PKP contre le Bloc… et pour Harper !

2014/11/19 | Par Pierre Dubuc

Les médias nous apprenaient que « PKP doute de la pertinence du Bloc ». Devant une quarantaine de militants, il a déclaré que « le Bloc ne sert strictement à rien, sauf à justifier le fédéralisme ».

Devant la levée de boucliers des Gilles Duceppe, Pierre Paquette, Mario Beaulieu et Bernard Drainville, PKP a transformé son affirmation en simple interrogation! Belle contorsion politique, mais il n’en demeurera pas moins que PKP vient d’affaiblir le Bloc en relançant le débat sur sa pertinence.

Considérons les conséquences électorales d’une telle déclaration. Même si le Bloc ne peut espérer, à l’heure actuelle, faire élire plusieurs députés lors du prochain scrutin fédéral, il n’en demeure pas moins qu’en récoltant de 15 à 20% du vote, il peut faire la différence dans plusieurs circonscriptions.

La vraie question est de savoir à qui profiterait sa marginalisation par suite de déclarations comme celle de PKP. De toute évidence, au Parti conservateur, particulièrement dans les circonscriptions de l’axe Lac-Saint-Jean/Beauce, qui sont dans la mire du parti de Stephen Harper.


Harper is our man

Un appui de PKP au Parti conservateur n’est pas une nouveauté. Au cours de la dernière joute électorale, les journaux de Sun Media, propriété de Québecor, ont fait outrageusement campagne pour les conservateurs. La veille du scrutin, ils publiaient en page frontispice une photo de Stephen Harper avec ce titre : « HE’S OUR MAN ».

Québecor vient de vendre Sun Media, mais est dans l’attente d’une décision extrêmement importante du CRTC pour l’expansion de Vidéotron au Canada anglais.

Répondant aux desiderata des milieux d’affaires, le gouvernement Harper veut la présence d’un quatrième joueur dans le marché de la téléphonie au Canada-anglais pour favoriser la concurrence et faire baisser les tarifs, qui sont parmi les plus élevés parmi les pays de l’OCDE.

Le marché est dominé par les Trois Grands, Bell, Rogers et Telus, avec 25 millions de clients. Lors de ses récentes enchères, Industrie Canada a réservé un traitement préférentiel aux nouveaux joueurs, dont Vidéotron, dans l’adjudication de spectre pour les communications mobiles.

Pour être en mesure de concurrencer les Trois Grands au Canada-anglais, Vidéotron, qui a 590 000 clients (12% du marché) au Québec, a besoin de capitaux et de modifications à la réglementation du CRTC sur les droits d’itinérance et la possibilité d’utiliser les tours des Trois Grands en attendant la mise sur pied de son propre réseau.

Le CRTC doit se pencher sur la question au mois de mars prochain. Le CRTC, comme on l’a vu récemment, lors des audiences sur la télévision, est complètement inféodé au gouvernement conservateur.


L’axe Harper-Mulroney-Péladeau

Dans les tractations entre Québecor et le gouvernement Harper, l’ancien premier ministre conservateur Brian Mulroney joue un rôle clef. Ami de longue date de la famille Péladeau – il est le parrain de Thomas, issu de l’union de Julie Snyder et PKP –, il a organisé un dîner privé entre le couple Snyder-Péladeau et le couple Harper au 24 Sussex, lors de l’achat de Sun Media.

L’axe Harper-Mulroney-Péladeau est toujours opérationnel, comme en témoigne la nomination de Brian Mulroney à la tête de Québecor après la profession de foi indépendantiste de PKP. Faut croire que Mulroney considère toujours PKP comme un conservateur avec un petit « c » et un « Québécois très fier, qui voit un rôle pour le Québec au Canada et en Amérique du Nord » (L’Actualité, octobre 2010).


Du déjà vu 

Cette alliance entre les conservateurs du Canada anglais et des nationalistes québécois n’est pas chose nouvelle. Dans l’histoire récente, on peut rappeler l’alliance entre Diefenbaker et Duplessis, de même que celle de Mulroney avec le René Lévesque du « beau risque ».

Avec l’attaque contre le Bloc, le chat est à moitié sorti du sac… avant qu’on l’y retourne. Nous pourrons l’admirer dans toute sa splendeur lorsque PKP annoncera qu’il reporte le référendum jusqu’à ce que le Québec soit sorti financièrement du « rouge » et se soit développé économiquement.

Comme succédanée, nous aurons droit au « souverainisme identitaire », une version XXIe siècle de la « souveraineté culturelle », pour le plus grand profit de l’empire médiatico-culturel de Québecor.

Reste à savoir si le chat sortira à nouveau du sac pendant la course à la chefferie ou seulement après la course, une fois que PKP aura accédé à la direction du parti avec le soutien de ceux qui pensent qu’il est l’homme providentiel.

Note : Un dossier complet sur PKP, Harper, Mulroney, Québecor et la bataille des télécommunications au Canada paraîtra dans le prochain numéro de l’aut’journal.