Parti québécois et pétrole albertain : une autre perspective

2014/11/10 | Par Renaud Lapierre

Par suite du dépôt de projets, tels que les pipelines d’Enbridge et de Trans-Canada, le port méthanier à Cacouna, et le transport du pétrole sur le Saint-Laurent à partir de Sorel par superpétrolier, sans compter le transport du pétrole par train, depuis plusieurs mois, nombre d’environnementalistes et, plus étonnamment, d’humoristes n’ont pas manqué de s’insérer dans ce débat.

Les députés péquistes, pour leur part, menant la charge avec comme arguments évidents les préoccupations environnementales et, plus récemment, l’impact négatif pour le Québec du développement des sables bitumineux albertains (effet sur l’emploi, orientations en matière énergétique et de lutte aux changements climatiques contraires aux choix du Québec, etc.), arguments d’ailleurs que le premier document, rendu public par la Commission des états généraux sur la souveraineté, avait, il y a de cela un peu plus de deux ans, pleinement soulevés et que le PQ avait alors peu repris.

Aussi limpide que l’eau d’un ruisseau, la stratégie du gouvernement Harper étant de sortir le pétrole albertain à tout prix, le Québec devient, semble-t-il, la stratégie de passage la plus facile à mettre en œuvre.

Aussi, comment profiter de ce qui paraît inévitable? Comment en faire un atout dans le discours indépendantiste? Doit-on continuer à marteler un discours négatif — de victime — ou plutôt faire un constat réaliste de la situation et se définir une stratégie proactive?

Quelles sont les évidences? La plupart de ces projets seront réalisés. Pourquoi? D’abord, parce que, pour l’essentiel, ils sont de compétence fédérale. Ensuite, le gouvernement libéral les accepte presque d’emblée et, enfin, une partie importante de la population ne s’y opposera pas, convaincue, à tort ou à raison, que les projets généreront des retombées économiques au Québec.

Devant ces faits, à quelle analyse le mouvement indépendantiste et, particulièrement, l’aile parlementaire du PQ devraient-ils se livrer? Avant d’aller plus loin, il va de soi que la vigilance envers l’environnement devrait demeurer un des axes principaux du discours.

Comme chacun sait, les députés péquistes n’ont pas été élus à l’Assemblée nationale pour être les porte-paroles des seuls environnementalistes, mais pour défendre les intérêts des Québécois et prendre les positions les plus susceptibles de ne pas handicaper l’avenir d’un éventuel pays.

Soyons réalistes, si tous ces projets se concrétisent, quelle serait la position stratégique d’un Québec éventuellement indépendant? L’analyse paraît claire comme le jour. En position de négociation, elle serait plus forte, car le Canada devrait tenir compte de l’impact de ces installations sur son économie.

Alors, si nous tirons le constat suivant de ce qui précède, à savoir que ces projets se feront et qu’ils auront sans doute un effet stratégique bénéfique pour un Québec indépendant, dès lors, ne devrions-nous pas renouveler le discours indépendantiste, tel que le souhaitent tous les souverainistes, au lieu de nous déclarer victimes à tous égards?

Comment? En exigeant que l’utilisation de notre territoire ne soit consentie que dans la mesure où nous percevrons une redevance en contrepartie, applicable sur tout baril de pétrole qui gravite par notre territoire.

La proposition n’est pas nouvelle, la Colombie-Britannique ayant osé la revendiquer avant nous. Il est d’ailleurs surprenant que le PQ n’ait pas fait sienne cette idée pendant qu’il était au pouvoir.

Mais n’en restons pas là. Comme le débat de la péréquation revient sans cesse hanter le paysage d’un Québec-pays, proposons explicitement par un engagement ferme que les sommes qui seront générées par ces redevances (une taxe de 0,06 le litre rapportait, si les projets de pipelines se réalisent, 5,2 milliards par année) soient dépensées par le Québec de la façon suivante :

  • 40 % de ces sommes seraient réservés pour créer un fonds de protection en cas d’accidents environnementaux; ce fonds serait créé pour couvrir la part québécoise, si le fédéral prend l’engagement de réserver annuellement un fonds de taille identique pour la même fin. Entendu que les promoteurs au premier chef devraient offrir des garanties suffisantes en réservant des montants adéquats.

  • L’autre 60 % serait alloué exclusivement pour supporter la création de nouveaux emplois, augmenter le PIB de façon à diminuer la péréquation et surtout appuyer des technologies capables de diminuer notre consommation de pétrole importé. Il serait réparti à parts égales entre le développement sur notre territoire des technologies vertes, le transport électrique y compris, et pour l’autre moitié, pour l’appui au développement des PME manufacturières, tentant de corriger en partie le mal hollandais.

Cette approche permettrait aussi de dire à nos concitoyens que l’apport du Québec aux subventions du pétrole albertain pourrait trouver écho dans l’économie québécoise, si elle était acceptée, la balle étant ainsi renvoyée dans le camp fédéral et celui du gouvernement Couillard en ce qui concerne la réponse à cette proposition.

Est-ce que mes amis environnementalistes apprécieront ma proposition? J’en doute…, mais les indépendantistes, eux, devraient y réfléchir, car voilà l’illustration d’un discours proactif qui a davantage de chance d’attirer au PQ les indécis que celui qui s’inscrit dans le rôle de la victime, dont le bilan montre, depuis plus de 40 ans, l’inefficacité.