Chronique d’une nostalgie

2014/11/14 | Par Ginette Leroux

QUÉBEC, 79 min., v.o. française, s.t. anglais
Compétition nationale – longs métrages

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Claude Demers raconte la ville de Verdun, le quartier de Montréal où il a grandi et qu’il a fui il y a longtemps. L’orphelin, adopté par des gens qui l’ont accueilli à bras ouverts, nourri, logé et entouré d’affection, pose un regard nostalgique sur l’enfant qui rêve encore à ses parents biologiques. Ni rien ni personne n’ont suffi à lui faire oublier l’abandon à l’origine de ses jours. Verdun lui ressemble dans toute sa beauté et ses paradoxes.

Verdun est riveraine du fleuve, « un Mississipi près de chez moi », dira le narrateur. Des enfants, fascinés par sa flore, l’explorent. Des pêcheurs du dimanche s’adonnent à leur sport préféré. « Mordez, mordez, mes beaux dorés », entonne l’un deux.

Ils se souviennent que, dans les années 1950, l’ile des Sœurs, encore sauvage, était un territoire de chasse et de pêche. Elle n’est maintenant plus accessible, son écosystème a complètement été anéanti par les promoteurs qui y ont élevé d’immenses tours d’habitation qui ne servent qu’à regarder vivre les mieux nantis de la société. Les temps ont bien changé.

Verdun reste un quartier populaire, plombé par la pauvreté. Reviennent des images d’enfants rebelles, frondeurs, alter ego du cinéaste, qui parcourent les rues à la recherche de liberté.

Sur leurs planches à roulettes, ils défient les obstacles, un rappel incessant de leurs conditions de vie. « Aimerais-tu ça retrouver ton père? », dit Cédric à Bastien. « Non, répond ce dernier avec aplomb, c’t’un mangeux de marde ».

S’y côtoient francophones, anglophones et allophones. Le passé et l’avenir se font face. Un homme occupe la même banquette du Dunkin Donuts qu’il fréquente depuis plus de 40 ans, alors qu’il était « bouncer » et sa blonde, danseuse dans un bar du coin. Il se plaint que son quartier général soit déserté trop tôt le soir. Tout le monde se couche de bonne heure maintenant.

D’où je viens est un film à fleur de peau, une quête d’identité personnelle. Claude Demers se livre à un exercice de mémoire où le passé, entaché des blessures d’enfance, rejoint le présent d’un quartier montréalais qui, depuis toujours, s’identifie à un territoire de lutte, de résistance et de survie au quotidien. En ce sens, sa dernière réalisation est son œuvre la plus personnelle.

Depuis 2000, les nombreux films de Claude Demers ont été remarqués et récompensés. Qui ne se souvient pas de l’excellent « Barbiers – une histoire d’hommes (prix Gémeaux 2006 du Meilleur montage documentaire) et du très touchant « Les dames en bleu » (prix Gémeaux 2010 du Meilleur scénario documentaire).


D’où je viens est présenté le 15 novembre à 18h45 à l’Excentris et le 19 novembre à 20h30 au Cinéma du Parc.