La musique de la diaspora juive en constante transformation

2014/11/23 | Par Ginette Leroux

CANADA, 93 min. v.o. multilingue, s.t.fr. s.t.a.
Compétition nationale – longs métrages
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La musique est l’art des muses. Véritable passion de Tamas Wormser qui, dans son dernier film, part à la rencontre de musiciens, chanteurs  issus de la diaspora juive à travers le monde. Là où est façonnée l’identité juive.

Le « road doc » fait un premier arrêt à New York. « Les juifs errent depuis des millénaires. Leur musique a évolué à travers leurs déplacements », dit Basya Schechter qui a grandi au cœur de la communauté hassidique de Brooklyn.

À peine sortie de l’adolescence, la juive orthodoxe parcourt le monde, explorant les traditions musicales d’Israël, d’Égypte, de la Turquie et de la Grèce, de l’Afrique centrale, de la Turquie et du Kurdistan. Chemin faisant, elle s’éloigne de la religion. Ses découvertes l’amènent à créer de nouveaux sons qu’elle intègre aux chants liturgiques de son enfance. L’auteur-compositeur-interprète s’accompagne de son « oud », ancêtre de la guitare moderne.

De réputation internationale, Shura Lipovsky, d’origine néerlandaise, est l’une des plus célèbres interprètes de chansons yiddish. Entre Amsterdam et Paris, elle donne des ateliers de danse hassidique, de chants et de contes.

Américaine, née à Atlanta en Géorgie, Vanessa Paloma a grandi en Colombie. Arrière-arrière-petite-fille d’exilés judéo-marocains, elle se consacre au répertoire musical judéo-espagnol chanté par la diaspora sépharade. Sa voix est porteuse du discours des femmes.

Fils d’immigrants argentins venus d’Europe de l’Est, César Lerner et Marcelo Moguilevsky travaillent ensemble depuis 27 ans. Leur musique est influencée par le folklore et le tango argentin; leurs chansons expriment l’histoire des premiers juifs installés en Argentine. Une façon bien à eux d’affirmer leur identité juive.  

L’Américain Daniel Kahn et Psoy Korolenko, le polyglote russe, à la voix grave et mélodieuse d’un chanteur de l’Armée Rouge, s’unissent dans une chanson ouvrière de contestation des années 1930. « On devrait vous suivre à Jérusalem pour voir mourir une nation, nous on préfère rester dans la diaspora et travailler à notre libération », dit le refrain.

« Comment grandir à Détroit, dans une ville qui ne cesse d’agoniser, et ne pas être politisé », affirme Daniel Kahn. Socialiste d’abord et juif ensuite. « L’identité est importante dans les yeux de l’autre », confie le russe errant qui n’a appris qu’à l’âge de 10 ans qu’il était juif.
John Dolgin, alias SoCalled, est unique en son genre. Le gars de Chelsea est le seul enfant juif qui a grandi dans une petite municipalité québécoise, située à 15 minutes d’Ottawa. Arrivé à Montréal dans les années 1990, il pratique le « klezmer rap ». Genre touche-à-tout, son mélange personnel de musique pop, soul, jazz, blues, de klezmer et d’anciennes chansons yiddish enlevantes lui confère un style original.  Dolgin tient un accordéon de 1942 appartenant aux soldats nazis. « C’est de la merde, mais elle est si jolie », lance avec ironie l’insaisissable musicien.
Jeremiah Lockwood, fils du compositeur Larry Lockwood, a fait ses premiers pas dans le métro de New York. Il se plaît à faire revivre les chants sacrés juifs ashkénazes en hébreu, yiddish et araméen, transmis par son grand-père, le célèbre chantre Jacob Konigsberg. Quand on le voit, assis autour de la table familiale, partageant un repas en joyeuse compagnie, on comprend que, selon Lockwood, le judaïsme n’est pas qu’une ethnie ou une religion, mais « un impératif culturel ».

À Putti, des Ougandais convertis au judaïsme chantent et dansent avec enthousiasme sous la direction  d’Enosh Keki Mainah. L’Africain vit dans l’attente d’une reconnaissance par  l’État d’Israël de sa communauté unique au monde.

Le réalisateur Tamas Wormser n’a pas échappé à l’errance. Hongrois de naissance, Québécois d’adoption depuis 25 ans, il se consacre d’abord au théâtre. L’artiste aux multiples talents crée, en 1989, une boîte de production de films indépendants, tout en poursuivant des études de cinéma qu’il complète en 1991 à l’université Concordia. « La muse errante » est sa dixième production.

Après sept années à sillonner le monde et des centaines d’heures de tournage, « La muse errante » a vu le jour. « Sans l’aide de la communauté juive », ajoute spontanément le cinéaste.

Le film s’achève. Attendez, j’en veux encore! Allez voir ce film, sa musique envoûtante, ses chants sacrés réinventés, modernes, ses interprètes à la voix entraînante, différente, vous suivront pendant longtemps.

La muse errante
est présenté le 23 novembre à 16h30 à l’Amphithéâtre du Cœur des sciences de l'UQAM.


Le film sort en salle le 24 novembre au Cinéma du Parc.