventions du gouvernement. En février 2014, Robert Gagné alimentait l’épouvantail du « Québec dans le rouge » du Journal de Montréal avec une nouvelle étude. Aujourd’hui, il fait partie de la Commission Godbout qui a, pour mandat, de trouver des économies de 650 millions dans le budget du Québec.

Suite à l'assemblée des Cols blancs, l'administration municipale a semblé manifester l'intention de rencontrer le syndicat au début du mois de novembre. C’est à ce moment-là, dépendant de l'attitude de la Ville, que la décision sera prise d’enclencher ou non la gradation des moyens de pression votés par les Cols blancs.


Photo : SCFP