L'Évangile selon Saint lucre

2014/10/24 | Par Michel Rioux

C’est l’évangéliste Luc qui a le mieux décrit comment le Christ s’en était pris aux pharisiens et aux spécialistes des lois. Malheur à vous. Vous êtes beaux et propres à l’extérieur mais, en dedans, vous êtes sales. Des sépulcres blanchis !

Voilà qui fessait dans le dash, comme le disait Socrate en d’autres temps…

Sauf que, depuis, c’est un autre évangéliste, prénommé Lucre celui-là, qui impose ses quatre volontés. Les possédants ont su faire de ce Lucre leur veau d’or. Le Crédit suisse, – un repaire de gauchistes, la chose est bien connue – écrivait dans son dernier rapport : « Mise ensemble, la moitié la moins nantie de la population possède moins de 1 % de la richesse mondiale. De l’autre côté du spectre, le 10 % le plus riche possède 87 % de toute la richesse de la planète, et le 1 % gère 48,2 % des biens globaux. »

Avec ça, si on veut réduire les inégalités, faudra se lever de bien bonne heure.

Pendant ce temps, les gouvernements, en particulier le nôtre à Québec, se disent acculés au pied du mur, soutenant qu’en dernier recours, c’est à la veuve et à l’orphelin qu’ils se verront contraints de faire porter le poids du redressement des finances publiques.

Comment interpréter autrement la décision du gouvernement libéral de couper 2 millions $ dans le programme de soutien aux personnes qui ont des « contraintes sévères à l’emploi » ? C’est presque le montant des primes touchées par les Drs Barrette et Bolduc !

Jamais, en effet, l'appât du lucre ne s'est-il si bien porté que maintenant. C’est dans la pratique des paradis fiscaux que ce besoin irrépressible d’en accumuler toujours davantage se vérifie de la plus criante des manières.

On doit à Alain Deneault de nous avoir fait découvrir, dans plusieurs ouvrages, le rôle proprement tentaculaire joué par ces paradis non seulement tolérés, mais encouragés par les gouvernements. Il est quand même étonnant de constater qu’en 2012, c’est un pays ne comptant que 300 000 habitants, la Barbade, qui a été la troisième destination de capitaux canadiens, après les États Unis et le Royaume Uni. Pas moins de 60 milliards $ y ont été transférés en 2012, une hausse de 80 % en cinq ans.

Et pendant que le gouvernement Couillard allonge quelque 93 millions $ sur 13 ans à la multinationale CGI, les stocks bancaires des entreprises, constitués en large partie par des capitaux épargnés en impôt dans l’économie réelle, s’élevaient à 524 milliards $ en 2012. Même feu Jim Flaherty s’en était inquiété.

Comme toujours, l'argent tiré de la spéculation est mieux traité que l'argent tiré du travail salarié.


Les bourreaux de travail

Quand il fut écrit, dans la Bible : Allez et multipliez-vous, les médecins spécialistes ont compris : Allez et multipliez pour nous. Saint lucre, comme toujours !

À deux mains dans l'auge à cochons ! À force de prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages, les médecins spécialistes ont fini par se convaincre qu'ils pouvaient leur passer n'importe quel sapin.

Avons-nous oublié cette publicité les présentant non seulement comme les soigneurs, mais surtout comme les défenseurs des grabataires, des poitrinaires et de tous ceux qui font de l'urticaire rien qu'à penser aux urgences.

Il y a quelques années, l'un d'eux se plaignait auprès de l’animateur Jean Dussault d'avoir à travailler de 70 à 90 heures par semaine, tout en déplorant de ne pouvoir opérer après 16 heures, les salles étant fermées.

«Mais où diable trouveriez-vous le temps d'opérer, même si les salles étaient ouvertes ?», demanda l'animateur. Le son qui suivit s'apparentait à celui des bulles qui éclatent à la surface, dans un bocal de poissons rouges...

Encore récemment, dans La Presse du 22 octobre, un ingénieur à la retraite se posait la question : « Des surhommes, les médecins ? » Il répliquait ainsi à une femme médecin qui soutenait avoir travaillé 168 heures durant une semaine… L’auteur se demandait à la fin « quelle autre profession du Québec a de telles conditions de travail avec un tel salaire ? »

Ça ne s’arrête pas là !

En s’incorporant, privilège qui leur a été accordé par le gouvernement Charest en 2007, les médecins ont privé les gouvernements d’impôts impayés d’une somme qui atteint 164 millions $ cette année.

Ce qui s’ajoute à la hausse de 67 % négociée par le Dr Barrette, qui vient d’être étalée sur une plus longue période. Pas moins de 47 % des médecins sont aujourd’hui devenus des … hommes de compagnie, une hausse de 7 % en moins de sept mois.

Bon, ça va ?