Un grand oublié à la Caisse de dépôt et de placement du Québec

2014/10/27 | Par Paul de Bellefeuille

Les principaux déposants à la Caisse de dépôt et de placement du Québec, notre bas de laine collectif, sont des travailleurs et travailleuses syndiqués et non syndiqués. En effet, un certain pourcentage de leur salaire est consacré exclusivement à engranger les sommes nécessaires et ainsi de s’assurer d’avoir un revenu lorsque la retraite sera venue.

Les deux principaux déposants à la Caisse sont le régime des rentes du Québec (RRQ) et le RREGOP (régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics). Ces deux déposants représentent tout près de la moitié des actifs de la Caisse.

L’actif net de la Caisse au 31 décembre 2013 est d’un peu plus de 200 milliards. Le RREGOP et le RRQ représentent à eux seuls près de la moitié des actifs nets, soit un peu plus de quatre-vingt-seize milliards.

Cet actif est le résultat des dépôts effectués tant par les travailleurs que les employeurs. Le RREGOP est financé à 50% par les travailleurs et travailleuses du secteur public et à 50% par le gouvernement-employeur. Il en est de même pour le RRQ.

L’importance de ces deux déposants auprès de la Caisse de dépôt devrait se traduire, me direz-vous, par une représentation significative des travailleurs et travailleuses, syndiqués et non syndiqués, au conseil d’administration (CA). Curieusement, il n’en est rien.

Par quel étrange tour de passe-passe une telle situation a-t-elle pu se produire? Cela est d’autant plus particulier que le premier ministre Jean Lesage avait prévu, dans son discours créant la Caisse de dépôt et de placement du Québec, une représentation des travailleurs et travailleuses. Jean Lesage déclarait dans son discours du 9 juin 1965 que la composition du conseil d’administration devait attribuer une place à un membre des centrales syndicales.

De plus, le CA a toujours accordé une place à un représentant ou une représentante des centrales syndicales. Ce n’est que récemment que cette bonne pratique a disparu. La dernière personne à avoir siégé au CA de la Caisse fut Madame Claudette Carbonneau, présidente de la CSN.

Il y a toujours eu une représentation des travailleurs et travailleuses, et ce depuis 1966, année de création de la Caisse. Ce n’est qu’en 2012 que cette tradition a été rompue.

En effet, le nouveau président de la CSN, Jacques Létourneau, élu en 2012, n’a pas succédé à Mme Carbonneau. D’ailleurs, M. Létourneau n’a pas manqué de dénoncer cette situation en 2013. Il souhaitait alors que cette question soit régularisée en prévision du renouvellement de mandat de certains administrateurs en 2014.

La consultation de la composition du CA de la Caisse le 25 octobre sur son site internet ne laisse toujours pas apparaître un représentant des travailleurs et travailleuses.

Il y a manifestement un détournement de sens lorsqu’on lit le discours de Jean Lesage de 1966. La volonté politique exprimée dans ce discours ne laissait place à aucune ambiguïté sur la présence au CA que devait avoir le monde syndical et ouvrier.

Cela était conséquent avec l’importance des dépôts effectués, à l’époque de la création de la Caisse, par les travailleurs et travailleuses. Et cela est encore plus vrai aujourd’hui où plus de 25% des actifs nets de la Caisse sont le fait des dépôts des travailleurs et des travailleuses du secteur public au RREGOP et de celui du régime des rentes du Québec.

Si on ajoutait les différents déposants du monde du travail municipal, universitaire et de celui des agents de la paix au sens large, ce pourcentage serait, et de beaucoup, supérieur à 25%.

Il y a toujours eu au moins un représentant des centrales syndicales au CA de la Caisse depuis sa création. Il y a même eu deux sièges occupés par les centrales syndicales (FTQ, CSN) de 1995 jusqu’en 2009.

Il serait temps de redonner toute l’importance que représentent les déposants que sont les travailleurs et travailleuses syndiqués et non syndiqués sur le CA de notre bas de laine collectif. Et pour reprendre la célèbre phrase de nos voisins, les USA : no taxation without representation.

Référence : Note du discours de l’honorable Jean Lesage, deuxième lecture, 9 juin 1965, page 5

Référence : Le Devoir, 12 février 2013, François Desjardins, Absents du Conseil de la Caisse, les syndicats tiennent à y retourner.


Photo : Ledevoir.com