La Confédération : la plus grande œuvre des Écossais en dehors de l’Écosse

2014/11/20 | Par Christian Néron

L’auteur est membre du Barreau du Québec, constitutionnaliste, historien du droit et des institutions

Lors des Débats parlementaires sur la Confédération, plusieurs orateurs ont fait référence aux Britanniques du Canada en utilisant l’expression « l’élément colonial anglais ». Par exemple, on rappelait que déjà à l’époque de Bédard et Papineau, l’élément colonial anglais menait un dur combat d’opposition à l’élément français à l’Assemblée législative du Bas-Canada.

Mais au plan de l’histoire politique, il vaut la peine de signaler que les « Anglais » en question étaient rarement des Anglais, mais le plus souvent… des Écossais ! D’ailleurs, toute l’histoire politique du Canada, depuis la Conquête, a été bien davantage marquée par les Écossais que par les Anglais.

À part une minorité de marchands et fonctionnaires coloniaux venus d’Angleterre après la Conquête, et d’autres des colonies américaines, la population qui a émigré au Canada aux XVIIIème et XIXème siècles – à l’exception de la marée humaine arrivée d’Irlande suite à la maladie de la pomme de terre – nous est venue d’Écosse, et non d’Angleterre. Engagée à fond dans sa révolution industrielle, l’Angleterre avait à l’époque absolument besoin de sa main-d’œuvre et prenait tous les moyens pour la garder.

Naturellement, les emplois les plus prestigieux et les plus lucratifs ont été octroyés à des Anglais d’Angleterre mais, dans l’ensemble, les Anglais n’ont formé qu’une infime minorité des étrangers venus s’établir au Canada. La minorité dite anglaise qui s’opposait aux Canadiens à l’Assemblée législative à l’époque de Bédard et de Papineau était surtout formée d’Écossais, que l’on appelait indistinctement Anglais ou Britanniques.

Les Écossais ont donc joué un rôle majeur tout au cours de l’histoire politique du Canada, et particulièrement lors de la formation de la Confédération de 1864 à 1867. On n’a qu’à regarder l’origine des Pères de la Confédération qui ont représenté le Canada-Uni à la Conférence de Québec :

a) John A. McDonald, né à Glasgow en Écosse ;

b) George Brown, né à Alloa en Écosse ;

c) Alexander T. Galt, né à Londres de parents Écossais. Il passa la première partie de sa vie en Écosse ;

d) William McDougall, né à York, Haut-Canada, de parents Écossais ;

e) Oliver Mowat, né à Kingston, Haut-Canada, de parents Écossais ;

f) James Cockburn, né à Berwick-Upon-Tweed, à la frontière de l’Écosse de parents Écossais ;

g) D’Arcy Mc Gee, né en Irlande.

Bref, il n’y a que D’Arcy Mc Gee qui n’avait pas d’origines écossaises. Pas un seul n’était d’origine anglaise. Le Canada est erronément qualifié de pays anglo-saxon, alors que ses racines profondes sont anglo-celtes. Il ne faut surtout pas oublier que le Canada de 1867 est la plus grande réalisation des Écossais en dehors de l’Écosse, et qu’ils en sont fiers.

Cette part déterminante jouée par les Écossais dans notre histoire politique explique cette tendance fortement « torie », toujours disposée à favoriser des gouvernements forts et centralisés. Chez eux, en Écosse, la population avait toujours favorisé l’autorité centrale, et la prédominance de la prérogative royale.

Les Écossais sont naturellement des tories, favorables à l’autorité de quelques uns, et plus rarement des whigs, favorables au pouvoir populaire et parlementaire.

L’histoire politique du Canada moderne, c’est l’histoire d’une élite autoritaire qui décide de tout ce qui est majeur. Pour les sujets sans importance, la place est toujours libéralement cédée à la démocratie.

Pendant toutes les années où les Canadiens ont revendiqué leur droit à un gouvernement responsable, ce sont les Écossais qui ont donné leur appui à la prédominance de la prérogative royale aux dépens de la volonté populaire. À l’époque de la Confédération, ce sont eux qui se sont opposés à l’idée de faire trancher la question par un appel à la volonté populaire, soit par référendum, soit par élection référendaire.

En 1982, c’est encore la même mentalité qui nous a valu une nouvelle constitution sans se soucier de l’avis des premiers concernés. Nos pleutres ont de quoi s’en réjouir : il n’y a pas eu de référendum en 1982 !

Bref, au Canada, plus les enjeux sont majeurs, et plus la population doit se soumettre à la sagesse et à l’autorité de ses élites. C’est probablement pour ça que nous nous glorifions tant d’être un modèle de démocratie dans le monde !